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Chapitre V : Application du procédé à d’autres polluants et

V- 2.2 Tests d’élimination d’Uranium

La République Centrafricaine qui possède des minerais riches en uranium, sera dans l’avenir confrontée à une pollution par cet élément. Le problème de la contamination de l'eau par l'uranium est grave en raison des toxicités chimique et radioactive. En moyenne, la teneur en uranium dans l'eau douce de surface de certains pays peut varier de 0,01 ppb à 50 ppb et jusqu'à 2000 ppb dans les eaux souterraines (R. Villalobos, 2012). Cette quantité dépend de plusieurs facteurs, entre autre la présence des conditions oxydo-réductrices, du pH et de la disponibilité de complexants tels carbonates, phosphates, fluorures, sulfates et silicates (Gómez et al, 2006; Ivanovich et Harmon, 1992; Reyes-Cortes et al, 2007; Rossiter et al, 2010).

Les états d'oxydation d’uranium dans la nature varient de +2, +3, +4, +5 à +6. Les plus fréquentes espèces se présentent sous l’état d’oxydation +4 et +6. A l’état d’oxydation +4, l’Uranium est peu soluble dans l'eau et peut précipiter. A l’état d’oxydation +6, l’uranium forme des ions particulièrement solubles dans l’eau et donc peut se retrouver dans la chaine alimentaire et peut être ingéré. De nombreuses études ont montré que l'uranium a des effets toxiques en particulier sur le système urinaire (Domingo, 2001; Kurttio et al, 2006; Rossiter et al, 2010.). Il est aussi une source de radioactivité qui peut causer le cancer (Bosshard et al., 1992;. Al Kurttio, 2006). L'EPA (EPA, 1974, 1986). La limite appropriée pour l'eau potable est fixée dans AEP (Approvisionnement en Eau Potable) à 30 µg/L soit une radioactivité alpha de 0.56 Bq/L.

La République Centrafricaine, possède un gisement d’uranium estimé à 32.000 tonnes a été acquis par la société AREVA dans la préfecture de MBEMOU au village Bakouma depuis 2006. En raison du faible coût de l'uranium depuis l’accident de Fukushima et de l'insécurité présente dans le pays depuis plusieurs mois, AREVA a décidé en septembre 2012 la suspension de l'exploitation minière de Bakouma. Cette exploitation pourrait engendrer une augmentation de la radioactivité de l'uranium dans les eaux de surface et souterraines si le gisement était ré-exploité. Ceci représente donc un risque pour la population riveraine. Par conséquent, un système efficace et peu coûteux pour l’élimination de l'uranium de l'eau sera nécessaire et à prévoir. Dans

Chapitre V: Application du procédé à d’autres polluants et régénération de la colonne 2014 cette perspective, nous avons étudié les propriétés adsorbantes de la brique recouverte d’oxyhydroxydes de fer vis-à-vis de l’uranium dans l’eau. Nous avons focalisé nos travaux sur les propriétés adsorbantes de la brique sur les espèces de l’uranium(VI), car à ce degré d’oxydation l’uranyle est soluble dans l’eau et donc plus toxique.

Les différentes formes de l’uranium (VI) en solution en fonction du pH déduites à partir du logiciel MINTEQ, sont données sur la figure V.8

Figure V.9 : Distribution des espèces d’uranium (VI) en fonction du pH en solution aqueuse

La figure V.9 montre le caractère amphotère de l’uranium (VI) avec une forme ionique positive à pH<8 et négative à des pH>8. L’adsorption devrait donc être facilitée pour des valeurs de pH comprise entre 3.2 et 8.0 pour profiter des attractions électrostatiques maximales exercées entre formes cationiques du métal et charges négatives de la brique. Les études d’adsorption de l’uranium(VI) ont été réalisés sur deux supports préalablement activés par HCl 6M et recouverts de la ferrihydrite précipitée à pH=7.40 et pH=9.15. Nous avons évalué l’adsorption de l’uranium(VI) sur les deux supports dans les solutions d’uranyle ou le pH de départ est pH 4.5 (pH d’une solution de sel d’uranyle), 7 et 8.5, pour cela nous avons passé de l’eau milli-Q stabilisée aux pH fixés (à l’aide d’HCl dilué ou d’une solution d’ammoniac dilué) dans les deux colonnes avant filtration. La solution d’uranium(VI) a été préparée à partir d’un sel de chlorure d’uranyle (UO2Cl2 de qualité analytique). Le pH de la solution d’uranium(VI) de 55mg/l (soit 2.3.10-4 mol/l) initialement à 4.5 a été porté soit à pH=7

0 2E-17 4E-17 6E-17 8E-17 1E-16 1,2E-16 0 2 4 6 8 10 12 14 16 con c en m o l/L pH UO22+ UO 2OH+ UO2(OH)3 - UO2(OH)42-

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143 soit à pH=8.50 en ajoutant une solution d’ammoniac diluée au 50ème. Le débit de la filtration est fixé à 10 ml/min en utilisant le dispositif décrit dans le chapitre III. Les échantillons de la solution percolée sur la masse d’adsorbant sont prélevés à différents temps et analysés par spectrométrie ICP-AES.

Les premiers tests d’adsorption d’uranium sur ces deux supports ont été entrepris à pH=4.5 (pH initial de la solution d’uranyle à 0.23 mmol/L). L’évolution de la quantité et la concentration d’uranium(VI) adsorbée en fonction du volume filtré est représentée sur les figures V.10 ; V.11.

Figure V.10: Evolution de la quantité d’uranium(VI) fixée à pH=4.5 sur les deux types de brique recouverts de ferrihydrite précipitée à pH 7.40 et 9.14 en fonction de volume percolé.

Figure V.11: Evolution de la concentration d’uranium(VI) en sortie de colonne sur la brique recouverte de ferrihydrite précipitée à pH 7.40 en fonction de volume percolé.(pHeffluent)=4.5)

0 10 20 30 40 50 60 70 80 0 200 400 600 800 Qt é u ran iu m ad sor b é e e n m g volume filtré en ml pH=7.40 pH=9.14 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 0 200 400 600 800 pH Co n c UO 22+ m g/ L Volume en ml UO22+ pH PZC

Chapitre V: Application du procédé à d’autres polluants et régénération de la colonne 2014 Les résultats obtenus sur la figure V.10 montrent que l’adsorption d’uranium sous la forme UO22+ à pH=4.5 est rapidement ralentie et tend progressivement vers une limite qui indique la saturation de la colonne. On observe que la quantité adsorbée à la limite de saturation avec dépôt de fer précipité à pH=7.40 (39.03 mg de UO22+ pour 10g d’adsorbant) est inférieure à celle adsorbée à la limite de saturation du support avec FOOH précipité à pH=9.14 (69.01 mg de UO22+ pour 10g d’adsorbant). Ces résultats sont en accord avec ceux présentés dans le chapitre IV qui montrent que l’augmentation de pH de précipitation des oxyhydroxydes de fer permet d’accroître le nombre de sites actifs ≡S-O-Na+ nécessaire à la fixation des cations en solution. La quantité des sites de fixation à la surface de la brique traitée à pH=9.14 est supérieure à celle à la surface de la brique traitée à pH=7.40. Cependant la figureV.11 montre que le pH de la solution d’uranyle filtrée baisse rapidement au cours de la filtration et se stabilise autour du pHPZC. Cette baisse du pH serait liée à l’acidité de l’uranium(VI) et contribue à limiter l’adsorption d’ions UO22+ sur le support en raison d’une faible intensité d’attraction électrostatique.

L’influence du pH de la solution d’ions uranyle sur la capacité d’adsorption de la brique modifiée est représentée sur l’histogramme de la figue V.12.

Figure V.12 : Evolution de la quantité d’uranium(VI) fixée à pH=4.5 sur deux types de brique recouverts de ferrihydrite précipitée à pH 7.40 et 9.14 en fonction de volume percolé.

3,9 4,9 1,38 6,9 4,6 1,8 0 1 2 3 4 5 6 7 8 pH=4,5 pH=7 pH=8,5 Qu an ti Uran iu m e n m g/ g pH de précipitation 7.40 pH de précipitation 9.15

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Au vu des résultats présentés sur l’histogramme on peut affirmer que la brique modifiée présente de meilleures capacités d’adsorption aux valeurs de pH≤ 7 alors qu’à pH>7 sa capacité de fixation d’ions uranyle dans l’eau est faible. Les pH de filtration 4.5 et 7 (voir figure V.II) sont compris dans l’intervalle 3.2<pH<8 où les ions uranyles sont majoritairement sous les formes UO22+, UO2OH+ (voir figure V.8) donc de charges positives alors que la surface de

la brique est chargée négativement. De telles conditions chimiques sont favorables aux attractions électrostatiques à l’interface « brique-eau » inversement, une augmentation de pH du milieu réactionnel (par exemple à pH=8.5 ; voir figure.V.11) contribue à la diminution de la quantité d’uranyle adsorbée sur la brique en raison de la répulsion électrostatique entre formes anioniques de l’uranium(VI) à pH>8 et les sites négatifs de la brique (voir figure V.8).

Nos observations révèlent que le processus d’adsorption d’uranium(VI) sur la brique modifiée est principalement contrôlé par une attraction électrostatique (physisorption). Waite et al., (2009) ont montré que l’uranyle forme des complexes de sphère interne et stables avec le fer. La formation de liaisons chimiques par réaction de complexation peut aussi, comme dans le cas du phosphate, faire intervenir la chimisorption. Un tel processus expliquerait à priori la faible quantité d’uranyle adsorbée en milieu basique malgré la répulsion électrostatique entre les charges positives d’ions UO22+ et les charges négatives de la surface

de brique recouverte de la ferrihydrite.

Au moyen de la technique ESEM/EDS nous avons réalisé une analyse élémentaire de la surface des grains de brique imprégnés de la ferrihydrite précipitée à pH=7.40 et pH=9.14 après que l’adsorption d’Uranyles sur ces matériaux soit effectuée dans l’eau à pH=4.5 (voir figure V.13).

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Figure V.13: Imageries MEB et Analyses élémentaires ESEM/EDS de la surface de brique imprégnée de ferrihydrite précipitée à pH=7.40 et à pH=9.15 après adsorption d’ions uranyles dans l’eau à pH=4.50

En comparant les spectres d’énergie des éléments dosés à la surface des grains de brique recouverte de ferrihydrite précipitée à pH=7.40 et pH=9.14 on peut remarquer que les pics d’uranium qui sont plus élevés sur pour l’échantillon à pH=9.14 ce qui est en accord avec la quantité adsorbée, trouvée par analyse ICP-AES. Les images montrent des dépôts d’oxyhydroxydes de fer plus importants sur le support à pH=9.14 avec ainsi une bonne corrélation entre la couleur jaune (correspondant à l’uranium) et la couleur verte (correspondant au fer), voir figure V.13. Cette corrélation confirme que l’adsorption de l’uranium(VI) survient préférentiellement sur la ferrihydrite.

Pour appuyer cette hypothèse nous avons réalisé à partir des 2 supports (brique modifiée à pH=7.40 et pH=9.15), un profil sur une distance d’environ 160µm après adsorption des ions uranyles dans l’eau à pH=4.5.

Support préparé à pH=7.40

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Figure V.14 : Analyse ESEM/EDS des éléments Si, Al, Fe et U le long d’un profil de grains de la brique recouverte de fer précipité à pH=7.10 et 9.15 après adsorption d’Uranium(VI) dans l’eau

à pH=4.5.

Les figures V.14 montrent que :

-si la ferrihydrite est précipitée à pH voisin de 7 que l’intensité du signal spectral de l’uranium est en corrélation avec celui du fer déposé sur la brique préparé à pH=7.40. Cette observation confirme que l’uranium est adsorbé préférentiellement sur les sites (FeOONa) des oxyhydroxydes de fer et que la ferrihydrite déposée exalte les propriétés adsorbantes de la brique.

- si le support est préparé à pH=9.14 le signal d’uranium adsorbé est plus important et ceci sur toute la surface des grains analysée. Cette augmentation

Support préparé à pH=7.40

Support préparé à pH=9.14

Chapitre V: Application du procédé à d’autres polluants et régénération de la colonne 2014 d’adsorption peut être attribuée aux sites silanol (Si-ONa) et aluminol (Al-ONa) situés en dehors des zones de dépôt d’oxyhydroxydes de fer. Ces observations sont en accord avec les résultats sur la capacité d’adsorption meilleure de la brique lorsque cette dernière est recouverte avec de la ferrihydrite à pH=9.14. A ca pH, un plus grand nombre de sites actifs existent à la surface des grains de brique.

Selon le pH du milieu, la brique recouverte de ferrihydrite semble être un bon adsorbant des espèces ioniques de l’uranium(VI) dans l’eau ; Cette étude montre que le pH de filtration de la solution contaminée et le PZC de la brique modifiée sont des paramètres importants pour le contrôle de la rétention des ions uranyles dans l’eau sous leurs formes anioniques ou cationiques.