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Les Techniques Alternatives de Gestion des Eaux Pluviales Comme nous l’avons montré dans le paragraphe précédent, les

pluviales urbaines

II.2 Les Techniques Alternatives de Gestion des Eaux Pluviales Comme nous l’avons montré dans le paragraphe précédent, les

collectivités locales ont la charge de la compétence assainissement, et particulièrement de l’assainissement pluvial. Dans le but de protéger les populations, les biens et l’environnement, elles vont chercher à réduire le ruissellement pluvial et les débits vers les exutoires. Ce principe a été renforcé par la circulaire du 21 Juillet 2015, qui introduit entre autre le principe de «gestion des eaux pluviales le plus en amont possible, pour

limiter les apports d'eaux pluviales dans le système de collecte ». C’est

pourquoi, les techniques alternatives font partie de plus en plus des outils techniques employés par les collectivités locales.

Un peu d’histoire

Les techniques alternatives consistent en un ensemble d’ouvrages permettant de recueillir, stocker et rejeter les eaux pluviales à débit réduit. Sur le plan historique, ces ouvrages ne sont pas nouveaux [Chocat, 1997]. Néanmoins, le retour, vers la fin des années 80, à la mise en œuvre de ces techniques coïncide avec plusieurs facteurs :

-le constat des limites de l’assainissement par le « tout à l’égout ». En effet, l’agrandissement des réseaux n’a pas (et ne pourra pas toujours) suivre la croissance et l’imperméabilisation des sols ;

-l’importance de plus en plus grande des considérations

environnementales chez les habitants des villes et leurs élus. En effet, l’imperméabilisation accélérée est considérée comme la cause principale de la pollution des rivières urbaine [E. Chouli, 2006] . De plus, cette imperméabilisation est de plus en plus considérée comme un moyen de couper l’homme de son environnement naturel [Chocat, 1997].

C’est donc dans un souci de préservation du milieu naturel et de lutte contre le ruissellement pluvial que les collectivités locales ont commencé à encourager le recours aux techniques alternatives pour une gestion plus durable des eaux pluviales.

En France particulièrement, on a d’abord assisté à la construction massive de bassins pour retenir les eaux pluviales urbaines, et éventuellement les

dépolluer par décantation, etc.

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Image 1.II.4 Chaîne de lacs artificiels créés en 1976 à Villeneuve d’Ascq (59). Source : enlm.fr

On peut prendre comme exemple l’extension du village d’Ascq, devenu Villeneuve d’Ascq à la fin des années 70. La zone était initialement constituée de champs et de marais comme on peut le voir sur la photo ci- dessous :

Initialement, les eaux de pluie étaient drainées par des canaux vers la Marque, rivière à très faible pente qui draine tout le versant Est de la Métropole. Lors des travaux d’aménagement de la ville nouvelle, l’imperméabilisation des sols a été anticipée. Pour palier à la modification du comportement hydrologique du bassin versant, il a été décidé de créer une chaîne de bassins à ciel ouvert dont nous voyons ci-dessous la disposition.

Photo 1.II.2 Le site de la Cité Scientifique à Villeneuve d’Ascq (59), en 1960.

Source : Pr F. Buyle-Bodin

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Photo1.II.3 Lac des Espagnols, Villeneuve d’Ascq (59) crédit image : epaulard59

La ville nouvelle a été équipée de réseaux séparatifs. Chaque lac est alimenté en partie par du ruissellement de surface, en partie par des fossés ou des collecteurs d’eau pluviale. Le point le plus bas se trouve au niveau du Lac du Héron qui de ce fait est alimenté par ruissellement direct par les lacs amont, et par quinze collecteurs. Les cinq lacs amont (Lac du Château, Lac des Espagnols, Lac St Jean, Lac Quicampoix et Lac de Canteleu) se vidangent par écoulement vers le lac plus en aval, par infiltration, et par évaporation. Le Lac du Héron peut se vider par infiltration et évaporation, mais pas par écoulement naturel, la Marque est située au-dessus. En cas de risque de débordement du lac du Héron, une partie des eaux est pompée vers la Marque. Les lacs reçoivent ainsi les eaux pluviales qui ruissellent sur un bassin versant de près de 1200 Ha, pour un volume de 360000m3 [Lafforge et al, 2016].

En plus de son rôle hydraulique, cette chaîne de lacs (et particulièrement le Lac du Héron) est également un espace de loisir très apprécié des Villeneuvois.

Plusieurs autres ouvrages du même type ont été construits dans d’autres villes nouvelles comme Marne La Vallée ou Saint-Quentin en Yvelines, pour les mêmes raisons et des configurations de relief et d’hydrologie comparables.

A la même période, L’Instruction Technique ministérielle INT77/284, qui fait office de document national de référence en assainissement, consacre un chapitre entier aux bassins de rétention. Par la suite, avec l’évolution des réglementations européenne et nationale, les collectivités locales vont encourager les aménageurs à :

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-mettre en œuvre la réduction des surfaces imperméabilisées. A titre d’exemple, on cite souvent le POS de la ville de Bordeaux qui « impos-ait

à tout aménagement nouveau de ne rejeter que le débit correspondant à une imperméabilisation de 30% de la surface du terrain »

-et à recourir autant que possible à des ouvrages qui permettent une gestion intégrée des eaux pluviales.

Cette dernière recommandation a permis aux aménageurs de diversifier les ouvrages mis en œuvre, particulièrement à ciel ouvert comme les noues paysagères ou encore les fossés en milieu urbain.

Les techniques alternatives permettent aux acteurs de l’espace urbain de répondre à différents objectifs :

- en termes de développement durable, en limitant le ruissellement pluvial et donc les risques de pollution;

- en termes de gestion des eaux pluviales, en réduisant les volumes collectés par les réseaux classiques ;

- en termes de qualité de vie, en augmentant les espaces verts et en ramenant l’eau dans la ville.

Néanmoins, on peut constater que le recours à ces techniques est long à se généraliser. [Chamoux, 2006] identifie quelques freins majeurs à leur démocratisation:

- l’absence de valorisation des eaux pluviales. Cette valorisation est pourtant possible à l’échelle de la parcelle par un usage domestique, ou à une échelle plus grande pour un usage dans l’agriculture ;

- le coût du stockage : à titre d’exemple, il est évalué par [Azzout et al, 1994] à 100€/m3 pour un bassin de rétention à ciel ouvert en milieu urbain. La MEL évalue le coût du stockage à 500€/m3.

- les difficultés d’entretien des ouvrages : (ouvrages enterrés, colmatage, etc.) ;

-la méconnaissance du fonctionnement hydraulique de ces ouvrages et de leur influence sur la réponse hydraulique d’un bassin versant. Cet inconvénient est amplifiée par la dispersion des ouvrages, indépendamment des conditions hydraulique de l’ensemble du bassin versant, due au fait que les opérations d’aménagement sont souvent indépendantes les unes des autres.

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Cadre règlementaire pour le développement des techniques alternatives  La Directive Cadre sur l’Eau (2000/60/CE) du 23/10/2000 :

Elle fixe des objectifs de résultats en termes de qualité écologique et chimique des eaux pour les Etats Membres. Ces objectifs sont entre autres, les suivants :

- mettre en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir de la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau,

- protéger, améliorer et restaurer toutes les masses d’eau de surface afin de parvenir à un bon état des eaux de surface en 2015.

 Code de l’environnement : * Article R214-1, rubrique 2.1.5.0

Pour évaluer le rejet des eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol, on doit considérer la surface totale du projet, augmentée de la surface correspondant à la partie du bassin naturel dont les écoulements sont interceptés par le projet. Suivant sa valeur, différentes procédures sont requises :

- Supérieure ou égale à 20 ha : autorisation

- Supérieure à 1 ha, mais inférieure à 20 ha : déclaration * Article L214-53

Régularisation du rejet d’eaux pluviales du réseau pluvial antérieur à 1992 : déclaration d’existence.

 Code Général des Collectivités territoriales : * Article L2224-10

Les communes délimitent, après enquête publique :

-les zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et pour assurer la maîtrise du débit et de l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement

-les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu’elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l’environnement.

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Inventaire et classification par mode de fonctionnement

 Fossés et noues

Vidange Rétention Alimentation

Sous-sol Atmosphère Réseau de

conduites Station d’épuration Milieu naturel Milieu naturel Ruissellement Ruissellement direct Avaloir, caniveaux Stockage

Infiltration Evaporation Rejet contrôlé (pompe, ajutage, etc.)

Exutoire final

Schéma 1.II.2 Principe général de fonctionnement des techniques alternatives.

Photo 1.II.5 Fossé d’infiltration

Source : Ville de Fribourg

Photo 2.II.4 Noue d’infiltration

Source : vysages.fr

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L’Encyclopédie de l’Hydrologie Urbaine définit les fossés comme des ouvrages linéaires, à ciel ouvert, destinés à recevoir les eaux pluviales afin de les stocker. Ils se distinguent des noues par leur profondeur. [Chocat, 1997]. En effet, les noues sont des fossés moins profonds et plus larges. Sur le plan hydraulique, ces ouvrages fonctionnent selon le principe général des techniques alternatives. Néanmoins, ils présentent des inconvénients liés au fait qu’ils soient à ciel ouvert :

-nécessité d’un entretien régulier, et suivi dans le temps pour éviter les risques de colmatage, et donc la perte de capacité de vidange ;

-risque de pollution accidentelle de la nappe phréatique. La distance minimale entre le fond de l’ouvrage et le niveau des plus hautes eaux doit être de plus d’un mètre [Chamoux, 2006].

-occupation de l’espace en surface, ce qui peut représenter un frein en milieu urbain dense.

Schéma 1.II.3 Schéma de principe d’une noue, Source DREAL Pays de La Loire

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 Les tranchées drainantes

Il s’agit d’ouvrages linéaires, disposés en surface, destinés à recueillir les eaux pluviales des surfaces perpendiculaires à leur longueur [Chocat, 1997]. Ces ouvrages sont le plus souvent constitués de matériaux poreux (galets, caissons alvéolaires, pneus) afin d’assurer un premier stockage avant vidange de l’ouvrage principal. Ils fonctionnent suivant le principe des techniques alternatives, avec une vidange soit par infiltration, soit vers un autre ouvrage du type réseau d’assainissement ou structure de rétention enterrée. Du fait de leur contact avec la surface, ils sont soumis au risque de colmatage et requièrent un entretien régulier (environ tous les six mois [AZZOUT, 1994]. Ils sont néanmoins plus faciles à intégrer en milieu urbain dense, du fait de leur géométrie : faible largeur, profondeur avoisinant généralement 1m.

Photo1.II.4 Tranchée d’infiltration sur parking, source : Burotec, 2011.

Schéma 1.II.3 Schéma de principe d’une tranchée : Source DREAL Pays de La Loire

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 Chaussées à structure réservoir

Les chaussées à structure réservoir sont des ouvrages de voirie dont le sous-sol est constitué d’un ouvrage de stockage destiné à recueillir puis restituer les eaux pluviales après stockage. Le revêtement de la chaussée peut être poreux ou non. Selon la constitution du revêtement, l’ouvrage est alimenté par infiltration du ruissellement directement par injection via des conduites ou à travers le revêtement de la chaussée lui-même poreux. Selon le même principe que les tranchées drainantes, l’ouvrage est constitué de matériaux poreux dont les interstices sont utilisés pour retenir les eaux pluviales. Il est ensuite possible d’évacuer le volume stocké par infiltration dans le sous-sol, ou par infiltration dans un drain poreux. Ce type d’ouvrage fonctionne normalement, et ne connaît une basse de capacité qu’avec un colmatage dépassant les 90%. Les chaussées à structures réservoir permettent donc de drainer les eaux pluviales de la voirie et des parcelles avoisinantes sans mobiliser d’espaces supplémentaires.

Image 1.II.5 Chaussée à structure réservoir. Source : ADOPTA, 2016

Schéma 1.II.4 Schéma de fonctionnement des chaussées à structure réservoir Source : ADOPTA, 2015

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 Les bassins de rétention

Les bassins de rétention sont des ouvrages de génie-civil capables de recevoir des eaux pluviales, et dans quelques rares les effluents d’un réseau unitaire. Ils peuvent être disposés dans une parcelle privée, ils sont alors enterrés, ou sur un espace public. Dans ce dernier cas, on peut trouver :

- les ouvrages à ciel ouvert, comme les bassins d’orages routiers, les bassins enherbés, ou les bassins en eau.

- les ouvrages enterrés sous des parkings ou des aires publiques urbaines. Depuis la construction des premiers ouvrages dans les années 1980 [Chocat et al., 1997], on peut constater que les bassins de rétention peuvent servir pour des besoins très variés.

L’Encyclopédie de l’Hydrologie Urbaine propose une terminologie des bassins de rétention, que nous reprenons ici.

Objectifs Eaux usées Eaux de surverse de réseaux unitaires

Eaux pluviales ou

de ruissellement Eaux de rivière ou de nappe

_Liées aux pluies; tampon (eaux _bassins parasites) _ bassin de retenue _ bassin de retenue ou d'infiltration; _ _

_Liées aux crues _ _ inondables _ zones préférentielles

_ bassin de retenue; zone

d'expansion

_stockage avant traitement tampon ou _ bassin d'orage;

_ bassin tampon

ou d'orage; _ bassin de retenue; _ _ _stockage et dépollution _ bassin de décantation

primaire _ bassin de dépollution ou de décantation _ bassin de décantation _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Bassin réservoir ou d'amortissement

Lutte contre les inondations:

Lutte contre la pollution:

Préservation de la ressource en eau

Effluents retenus

Tableau1.II.2 Une terminologie des bassins de rétention.

Source : Encyclopédie de l’Hydrologie Urbaine.

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Sur le plan hydraulique, ils recueillent les eaux pluviales et se vidangent par infiltration, par évapotranspiration, par surverse, par des appareils de type pompe ou limiteur de débit, ou par une combinaison de ses différents modes de vidange. Pour le cas particuliers des bassins étanches, ils contribuent aussi à la rétention des pollutions par décantation par exemple.

Comme c’est le cas pour tous les ouvrages de techniques alternatives, les bassins de stockage-infiltration sont soumis au risque de colmatage, ce qui implique de prévoir un entretien régulier de ceux-ci pour ne pas réduire la capacité de stockage. En cas de présence d’une nappe phréatique sous l’ouvrage, un bassin d’infiltration présente l’avantage de recharger cette nappe mais en cas de pollution accidentelle, cet avantage devient un risque potentiel.

Enfin, notons que la présence d’un bassin de rétention modifie la réponse hydraulique d’un bassin versant. Il est donc nécessaire d’effectuer des études fines du fonctionnement de ce type d’ouvrage lors d’événements pluvieux exceptionnels, et lorsqu’ils sont en combinaison avec d’autres ouvrages de stockage.

Ci-dessous, le bassin d’orage enterré des Bateliers, dans le centre de Lille (59).

Photo1.II.5 Bassin d’orage enterré des Bateliers, Lille (59). Source Artelia, 2015.

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Avec l’évolution de la législation, et le manque de place en surface et en sous-sol urbain, les techniques alternatives sont de plus en plus mises en œuvre lors des opérations d’aménagement. On est passé d’une phase où les ouvrages avaient uniquement une fonction curative, à une phase où ils ont une fonction à la fois curative et/ou préventive.

Les ouvrages de stockage-restitution, et particulièrement les bassins de rétention, étaient construits principalement :

- pour pallier aux dysfonctionnements des réseaux d’assainissement lors des événements pluvieux exceptionnels. C’est le cas des premiers bassins de rétention, appelés souvent bassins d’orage ;

- pour recueillir les eaux pluviales des villes dont tout ou partie du bassin versant hydrographique a été modifié par l’urbanisation. C’est le cas de Villeneuve d’Ascq, avec la chaîne de bassins en cascade qui se rejettent dans le Lac du Héron, et si nécessaire dans la Marque. C’était donc une conception « par l’aval », en phase avec la logique du « tout à l’égout ».

A présent, bien que le principe général de fonctionnement demeure le même, le panel d’ouvrages est désormais plus large. Les ouvrages construits on désormais une fonction préventive et/ou curative. A titre d’exemple, les ouvrages de type fossés ou chaussées stockantes sont construits à proximités immédiate des voiries et autres parking, c’est-à- dire à proximité des surfaces qui contribuent le plus au ruissellement pluvial [chocat et al., 1982]. Ils peuvent ainsi intercepter les volumes précipités avant l’arrivée dans le réseau d’assainissement. De ce fait, la modélisation du fonctionnement de ces ouvrages est d’autant plus importante : il s’agit notamment de connaître leur comportement hydraulique pour un fonctionnement isolé, comme pour un fonctionnement en interaction avec d’autres ouvrages du même type ou avec un réseau d’assainissement.

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Deuxième Partie : Modélisation des ouvrages de