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6. METHODOLOGIE

6.2 UN TERRAIN

Revenons un instant à l’article de Nader « « Up the Anthropologist : Perspectives Gained From Studying Up» cité en début de travail (Point 1.2). L’auteur y souligne l’importance que les anthropologues et autres chercheurs en sciences sociales étudient non plus seulement des cultures lointaines, au niveau spatial mais aussi social, mais également les groupes restreints qui détiennent le pouvoir et dont les décisions ont une influence directe sur notre vie (Nader, 1975). Le manque de recherches effectuées sur ces derniers est souvent justifié par les difficultés méthodologiques auxquelles elles confrontent ceux qui s’y risquent. Difficultés qui, selon Nader, bien qu’elles soient réelles, ne sont pas spécifiques à ce genre de terrain, mais communes à toute recherche en sciences sociales. Celles-ci concernent : les

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difficultés d’accès au terrain et aux interlocuteurs, la difficulté éthique au niveau de l’impact de telles études sur la société, puis la difficulté méthodologique pour des questions d’accès aux données.

Sans reprendre ces trois points dans l’ordre, ces difficultés seront évoquées ici au travers des points qui nous intéressent, à savoir : le choix et l’accès au terrain, l’échantillonnage ainsi que la récolte et l’analyse des données, et seront reprises dans la partie réflexive à la fin de ce chapitre.

6.2.1 Choix du terrain, accès et échantillonnage Choix du lieu

Le choix de mon terrain a été largement influencé par des préoccupations d’ordre pratique. Après un entretien au bureau de conseil en vue du retour de Neuchâtel qui m’a été fort utile pour tester ma première grille d’entretien et d’entrevoir les problématiques auxquelles les employés pouvaient être confrontés, j’ai choisi de finalement m’orienter vers un autre canton. En effet, le nombre de cas traités par années (une trentaine) ainsi que le nombre d’employés (une en attente d’un/e collègue) étaient trop faible à Neuchâtel pour garantir une récolte de données suffisamment diversifiée et en quantité suffisante afin d’effectuer cette recherche dans le temps qui m’était imparti. J’ai ainsi dû faire un choix entre deux autres alternatives possibles: le canton de Genève ou le canton de Vaud. Tout d’abord pour une question de langue et la proximité avec Neuchâtel, puis pour le nombre important de cas traités dans ces cantons. Le bureau d’aide au retour du canton de Genève présente la particularité d’être géré par un organisme associatif alors que celui du canton de Vaud est géré par une structure étatique, les deux cantons bénéficiant d’une aide cantonale destinée aux clandestins, fait intéressant dans mon intérêt pour la question de la marge de manœuvre.

Du fait de la proximité spatiale et d’un point d’entrée quasiment garanti dans ce dernier, mon choix s’est finalement porté sur le CVR du canton de Vaud.

Accès au terrain et choix de l’échantillonnage

Afin d’accéder au terrain, j’ai tout d’abord envoyé un premier mail au responsable du CVR afin de me présenter et d’exposer le but de ma recherche en insistant sur le fait que je m’intéressais spécifiquement aux pratiques et aux discours des employés

47 autour de la décision d’octroi de l’aide au retour.

Ainsi, lors de mon terrain, cette façon de présenter ma recherche de manière relativement précise a en grande partie restreint et défini mon échantillonnage, celui-ci comprenant uniquement les employés chargés de l’octroi de l’aide au retour, mettant ainsi de côté les autres employés dont le point du vue sur le bureau et son fonctionnement administratif aurait pu être intéressant. Concernant les observations effectuées lors d’entretiens entre employés et bénéficiaires, ceux-ci n’étant pour la plupart pas prévus je n’ai pas toujours pris le temps ni réussi à me présenter personnellement ce qui m’a posé des problèmes au niveau éthique, le but de ma présence n’ayant pas été explicité aux bénéficiaires.

Mon échantillon a donc été en grande partie influencé par mon questionnement de départ sur la décision d’octroi de l’aide au retour et s’est finalement composé du responsable ainsi que des deux autres employées qui sont chargés d’octroyer l’aide au retour mais aussi de deux autres personnes actives au niveau politique dans le canton de Vaud.

6.2.2 Structure et collaborateurs

Le service de l’aide au retour est sous la direction de la division asile qui se trouve sous l’autorité du service de la population (SPOP). Ce service est dirigé par le conseiller d’Etat vaudois Monsieur Leuba sous la direction de la section aide au retour au SEM (ILR), au niveau fédéral.

La spécificité de ce bureau d’aide au retour réside dans l’existence d’une aide cantonale destinée aux sans-papiers et bénéficiant de fonds cantonaux. Le CVR est donc financé en partie par le SEM concernant les aides au retour fédérales, mais trouve ses fonds dans ceux du SPOP6, organisme chargé des renvois, pour l’octroi de l’aide cantonale.

Au niveau des employés, le bureau de conseil en vue du retour comprend un responsable et quatre employées qui travaillent pour un total de 210% d’occupation fixe (dont 160% de conseils et 50% d’administratif) et 90% d’occupation temporaire. Le responsable est un homme qui y travaille à 100% depuis 1997, lorsque le poste a été créé. Son rôle est d’assurer la gestion des programmes d’aide au retour, les

6 Service de la population du canton de Vaud chargé de la mise en œuvre des législations fédérales et cantonales en matière de migrations.

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programmes pour les personnes victimes de traite et de prostitution ainsi que des relations publiques. Il est également chargé de recevoir les bénéficiaires et d’attribuer une aide au retour.

Les deux autres postes fixes sont occupés par des femmes, dont une occupe un poste à 50% et gère essentiellement des tâches administratives et l’autre est à 60% et s’occupe de la gestion des cas individuels. La première est arrivée ici par le biais des PET (programmes d’emploi temporaire) mais a été engagée et était en poste fixe depuis trois mois au printemps 2015. La deuxième travaille ici depuis 2007.

Les autres employées sont toutes des femmes étant arrivées ici par le biais des PET et occupent un total de 90%. Ces dernières s’occupent de l’accueil des personnes, de répondre au téléphone ainsi que de la gestion de l’agenda du responsable et des deux autres employées s’occupant des conseils individuels.

Au niveau des formations des employés, il n’y a pas de formation spécifique pour les postes précités, chaque employé ayant suivi des formations différentes. Cependant, les trois personnes chargées des de l’octroi de l’aide au retour ont toutes une formation universitaire.

6.2.3 L’aide au retour du canton de Vaud en chiffres

Enfin, afin de pouvoir se rendre compte de ce que représente l’aide au retour au niveau cantonal voici à présent quelques chiffres.

En 2013, l’aide au retour représentait 1 million de francs attribués à 345 personnes dans le cadre d’un retour volontaire soit 350'000 francs d’aide cantonale et 700'000 d’aide fédérale. Parmi ces 345 personnes, 195 ont reçu une aide fédérale et 149 une aide cantonale, une personne ayant bénéficié à la fois d’une aide fédérale et d’une aide cantonale.

A souligner que ces chiffres ne comprennent pas les frais engendrés pour dégager ces montants tels que les recherches effectuées par l’OIM dans les pays d’origine, les frais de voyage, etc.

Concernant le nombre de cas traités au CVR, celui-ci s’élève à 869 personnes représentant 570 dossiers dont 460 sont effectivement parties avec l’aide au retour, ce qui représente un peu plus d’une personne sur deux.

Pour les cas qui ont bénéficié d’une aide au retour, celui-ci s’élevait à 200 cas en 2011, 350 cas en 2012, 460 cas en 2013 et 220 cas en 2014. Cette diminution brutale en

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2014 s’explique notamment par l’accélération des procédures et les phases tests effectuées à Zurich qui a largement contribué à diminuer le nombre de cas octroyés aux cantons, ainsi que par le pourcentage de plus en plus important de demandeurs d’asile ayant obtenu le statut de réfugiés du fait des conflits en Syrie, celui-ci ayant augmenté de 13,2 % entre fin 2013 et fin 2014 (Admin, statistiques 2014).

Selon l’avis des personnes rencontrées dans le cadre de cette recherche, les années à venir verront cette tendance se renforcer, ce qui diminuera le nombre de retours volontaires et augmentera surtout le nombre de cas complexes à gérer.

Cette tendance se confirme partout en Suisse où, en 2014, seulement 1990 retours volontaires contre 3478 pour 2013 ont été effectués.

Parmi ces 1990 personnes parties avec l’aide au retour en 2014, les départs depuis les centres d’enregistrement et de procédures (REZ) représentent plus de 46% des retours, l’aide au retour individuelle représentant 44% des départs et les programmes à l’étranger seulement 4% des départs.