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TERRAIN DE CONVERGENCE DE TALENTS COMPLÉMENTAIRES

III. LE LYCÉE DES MÉTIERS

TERRAIN DE CONVERGENCE DE TALENTS COMPLÉMENTAIRES

Le succès de la réunion des voies techno-logiques et professionnelles au sein d’une même entité suppose la conjugaison des efforts de deux catégories d’enseignants, ceux des Lycées d’enseignement général et technologique et ceux des Lycées pro-fessionnels. C’est une très belle opportuni-té pour faire apparaître la convergence de talents complémentaires, pour le plus grand bénéfice de tous les partenaires ou

“ clients ”.

La convergence récente des charges de services des deux catégories d’enseignants facilite la prise en charge de certains enseignements en commun. Les classes de première d’adaptation offrent un premier chantier à ce mode d’action qui pourrait se prolonger dans l’accompagnement pédagogique de ba-cheliers professionnels accueillis dans des sections de techniciens supérieurs.

Pour assurer pleinement cette conjugaison des efforts, il faudrait offrir aux ensei-gnants des Lycées professionnels des perspectives de reconnaissance et de promotion individuelles. En clair, comment organiser l’accès de certains PLP au statut d’agrégé sans compromettre pour autant la présence de ces derniers au sein de l’établissement qui a permis d’apporter la preuve de leurs compétences ? Comment

recruter des professionnels de très haut niveau dont les compétences seraient très bénéfiques aux filières professionnelles ? Autre façon de poser la question, com-ment mettre concrètecom-ment en œuvre la

“ troisième voie ” de recrutement évoquée par le Ministre de la fonction publique. La question est réellement d’actualité pour les PLP comme pour le CAPETiens. Mais il ne faut pas éluder sa déclinaison dans l’accès au corps des agrégés.

Des agrégés dans les filières profes-sionnelles : comment y parvenir ? L’introduction de professeurs agrégés dans les filières professionnelles et le pro-jet de création d’une agrégation adaptée à cette voie suscite des réactions passion-nées. Il n’est pas question ici d’engager une polémique, mais de suggérer une mé-thode pour atteindre l’objectif tout en ex-plicitant les effets positifs et en donnant un aperçu du revers de la médaille d’une telle initiative.

Les avantages en termes d’image et de reconnaissance pour la filière comme en termes de spécificité des profils et de promotions équitablement réparties entre les divers enseignants sont trop évidents pour qu’on s’y attarde.

50 En contrepartie, les détracteurs de la pro-position avancent divers arguments qui appellent des réponses circonstanciées.

Comment repérer un haut niveau de pro-fessionnalisme sans le découpler des exi-gences didactiques ? Comment gérer une diversité de profils s’accordant mal avec les pratiques des concours actuels ? Comment se prémunir d’un encourage-ment implicite à la création de filières post-baccalauréat qui pourraient concurrencer les sections de techniciens supérieurs sur leur terrain ? Comment éviter d’introduire une disparité des services d’enseignement liée au titre dans une filière qui vient de s’en affranchir ? La conjugaison des diver-ses critiques explique, sans doute, la pru-dence de ceux qui se sont aventurés sur un terrain qu’on pourrait reformuler comme suit : Comment recruter des agré-gés (concours externe) ou promouvoir des PLP (concours internes) sur des profils de la voie professionnelle dans la perspective non exclusive de leur confier des ensei-gnements de cette même voie ? En clair, de “ véritables ” agrégés, susceptibles de recevoir une affectation dans la voie pro-fessionnelle, ce qui implique une évolution de la réglementation qui pourrait s’étendre aux PLP bi-admissibles des concours tra-ditionnels. La réponse qui suit n’élude au-cune des réserves exprimées ci-dessus.

Repérer un haut niveau de profession-nalisme sans le découpler des exigen-ces didactiques ? La dissociation d’un haut niveau de qualification et d’un cheminement disciplinaire n’est pas une nouveauté au sein de l’éducation nationale. La principale difficulté consiste à s’assurer de la qualité pé-dagogique et didactique du futur recru-té et à lui fournir, le cas échéant, des moyens de formation adaptés à la spécificité de sa future mission. En ce sens, la problématique n’est pas bien différente de celle qui a été évoquée pour les PLP et les CAPETiens.

Gérer une grande diversité des pro-fils ? L’appui sur une discipline de réfé-rence présente, parmi divers avanta-ges, celui de l’identification d’un corpus suffisamment stable pour garantir une

compétence durable et, le plus sou-vent, celui d’une filière de formation adaptée qui assure une clientèle assez large pour créer une compétition na-tionale suffisante. Ces critères s’accordent mal avec des objectifs plus proches des professions, impliquant souvent l’affichage de profils trop di-vers pour qu’il soit raisonnable d’engager de longue date des étu-diants dans des voies où l’éducation nationale aurait à ouvrir un nombre très limité d’emplois. Or, l’enseignement supérieur et la recher-che publique ont déjà mis en place des corps de fonctionnaires hautement qualifiés dont le niveau de compétence se compare relativement bien à celui d’un professeur agrégé, mais pour les-quels il a fallu s’abstraire d’un cadre disciplinaire : il s’agit des ingénieurs de recherche. Les indices de référence des titulaires de ce corps sont compa-rables à ceux des professeurs agré-gés. Il est donc intéressant d’étudier le mode de recrutement de ces derniers afin d’examiner une transposition éventuelle qui ne devrait pas porter at-teinte à l’image de ces agrégés5.

Se prémunir d’un encouragement im-plicite à la création de filières post-baccalauréat qui pourraient concurren-cer les STS sur leur terrain ? Au sein d’un Lycée des Métiers, les agrégés issus du cadre professionnel contri-bueront, au même titre que les agré-gés actuellement engaagré-gés dans la voie technologique, à l’encadrement des

5 Les ingénieurs de recherche sont recrutés sur la base de profils spécifiques et les choix sont opérés par des jurys composés de professionnels et de chercheurs. Dans le cas précis du recrutement d’agrégés, il s’agit d’apprécier les compétences liées au profil ou métier spécifique visé et de mesurer les performances du candidat en matière de didactique.

Cette compétence est indispensable et, comme elle est rarement innée, il est prudent de prévoir un dispositif de formation complémentaire et d’accompagnement. À l’évidence, la formule pour-rait être aussi mise en œuvre dans certaines spéciali-tés technologiques où les concours traditionnels n’existent pas encore comme : à titre d’exemple, la série hôtelière et, peut-être aussi, la série des scien-ces médico-sociales.

51 STS. Il est certain que la complémen-tarité des expériences respectives et la diversité des talents trouveront à se déployer de façon très pertinente dans ces formations, sans crainte d’une du-plication qui serait par ailleurs aussi préjudiciable aux intérêts bien compris des diplômés qu’à celui du système éducatif. Il n’est déjà pas facile de va-loriser au quotidien la dualité entre les STS et les IUT ; il serait inconséquent de compliquer encore un dispositif qui est déjà bien difficile à lire.

Éviter d’introduire une disparité des services d’enseignement liée au titre dans une filière qui vient de s’en af-franchir ? Il s’agit d’un obstacle dont la portée dépasse très largement le Ly-cée des Métiers et qui, en toute hypo-thèse, est déjà posé dès lors qu’un professeur agrégé issus des concours traditionnels participe à une voie tech-nologique. Il ne sera “ bien ” résolu que lorsque, à l’image de l’enseignement supérieur qui en a adopté le principe dans la Loi de 84, le service des en-seignants ne sera plus attaché au titre, mais à la fonction exercée. D’ici là, faut-il retarder la mise en place d’une entrée de la voie professionnelle dans l’agrégation pour cette unique objec-tion dès lors qu’on parvient à répondre de manière satisfaisante à toutes les autres ? Le rapporteur ne le pense pas.

Pour les enseignements professionnels proprement dits, il conviendrait, à ce stade, de distinguer deux catégories de profils, en séparant ceux qui entrent déjà dans le champ d’agrégations existantes et ceux qui en sont exclus. La formule pré-conisée ci-dessus ne concerne que la se-conde catégorie de profils et pourrait s’appliquer aussi bien pour des recrute-ments par voie externe que pour des re-crutements par voie interne. En revanche, pour les profils qui entrent dans le cadre des agrégations existantes, le recrutement externe n’est pas nécessaire ; il n’en va pas nécessairement de même pour le re-crutement interne.

Aussi, pour les concours internes, il faut valoriser la démarche pédagogique spéci-fique de chaque catégorie d’enseignants.

Les formes inductives de l’enseignement, déjà importantes dans la voie technologi-que, prennent plus de poids encore dans la voie professionnelle. Or, la nature des épreuves écrites et orales permet de met-tre l’accent, soit sur des formes inductives (plusieurs agrégations comme celle de génie civil ou celle de sciences économi-ques et de gestion ont introduit des études de cas qui vont dans cette direction) soit sur des formes d’enseignement plus clas-siques dans lesquelles les PLP ne sont pas à armes égales avec leurs collègues du CAPES ou du CAPET. Pour rétablir l’équilibre, il suffirait alors d’offrir le choix entre les deux catégories d’épreuves à tous les candidats.

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Chapitre troisième