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Techniques expérimentales d’étude des thermodégradations

Afin d’analyser l’influence de la chaleur sur certaines propriétés chimiques ou physiques, de nombreuse méthodes d’analyse thermique existent et sont présentées dans cette partie. Pour ana-lyser les produits issus de la thermodégradation des matériaux polymères, il existe différentes tech-niques d’analyses des COV avec chacune ses avantages et ses limitations. Afin d’analyser les COV émis lors de la dégradation de polymères, il est nécessaire de coupler une techniques d’analyse thermique à une méthode d’analyse des COV.

2.4.1 Méthodes d’analyse thermique Généralités

La définition de l’analyse thermique couramment acceptée a été donnée par l’ICTAC

(Interna-tional confederation for thermal analysis and calorimetry) et MACKENZIE[69] :

« Un groupe de techniques dans lequel la propriété physique d’une substance ou ses pro-duits de réaction sont mesurés en fonction de la température lorsque la substance est soumise à un cycle thermique programmé. »

Cette définition implique trois critères pour qu’une technique soit une technique d’analyse ther-mique :

1. une propriété physique ou les produits de réaction doivent être mesurés ; 2. ces mesures doivent être exprimées en fonction de la température ; 3. la dégradation doit être effectuée sous température contrôlée.

Il est important de noter que cette définition différencie bien l’analyse des propriétés physiques de l’analyse des composés émis. Comment la température de l’échantillon doit-elle être programmée ? Dans la pratique, deux procédures sont utilisées :

– La température est maintenue à une valeur constante soigneusement contrôlée et le suivi de la grandeur d’intérêt est fait en fonction du temps. La mesure est réitérée à différentes températures ;

– La température est contrôlée de manière à augmenter linéairement en fonction du temps, avec une pente ou « rampe » soigneusement contrôlée. La température initiale est générale-ment la température ambiante, la température finale à laquelle on stoppe le chauffage doit être suffisamment haute pour que la thermodégradation de l’échantillon puisse être consi-dérée comme totale. La dépendance, en temps, de la grandeur d’intérêt peut alors être di-rectement convertie en dépendance en température. La mesure est réitérée pour différentes rampes de température.

Les champs d’application étant très larges et les conditions de dégradation très différentes, les ana-lyseurs étudiant ces phénomènes sont aussi très variés. Le tableau2.1présente les différentes tech-niques permettant d’analyser les propriétés physiques en fonction de la température.

Les matériaux les plus étudiés sont les matériaux inorganiques, les polymères, les métaux et leurs alliages, suivis des produits organiques. Les principales applications sont le contrôle qualité, les expertises de matériaux défectueux et la recherche pour l’innovation. L’analyse thermique est

2.4 Techniques expérimentales d’étude des thermodégradations

Tableau 2.1–Principales méthodes d'analyse thermique des propriétés physiques [7072].

Propriété mesurée Nom de la technique Abréviation français anglais

masse thermogravimétrie ATG TGA

gaz permanent evolved gas detection EGD différence de température analyse thermique différentielle ATD DTA chaleur transférée : enthalpie differential scanning calorimetry DSC dimensions thermo dilatométrie

mécaniques analyse thermomécanique ATM TMA viscoélasticité analyse mécanique dynamique AMD, ADM DMA magnétiques-aimantation thermo magnétométrie TM TM électriques thermo électrométrie

acoustiques thermo sonimétrie TS TS

le type d’analyse le plus fréquemment utilisé dans le domaine des polymères. Les principales mé-thodes d’analyse utilisées pour étudier la dégradation des matériaux sont l’analyse thermogravi-métrique (ATG), l’analyse thermique différentielle (ATD), la calorimétrie différentielle programmée (DSC), ainsi que les analyses thermomécaniques [73]. Les techniques ATG, ATD et DSC sont briève-ment décrites ci-après. Toutes trois utilisent des rampes de température.

Analyse thermogravimétrique (ATG)

L’analyse thermogravimétrique consiste à mesurer la masse d’un échantillon lorsque celui-ci est soumis à un cycle thermique programmé. La dégradation peut être faite sous atmosphère contrôlée (inerte ou oxydante) ou sous vide. C’est une analyse simple à mettre en œuvre, très répandue pour étudier la thermodégradation des matériaux.

L’ATG fournit une courbe, le thermogramme, qui représente :

m m0

= f (T ) (2.1)

Avec m, la masse au temps t, m0la masse initiale de l’échantillon et T la température au temps t. La mesure ATG permet de déterminer si la dégradation est totale ou s’il existe un résidu solide en fin de dégradation qui corresponde au charbonnage dans le cas des polymères.

La figure2.2montre le cas d’une masse résiduelle finale nulle, correspondant à une dégradation totale.

Cette mesure permet aussi d’accéder à deux températures caractéristiques :

– la température à laquelle le matériau initie sa dégradation, elle est ici de 300 °C ;

– la température à laquelle la pente du thermogramme est maximale, qui correspond à la vi-tesse maximale de dégradation. Elle est visualisée sur la courbe dérivée ou courbe d’analyse thermique différentielle (ATD) (DTG – differential thermogravimetric analysis) : maximum à 360 °C sur la figure2.2.

Analyse thermique différentielle (ATD)

L’ATD permet de suivre l’évolution de la différence de température,∆T, entre l’échantillon étu-dié et un échantillon de référence chauffé dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec les mêmes

CHAPITRE2 : La dégradation des polymères 260 280 300 320 340 360 380 400 420 440 0 20 40 60 80 100 0 5 10 15 Température (°C) P er te de mas se (% ) V itesse de per te de mas se (%/min)

Figure 2.2–Courbe ATG en rouge de la dégradation de PMMA sous azote à 5 K.min-1. La dérivée de la courbe de masse (DTG) est représentée en bleu.

transferts thermiques. La référence doit être « inerte thermiquement », c’est-à-dire ne pas subir de processus endo- ou exo-thermique, comme un changement de phase ou une réaction chimique, dans le domaine de température exploré.

Cette méthode, développée en 1899 par ROBERTS-AUSTEN [74], permet d’accéder à de nom-breuses caractéristiques des matériaux : par exemple changement d’état, changement de phase, changement de structure.

Calorimétrie différentielle programmée (DSC)

La calorimétrie différentielle programmée (DSC – differential scanning calorimetry) fournit le même type de renseignements que l’ATD, mais elle mesure la quantité de chaleur que le dispositif fournit à l’échantillon pour le maintenir à la température programmée. Plus précisément, l’appareil mesure la différence entre la puissance électrique fournie par le four à l’échantillon et la puissance fournie à la référence, soumise au même cycle thermique.

Figure 2.3–Courbe d'analyse thermique caractéristique d'un polymère semi-cristallin [56].

Cette méthode calorimétrique permet de mesurer quantitativement des quantités de chaleur plus faibles que celles qui sont déduites des mesures ATD et d’accéder avec précision à la tem-pérature et à la chaleur produite ou absorbée lors d’une transformation, comme, entre autres, les chaleurs latentes de changement de phase ou d’état et les capacités calorifiques [75].

2.4 Techniques expérimentales d’étude des thermodégradations

En raison de sa sensibilité, la DSC a pratiquement remplacé l’ATD pour l’étude des polymères, où les échanges de chaleur sont souvent faibles comme par exemple, la caractérisation des transi-tions vitreuses.

2.4.2 Méthodes d’analyse des gaz

L’analyse des gaz pendant la dégradation peut apporter des informations utiles à la compréhen-sion des mécanismes. Dans cette partie, nous distinguerons les gaz dit « permanents » (CO2, CO, ou H2O. . .), des composés organiques volatils.

Les premiers sont classiquement analysés par couplage avec un analyseur infra-rouge (IR) ou de masse de type quadripolaire. Concernant les seconds, leur mesure était jusqu’à présent plus difficile. La méthode utilisée consistait à piéger l’ensemble des COV émis pendant la dégradation puis à faire une analyse GC-MS. Cette méthode ne permet pas l’analyse en temps réel bien qu’elle ait beaucoup progressé en rapidité.

Cependant, des analyseurs thermogravimétriques sont parfois couplés à des méthodes d’ana-lyse en temps réel permettant une caractérisation partielle des gaz et des COV émis. La technique le plus couramment utilisée est la spectroscopie d’absorption infrarouge (IR).

Le tableau2.2résume les différentes techniques d’analyse ou de caractérisation des COV émis.

Tableau 2.2–Principales méthodes d'analyse des COV.

Nom de la technique Propriété mesurée Abréviation Temps réel ?

analyse infra-rouge absorption IR : liaisons chimiques FTIR oui

analyse élémentaire éléments AE non

GC temps de rétention GC non

GC-MS spectre de masse des COV GC-MS non

CI-FTICR/MS masse des COV BTrap oui

RMN résonance magnétique nucléaire RMN non

GC : chromatographie en phase gazeuse

GC-MS : chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse CI-FTICR/MS : spectromètre de masse FTICR couplé à l’ionisation chimique

Chromatographie en phase gazeuse (GC)

La chromatographie en phase gazeuse (GC – gas chromatography) est une méthode séparative qui consiste à entraîner le mélange, à l’aide d’un gaz vecteur inerte (phase mobile), à travers une « colonne » contenant la phase stationnaire pour laquelle chaque constituant a plus ou moins d’af-finité. La phase stationnaire est en général un polymère déposé sur un support. La colonne est pla-cée dans un four qui la maintient à température constante ou programmée. Selon leur affinité pour le polymère, les constituants entraînés par l’éluant gazeux vont migrer à des vitesses différentes et donc parvenir à des instants différents à la sortie de la colonne. Les composés ainsi séparés peuvent ensuite être détectés ou caractérisés par différentes techniques. En l’absence d’analyseur spéci-fique, l’identification de chaque constituant est effectuée par comparaison du temps de rétention avec un échantillon du produit authentique, injecté dans les mêmes conditions.

Les techniques d’analyse des composés le plus fréquemment couplée à une GC sont la spec-trométrie de masse pour l’identification et un détecteur FID pour la quantification. D’autres types

CHAPITRE2 : La dégradation des polymères

de détecteur existent comme le détecteur à conductibilité thermique (TCD – thermal condictivity

detector) ou le détecteur à absorption électronique (ECD – electron capture electron). La GC-MS

donne accès à différents types de renseignements : le chromatogramme du courant ionique to-tal renseigne sur l’ensemble des produits émis, le chromatogramme d’un ion particulier renseigne spécifiquement sur le ou les constituants qui présentent cet ion sur leur spectre de masse. Cette technique, malgré de grandes avancées, reste tout de même lente. Elle est quantitative mais néces-site une calibration préalable.

Analyse infra-rouge à transformée de FOURIERou FTIR

L’analyse infrarouge (IR) est une technique de spectroscopie d’absorption des ondes électro-magnétiques qui permet de caractériser des liaisons chimiques ou des molécules. Le domaine de longueurs d’onde généralement utilisé se place entre 2,5 et 25µm soit, en nombre d’onde : 4 000 à 400 cm-1. Ce domaine correspond aux modes de vibration/déformation des liaisons des molécules organiques.

Une longueur d’onde donnée est absorbée par l’échantillon si l’énergie du photon correspond à celle d’un mode vibrationnel des molécules présentes dans l’échantillon analysé. Ces vibrations peuvent correspondre soit à l’élongation de liaisons chimiques spécifiques, soit à des déformations pouvant impliquer les angles de liaison de l’ensemble de la molécule. Ces dernières ont générale-ment des énergies plus basses (400-1 500 cm-1) que les élongations (1 000-3 600 cm-1).

Un spectre infra-rouge représente la transmittance de l’échantillon en fonction du nombre d’onde (en cm-1). L’absorption du rayonnement IR est régie par la loi de BEER-LAMBERT. Elle per-met donc une analyse quantitative si la bande observée est due à un seul analyte, mais nécessite une calibration préalable.

Initialement, dans l’analyse infrarouge, un faisceau monochromatique était utilisé, puis un ré-seau permettait de faire varier la longueur d’onde pour balayer tout le spectre d’étude. Aujourd’hui, un faisceau polychromatique est utilisé et le faisceau recueilli est analysé par transformée de FOU

-RIERpour obtenir le spectre d’absorption complet. Un avantage de la FTIR, par rapport à la tech-nique à balayage, est sa rapidité : quelques centaines de millisecondes par spectre.

L’IR détecte la présence de certains types de liaisons (comme C−−O, O−H, C−−N. . .) mais le spectre est peu spécifique de leur environnement. Il sera donc difficile de différencier deux composés ap-partenant à la même famille chimique.

La spectroscopie IR permet aussi de détecter certains gaz inorganiques, comme les oxydes de carbone CO et CO2presque toujours formés lors des réactions de thermo-oxydation des polymères. Grâce à leurs bandes caractéristiques, chacun des oxydes CO (2 000 et 2 070 cm-1) et CO2 (2 350 cm-1) peut ainsi être quantifié après étalonnage.

2.4.3 Caractérisations chimiques du matériau résiduel

Ces caractérisations chimiques permettent de doser certaines fonctions formées dans le maté-riau résiduel au cours de la dégradation. Elles sont particulièrement utiles dans le cas des thermo-oxydations où diverses fonctions oxygénées peuvent être formées.

Comme dans le cas des COV, la spectroscopie IR peut également être utilisée pour caractéri-ser et docaractéri-ser l’apparition de fonctions carbonyle ou hydroxyle. Le dosage par titrage des fonctions