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Enjeux de l’analyse des COV émis et contexte

Figure 2.1–Processus mis en jeu dans la combustion d'un matériau plastique [26].

combustion proprement dit a lieu et consiste en une réduction de matière du polymère. C’est là que le polymère devient un combustible amenant les composés nécessaires à l’entretien de l’in-flammation. On peut remarquer que certains effets de la combustion influent à leur tour sur le déroulement de celle-ci : par exemple, la formation de fumées et de suies peut limiter le rayon-nement. Pour comprendre ce mécanisme global de combustion, il est nécessaire de comprendre chacune des étapes qui le composent.

Dans ce cadre, les méthodes mises au point dans ce travail pourraient aider à préciser les varia-tions de composition de la phase gazeuse produites lors de l’étape de dégradation thermique d’un polymère donné.

2.2 Enjeux de l’analyse des COV émis et contexte

Ce travail contribue à l’analyse chimique en temps réel des COV émis par la thermodégradation d’un matériau dans des conditions contrôlées, sous atmosphère inerte ou oxydante.

CHAPITRE2 : La dégradation des polymères

2.2.1 Pourquoi analyser les émissions de COV ?

Les polymères étant des matériaux organiques, leurs décompositions thermiques rapides ou lentes sont accompagnées d’émission de molécules souvent toxiques et polluantes [17,27]. Les ré-actions rapides de thermodégradation se traduisent alors par les intoxications et troubles variés constatés au cours d’incendies de plastiques. Les gaz nocifs dégagés sont par exemple HCl lors de la combustion du PVC, l’acrylonitrile et HCN lors de celle de polyamides ou polynitriles et très sou-vent différents aldéhydes. Les problèmes liés aux thermodégradations lentes apparaissent dans les résultats d’analyses d’air intérieur révélant la présence de traces de polluants dans l’air des habita-tions. Ces pollutions sont liées à divers matériaux : par exemple les résines phénol-formaldéhyde ou urée-formaldéhyde libèrent lentement du formaldéhyde, composé irritant et cancérogène.

Pour prévoir et anticiper les risques liés à la toxicité des émissions dues aux polymères, il est indispensable de connaître les composés toxiques dégagés et donc d’effectuer l’analyse détaillée du mélange de gaz émis dans différentes conditions. Par ailleurs, l’analyse des COV1dégagés peut fournir des indices intéressants sur le déroulement, la cinétique et les mécanismes de la thermodé-gradation. En effet, la thermodégradation des matériaux recouvre des phénomènes extrêmement complexes et encore très mal élucidés. La quantité de paramètres influant sur le déroulement des thermodégradations est, à elle seule, un important obstacle à leur compréhension et à leur prévi-sion. De nombreuses données expérimentales, dont celles qui concernent la nature et la quantité des COV émis, sont alors nécessaires pour élaborer des tentatives de modélisation.

Les émissions de COV devront donc être suivies expérimentalement par des analyses chimiques, de préférence en temps réel, éventuellement complétées par des données concernant la masse de l’échantillon ou ses propriétés physiques et spectroscopiques.

2.2.2 Deux types de modélisation possibles

Pour rendre compte de toutes ces données expérimentales, de nombreuses modélisations ont été proposées, selon que l’on s’intéresse à l’évolution de telle ou telle propriété du matériau. En ce qui concerne la composition et la vitesse des émissions de COV, nous retiendrons deux approches.

L’approche « mécanistique » (cf. chapitre2.5.1, p.31) consiste à développer des modèles mécanis-tiques représentant les étapes élémentaires successives des réactions chimiques mises en jeu. À partir de l’ensemble de ces étapes élémentaires, des constantes de vitesse de ces étapes et des caractéristiques initiales de l’échantillon, on peut déduire les lois de vitesse suivies par la formation de chacun des produits de dégradation.

Ces lois de vitesse conduisent à l’expression de la quantité de chacun des produits en fonction du temps. Le mécanisme envisagé permet donc de prévoir la nature et les proportions rela-tives des produits de dégradation. Les expressions résultantes font en général intervenir des paramètres non connus, par exemple les constantes de vitesse de chaque étape. Les courbes d’abondance données par le modèle dépendent donc de paramètres ajustables, dont la valeur pourra être déterminée à partir des courbes d’abondance expérimentales ;

L’approche « thermocinétique » (cf. chapitre2.5.2, p.35) s’attache aux caractéristiques cinétiques des réactions qui ont lieu au cours de la thermodégradation, sans s’intéresser aux

transforma-1. COV : tout composé organique ayant une pression de vapeur de 0,01 kPa ou plus à une température de 293,15 K ou ayant une volatilité correspondante dans les conditions d’utilisation particulières.

2.2 Enjeux de l’analyse des COV émis et contexte

tions chimiques structurales mises en jeu. Il s’agit alors de se placer à température variable pour déterminer l’énergie d’activation et le facteur pré-exponentiel de la réaction considérée. Contrairement à la cinétique chimique classique où l’énergie d’activation d’une réaction est liée à sa constante de vitesse et donc indépendante du taux d’avancement de cette réaction, la thermocinétique considère l’énergie d’activation comme variable en fonction de l’avance-ment de la réaction de dégradation.

De nombreuses méthodes thermocinétiques sont développées depuis les années 50 et ont été largement appliquées à l’analyse thermogravimétrique [28]. Ces modèles permettent de pré-voir la vitesse de la dégradation dans différentes conditions de température. Ils peuvent por-ter sur la globalité de la dégradation ou bien individuellement sur chaque voie. Les deux types de modèles, mécanistique et cinétique, ne sont évidemment pas indépendants : la vitesse de dégradation est influencée par la nature de l’étape limitante dans le cadre d’un mécanisme donné.

Idéalement les modélisations devraient pouvoir prendre en compte la diversité des produits et des conditions, mais dans la pratique, on semble avoir le choix entre deux types d’approches, les deux imparfaites mais peut-être complémentaires :

Les approches individuelles qui portent individuellement sur chaque voie de dégradation, de type

mécanistique : pour éviter une trop grande complexité, on est obligé de considérer exclusive-ment quelques voies majoritaires ;

Les approches globales de type thermocinétique : « boîtes noires » qui peuvent permettre des

pré-visions mais ne donnent pas accès à la compréhension du mécanisme.

D’où l’intérêt d’associer des études expérimentales par diverses méthodes avec divers types de mo-délisations.

Les approches expérimentales aussi bien que les modélisations constituent des problèmes ex-trêmement difficiles, aujourd’hui loin d’être résolus. En effet, la dégradation de polymères four-nit des mélanges complexes de composés volatils ou semi-volatils qui engendrent des difficultés d’analyse : les différentes molécules émises sont très nombreuses, de structures souvent variées, réparties sur de larges gammes de masses et de concentrations et elles comportent généralement des espèces isomères difficiles à séparer. De plus, la dégradation des polymères est sensible à de très nombreux paramètres et la variation d’un de ces facteurs modifiera le type de mécanisme de dégradation ou encore l’étape limitante ce qui aura un impact direct sur la cinétique de réaction et la nature des produits formés. Comme nous allons le voir plus loin, les facteurs qui peuvent influer sur la dégradation d’un matériau sont d’une part les caractéristiques de l’échantillon de polymère dégradé, telles que sa nature chimique, le degré de polymérisation, la nature des bouts de chaîne, la présence d’impuretés, la granulométrie, etc. et d’autre part, les conditions de dégradation comme la température, la pression et la composition de l’atmosphère.

Cette complexité rend nécessaire le développement de méthodes analytiques permettant de suivre en temps réel l’évolution du processus de dégradation et en particulier l’émission de COV.

CHAPITRE2 : La dégradation des polymères

2.2.3 Contexte de cette étude

L’étude des COV issus de la thermodégradation de matériaux polymères, menée en collabo-ration entre les équipes du LCP, d’AlyXan et du PIMM (Procédés et Ingénierie en Mécanique et Matériaux, Arts et Métiers ParisTech), a débuté en 2008 sur un projet d’analyse des COV issus de la thermodégradation du polypropylène dans l’air. Le groupe TemPo du PIMM est spécialiste du vieillissement des polymères et matériaux organiques. Les processus de vieillissement sont abor-dés à la fois au moyen d’études expérimentales de vieillissement accéléré et par des modélisations mécanistiques et cinétiques des processus mis en jeu.

La mise au point d’un premier dispositif expérimental permettant l’analyse en temps réel – à l’aide d’un spectromètre de masse FT-ICR compact – des COV issus d’un échantillon de polypro-pylène chauffé dans l’air à 256 °C, a permis de caractériser 4 produits majoritaires et de suivre leur vitesse d’émission au cours de cette dégradation du polypropylène sous atmosphère oxydante [29]. Des mécanismes ont été proposés par l’équipe du PIMM pour interpréter la formation de ces pro-duits ainsi que de plusieurs propro-duits minoritaires détectés [30]. Ces études ont montré que les COV détectés représentent seulement quelques pour cent de la masse du polymère dégradé. Le reste du matériau, en termes d’atomes de carbone, pouvait se retrouver sous forme d’oxydes de carbone CO et CO2non détectables par le dispositif expérimental ou de molécules semi-volatiles non détectées. Les résultats intéressants obtenus nous ont poussés à poursuivre l’étude de la thermodégradation des polymères. L’un des objectifs des études expérimentales est bien sûr de pouvoir « boucler » le bilan de matière correspondant à la masse de matériau dégradé. Il s’agit d’abord de confirmer le caractère quantitatif des analyses effectuées et éventuellement d’améliorer dans ce but le dispositif de prélèvement et d’analyse. L’extension de la méthode à d’autres polymères et d’autres conditions de dégradation s’impose également. Le choix d’une dégradation donnant un produit très majori-taire avec un rendement presque quantitatif présente des avantages certains. Enfin, il est intéres-sant de vérifier que le dispositif d’analyse est capable de détecter une large gamme de composés de concentrations variées, en particulier des produits très minoritaires à côté du produit majoritaire.

Pour être en mesure de terminer ce bilan de matière, il faudra encore résoudre un problème difficile qui n’est pas abordé dans ce travail : mettre au point le suivi de CO, CO2, H2O parallèlement à celui des COV.