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La descente vers la pauvreté ou l’exclusion n’est pas seulement un phénomène observé dans les quartiers périphériques des grandes villes. Outre le sentiment de l’éloignement (des grandes villes, des services publics, des équipements collectifs, etc.), certains territoires ruraux sont eux-mêmes frappés par des phénomènes d’exclusion sociale et de pauvreté ce qui contraste avec le dynamisme d’autres zones rurales lié notamment à l’activité agricole et touristique. S’ils ne présentent pas la même visibilité immédiate, cela tient principalement à la retenue des habitants des zones rurales en situation de précarité.

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en lien avec le Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) a réalisé une mission sur la pauvreté et la précarité en milieu rural79 et publié un rapport en 2009. Celui-ci détaille l’économie et la composition socioprofessionnelle du milieu rural. Il met en lumière le fait que la nature de ces zones expose leurs habitants au développement de situations de précarité

Onze millions d’habitants (soit 18 % de la population de France métropolitaine), résident dans l’espace rural tel que le définissent les outils statistiques.

78 Rapports de l’inspection générale des Finances, Les aides publiques aux entreprises, janvier 2007 et Pour des aides simples et efficaces au servie de la compétitivité, juin 2013.

79 Pauvreté, précarité, solidarité en milieu rural - Marianne Berthod-Wurmser, Roland Ollivier, Michel Raymond, Sophie Villers, Dominique Fabre, inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux - ministère de l’Alimentation, de l’agriculture et de la pêche, 2009.

Tableau 4 : Superficie et population de la France métropolitaine en 2006

Source : INSEE, Recensement de la population.

Les indicateurs disponibles montrent, selon le rapport, que ces territoires, comme leurs habitants se situent dans la fourchette basse des moyennes nationales en termes de participation à l’économie nationale, en termes de revenus, de qualification ou d’emplois.

Près de 60 % des bassins de vie ruraux consacrent l’essentiel de leur activité à

« l’économie résidentielle » qui regroupe les activités essentiellement destinées aux besoins des populations locales : services aux particuliers, à la personne, commerce de détail, activité financières et immobilières, services administrés.

Les personnes âgées en milieu rural sont proportionnellement plus nombreuses  : 27 %80 contre 21 % en milieu urbain. Mais surtout les catégories les moins qualifiées sont surreprésentées parmi les actifs en emploi : 32 % d’ouvriers et 27 % d’employés, contre 7 % de cadres et professions intellectuelles (7 % d’agriculteurs). Dans les dernières années, le milieu rural a subi de plein fouet les réductions d’emploi qui ont touché les secteurs de l’industrie, car les usines sont majoritairement situées en milieu rural, et de l’agriculture.

Le taux de pauvreté monétaire moyen dans l’espace rural était, en 2009 plus élevé que dans l’espace urbain. Dans plus d’un tiers des départements de France métropolitaine, il était supérieur à 19 %, les situations étant très diversifiées selon le degré d’enclavement des territoires ruraux. Et on peut constater un fort taux de pauvreté rurale dans les départements du sud.

Pour une plus forte efficacité des dispositifs mis en oeuvre dans les territoires ruraux, une nouvelle étude sur la pauvreté et la précarité en milieu rural devrait être menée, car il est essentiel de mettre à jour des données datant de 2009.

80 En 2009.

Carte 4 : Taux de pauvreté globale par département en 2004

Les deux départements de la Corse ont été regroupés.

Source : Revenus disponibles localisés, 2004, INSEE-DGI

Carte 5 : Taux de pauvreté rurale par département en 2004

Les deux départements de la Corse ont été regroupés.

Source : Revenus disponibles localisés, 2004, INSEE-DGI

Carte 6 : Taux de pauvreté communaux (publiés en 2015)

Carte 7 : Niveaux de vie médians (publiés en 2015)

Les populations en situation de précarité et de pauvreté comprennent principalement des ruraux d’origine et des « nouveaux » arrivants.

y Dans la première catégorie, on trouve les agriculteurs de certains départements dont l’exploitation dégage peu de revenus, des personnes victimes de la désindustrialisation, des personnes âgées à faible revenu isolées et mal logées, ainsi que des jeunes sans qualification et parfois en rupture familiale. Ces catégories de population font peu valoir leurs droits.

y Sont concernées par la seconde catégorie, les néo ruraux installés à la campagne pour des raisons de coût du logement et confrontés à des difficultés à la fois financières et liées à l’isolement, des familles urbaines en situation de pauvreté s’installant en milieu rural et des personnes en « errance ». Pour les publics concernés, le milieu rural a parfois été idéalisé, sans prise en compte suffisante des problèmes de mobilité (coût du transport, ou accès à des transports collectifs), d’organisation de garde d’enfants, de rareté de l’emploi, d’accès à divers services et notamment au logement très social.

Encadré 7 : Des initiatives sont prises par les acteurs sociaux ou institutionnels

Le monde associatif, ou les organismes en charge de la protection sociale ont dans les départements des initiatives de nature à combattre la précarité.

– Le réseau des centres sociaux en milieu rural : plus de 200 centres sociaux qui assurent un accueil de proximité pour lutter contre l’isolement.

– Les relais santé développés par « Familles rurales » qui ont pour vocation de sensibiliser la population résidente en milieu rural à la santé.

– Transport solidaire mis en place par « famille rurale » pour répondre aux besoins des personnes peu valides et sans véhicule,

– Un dispositif Agri-solidarité piloté par la Mutuelle sociale agricole (MSA) de Saône et Loire destiné à faire évoluer la politique départementale de prévention et d’accompagnement des situations agricoles fragilisé.

La liste est longue de ces initiatives nées de la rencontre entre des institutions, et des bénévoles animés d’un fort désir de solidarité.

Le phénomène de fragmentation de populations explique également que de nombreuses personnes, en situation de précarité demeurent à l’écart des dispositifs sociaux.

Les relais traditionnels et efficaces que sont la Mutualité sociale agricole, les chambres consulaires ou les chambres départementales d’agriculture qui irriguent les territoires de leur capacité d’assistance, d’écoute et de service ou accompagnent les entreprises, ne peuvent souvent intervenir au-delà de leurs sphères de compétence. Les initiatives associatives qui essaiment autour de ces fortes institutions ne sont pas toujours en capacité d’intervenir.

L’attention portée aux phénomènes de pauvreté rurale ne focalise pas toujours l’attention autant que ceux observés dans les milieux urbains. Ces derniers font en effet l’objet de nombreuses études ou de nombreux reportages télévisés.

Le manque de lisibilité tient également au fait, examiné ci-dessus, que la pauvreté s’y dissimule davantage. Les personnes propriétaires de leur logement, de leur maison, mais dépourvues de revenus suffisants, se signalent moins aux services sociaux, et leur détresse n’est sans doute pas prise en compte, faute d’être connue. L’attractivité retrouvée des espaces

ruraux, le développement des mobilités qui pousse en dehors des centres urbains ceux que l’on qualifie parfois de « néo-ruraux », recompose sur le plan sociologique et démographique les zones rurales et y bouleverse des équilibres établis de longue date. Cette transformation silencieuse est sans doute à mettre en parallèle avec des comportements électoraux qui se sont manifestés ces dernières années, les populations des espaces ruraux, adoptant des expressions de vote similaires à celle des populations péri-urbaines.

Le phénomène de basculement dans la pauvreté ou la précarité, n’est au demeurant pas limité à l’espace rural hexagonal. La Commission européenne a publié en novembre 200881 une étude Pauvreté et exclusion sociale dans les zones rurales, dans laquelle est également mise en évidence la difficulté à identifier les risques de pauvreté et d’exclusion sociale. L’étude parvient, pour les 28 pays de la communauté, à des constatations identiques à celles faites en France, et notamment celles d’un niveau de vie moyen (mesuré par le PIB par habitant) inférieur dans les zones rurales qui sont plus exposées au risque de pauvreté que les zones urbaines. À l’instar de ce qui est constaté en France, avec le phénomène des néo-ruraux, l’étude a démontré, au niveau européen, un flux qualifié de «  contre-urbanisation  », se déplaçant des zones urbaines vers les zones rurales accessibles.

Au total, les phénomènes observés ne peuvent que suggérer des actions conjuguées pour le développement économique, l’investissement et l’emploi dans les zones rurales.

Ainsi le retour à la croissance passe légalement par la recherche de nouveaux moteurs de développement des économies rurales qui seront fatalement diversifiés en raison de la multiplicité des territoires à redynamiser. L’agriculture et l’industrie agro-alimentaire, qui constituent un vecteur important de croissance et un agent majeur de notre commerce extérieur, demeurent le pivot à préserver, et autour duquel peuvent se constituer des économies créatrices d’emploi. Le maintien et le développement de commerce, d’équipements et de service de proximité permettant l’accueil de nouvelles populations, peuvent-être des leviers de cette dynamisation économique.

Ces efforts sont à intégrer dans les politiques publiques de développement territorial et d’aménagement du territoire, afin de ne pas en faire une catégorie spécifique mais un objectif transversal à toutes les politiques publiques.

81 Commission européenne, Pauvreté et exclusion dans les zones rurales, septembre 2008.

La crise fait progresser la part du loyer