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Chapitre II : Etat de l’art

6- Techniques de mise en solution des échantillons solides de l’environnement

L’étape d’analyse des échantillons solides de l’environnement débute généralement par une mise en solution. Cette étape permet de transformer les échantillons initialement sous forme déshydratée ou calcinée en échantillon sous forme liquide, en détruisant complétement la matrice. La mise en solution des échantillons solides de l’environnement est en général réalisée soit par minéralisation acide, soit par fusion alcaline.

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6.1- Mise en solution en milieu acide

La mise en solution en milieu acide est la méthode la plus commune pour la mise en solution des échantillons solides de l’environnement. Lors d’une minéralisation acide, une source d’énergie chauffe les solutions d’acides concentrées comme HCl, HNO3, HF, H2SO4 qui recouvrent la matrice solide et brisent les liaisons ioniques et moléculaires faibles, créant ainsi des composés plus solubles.

Deux techniques de dissolution acide sont largement utilisées dans les laboratoires d’analyse :  La dissolution acide à pression atmosphérique

 La dissolution acide par micro-ondes

6.1.1- Dissolution acide à pression atmosphérique

Dans ce cas de figure, la source d’énergie est généralement une plaque ou un bloc chauffant. L’échantillon et les solutions d’acides sélectionnés sont placés dans un contenant à pression atmosphérique. En utilisant ce type de système, la température d’ébullition à pression atmosphérique des acides ne peut pas être dépassée ce qui limite la dissolution des oxydes réfractaires et notamment les oxydes de thorium, oxydes d’actinides les plus réfractaires (Milliard, 2011). Pour pallier à cette contrainte, plusieurs mises en solutions successives peuvent être réalisées avec différents mélanges d’acides. Cette alternative augmente néanmoins la durée qui peut atteindre 3 jours.

6.1.2- Mise en solution en milieu acide par four à micro-ondes

Les micro-ondes sont des ondes électromagnétiques à haute fréquence qui se propagent à la vitesse de la lumière et transportent de l'énergie. Lors d’une minéralisation par micro-ondes, ces dernières vont donc constituer la source d’énergie.

Les molécules des acides (polaires et/ou ioniques) sont alors agitées suivant deux mécanismes, à savoir la conduction ionique et la rotation dipolaire, ce qui entraîne un chauffage rapide et efficace de la solution.

La dissolution est réalisée dans une enceinte fermée et transparente aux micro-ondes, ce qui permet la génération d'une surpression (> 50 bar) entraînant une dissolution plus efficace que lors d’une dissolution acide à système ouvert. Par ailleurs, l’enceinte fermée permet de pouvoir dépasser les températures d’ébullition des acides à pression atmosphérique. Ces températures peuvent atteindre 300 °C si la nature de la matrice le nécessite. Ce type

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d'appareillage a l'avantage d'être plus efficace que la minéralisation acide à système ouvert tout en étant beaucoup plus rapide.

Mellado et al. ont développé deux protocoles de minéralisation par micro-ondes permettant la mise en solution et l’analyse de U, Th, Pu, Am et Sr dans différents échantillons de sédiment en moins d’une heure et demie (Mellado et al., 2001). Ce protocole ne permet pas, néanmoins, de mettre en solution tous les oxydes réfractaires, ce qui engendre une baisse des rendements en U et en Th dans certains échantillons (≤ 40 %).

Le désavantage majeur de la minéralisation acide par micro-ondes par rapport à celle à pression atmosphérique est la prise d’essai (< 1 g) qui est moindre que ce que permet la dissolution acide traditionnelle (jusqu’à plusieurs centaines de grammes). Par ailleurs, la surpression engendrée peut être incontrôlable et peut provoquer des explosions.

L’inconvénient de ces deux techniques de minéralisation est la dangerosité des acides concentrés en cas de projection ou lors de la manipulation de grandes quantités. De surcroît, ces techniques ne permettent pas la mise en solution totale des oxydes réfractaires.

6.2- Fusion alcaline

La méthode la plus efficace pour la mise en solution des oxydes réfractaires est la fusion alcaline. L’échantillon solide est mélangé à un sel fondant, placé dans un creuset généralement en platine, et chauffé jusqu’à la température de fusion du sel fondant (800-1100 °C). Le fondant, en très large excès (rapport minimum échantillon/fondant de 1/5) et la température très élevée induisent une complexation des cations (Anz+) avec les anions du fondant, réaction habituellement défavorable. Le mélange ainsi formé est ensuite coulé dans une solution aqueuse d’acide peu concentrée et agité vigoureusement pour permettre une mise en solution totale.

La fusion alcaline est utilisée depuis plusieurs années pour la mise en solution des échantillons solides de l’environnement en vue de l’analyse des actinides et du radiostrontium (Maxwell et al., 2012b ; Galindo et al., 2007).

Par exemple, Smith et al. ont mis en place un protocole d’analyse des actinides dans ~ 5 g d’échantillons de sol (Smith et al., 1995). Ce protocole débute par une calcination de l’échantillon dans un four à 510 °C. Cette calcination est suivie par une fusion de l’échantillon, à 750 °C, en utilisant des creusets en alumine et de l’hydroxyde de sodium comme sel fondant. Le mélange est ensuite versé dans 100 mL d’eau distillée et agité pendant 1 heure. La durée totale de ce protocole de fusion est d’environ 3,5 heures.

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Croudace et al. ont opté, pour l’analyse de U et de Pu dans des échantillons de sol, par une fusion à base de borates où le mélange échantillon/fondant est placé dans des creusets Pt/Au (95 %/5 %), le tout étant introduit dans un four à 1200 °C (Croudace et al., 1998).

Mantero et al. ont mis en évidence les avantages de la minéralisation par fusion alcaline par rapport à une minéralisation acide (Mantero et al., 2010). En effet, une comparaison a été effectuée dans le cadre de l’analyse d’échantillons de sol contenant des oxydes réfractaires de U et de Th. La minéralisation par fusion alcaline dans un four, utilisant du pyrosulfate de potassium comme sel fondant a permis d’obtenir des résultats compatibles avec les valeurs de référence, contrairement à la minéralisation acide à chaud et à pression atmosphérique.

L’inconvénient des premiers protocoles de minéralisation par fusion alcaline décrits ci-dessus était leur dangerosité. En effet, ces fusions étaient réalisées dans un four, le creuset était ensuite récupéré chaud (pour que le mélange soit encore liquide) et le contenu était versé dans un bécher contenant de l’acide ce qui accroît considérablement les risques de brûlures et de projections. Afin de pallier à cet inconvénient, CLAISSE a mis sur le marché des unités de fusion automatisées (CLAISSE et Blanchette, 2004). Ces unités « nouvelle génération » chauffent le mélange contenu dans le creuset jusqu’à la température de fusion du sel fondant utilisé et la lave obtenue est versée automatiquement dans un bécher contenant une solution d’acide. Ces unités permettent d’avoir des protocoles ajustables et répétables (température, position et agitation des creusets) et qui durent moins de 30 min (10 - 20 min selon le type de matrice). Ces fusionneuses automatisées ont permis de généraliser l’utilisation de la fusion. La nature de creuset utilisé est étroitement liée à la nature du sel fondant. Le tableau II-7 dresse la liste des différents fondants utilisés, la nature de creuset adapté ainsi que la nature de l’échantillon à dissoudre (Milliard, 2011).

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Tableau II-7 : Fondants, creusets et échantillons adaptés

Fondants Creuset(s) adapté(s) Echantillons

Na2CO3 Pt Silicates

LiBO2 Pt Tous sauf sulfures et métaux

Li2B4O7 Pt Tous sauf sulfures et métaux

Na2O2 Zr, Ni ou Fe Tous

B2O3 Pt Silicates, oxydes et minerais réfractaires

CaCO3

NH4Cl Ni Silicates

KHF2 Pt Oxydes formant des complexes fluorés

K2S2O7 Pt Oxydes insolubles

NaOH Zr ou Ni Silicates et carbènes de silice

Les sels fondants les plus utilisés lors d’une fusion automatisée d’échantillons solides de l’environnement en vue de l’analyse des actinides sont les sels boratés (LiBO2 et Li2B4O7) (Guérin et al., 2011a ; IAEA, 2009).

Gagné et al. ont utilisé avec succès ces sels boratés pour faire fondre des matières fécales en vue de l’analyse de Am et de Cm dans le cadre de l’estimation de la dose interne en cas d’accident (Gagné et al., 2013).

Milliard et al. ont également réussi à calciner des échantillons de sol en utilisant une fusion automatisée et des couvercles pour les creusets afin d’éviter les pertes de matière. En combinant ainsi la calcination et la minéralisation, le gain de temps par rapport à une calcination classique au four et une minéralisation acide à système ouvert a été estimé à quelques jours (Milliard et al., 2011).

Les inconvénients de la mise en solution par fusion automatisée sont la prise d’essai limitée (< 1 g) et la complexité de la matrice solubilisée. La fusion alcaline automatisée permet de mettre en solution la totalité de la matrice ainsi que les sels fondants, présents en grande quantité.

Afin d’éliminer le fondant et les constituants indésirables de la matrice, les co-précipitations sélectives après l’étape de fusion sont très utiles. Deux types de co-précipitations existent. En effet, les éléments d’intérêt peuvent être précipités, dans ce cas le précipité formé est récupéré, remis en solution et analysé. Une co-précipitation des éléments indésirables peut également être réalisée. Le surnageant est alors récupéré pour la suite de l’analyse. Nygren et al. ont réussi à éliminer Si, présent en large quantité dans des échantillons de sol et

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de sédiment, après une fusion alcaline en le faisant floculer avec du polyéthylène glycol (PEG) (Liu et al., 2014 ; Nygren et al., 2003).