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TDM à faible dose d'irradiation dans le diagnostic d'appendicite aiguë de l'adulte

3. INVESTIGATIONS

3.4. TDM à faible dose d'irradiation dans le diagnostic d'appendicite aiguë de l'adulte

3.4.1. Introduction

L'appendicite aiguë est, chez l'adulte, la cause la plus commune de douleurs abdominales aiguës qui requièrent un traitement chirurgical [75]. La précision du diagnostic clinique d'appendicite n'étant que dans 80% [75-76], la TDM a été proposée car elle est à la fois reproductible, sensible, spécifique, aisée à réaliser et bien tolérée [75, 75]. Même sans injection rectale ou intraveineuse de produit de contraste, la performance diagnostique de la TDM dépasse 95% [77, 78]. Comme de nombreux patients suspects d'appendicite sont jeunes – la moyenne étant inférieure à 30 ans [75] – la dose d'irradiation devrait être aussi faible que possible. Ces réductions ont été proposées dans des conditions, telles que la lithiase urétérale et la coloscopie virtuelle, caractérisées par des contrastes élevés entre les structures adjacentes [24, 82-81], mais elles n'ont pas encore été investiguées dans des conditions de faibles contrastes telles que l'appendicite aiguë de l'adulte. Cette étude a donc visé à comparer la TDM multicoupe à faible dose d'irradiation à la TDM multicoupe à dose standard chez des adultes qui en étaient suspects [74].

3.4.2. Matériels et Méthodes

De mars à décembre 2002, tous les patients âgés de plus de 15 ans, admis au service des urgences pour une douleur abdominale aiguë de la fosse iliaque droite, ont été sollicités pour participer à cette étude. Le médecin urgentiste demandait un examen TDM pour confirmer ou exclure une appendicite aiguë. Les critères d'exclusion étaient d'avoir préalablement subi une appendicectomie ou d'être enceinte. Le groupe étudié était composé de 95 patients (58 femmes et 37 hommes) âgés de 16 à 74 ans (moyenne, 37 ans ± 9 ans). L'âge moyen de femmes était de 38 ans (16-74 ans) et celui des hommes était de 36 ans ± 8 ans (17-73 ans). L'IMC a été calculé à partir des données biométriques consignées au dossier médical [83]. Le protocole d'étude a été approuvé par le comité local d'éthique.

TDM

Les examens TDM ont été obtenus sur un tomodensitomètre multicoupe à quatre canaux de détecteurs, le Somatom Volume Zoom (Siemens Medical Systems, Forchheim, Allemagne). Les examens ont été réalisés sans injection intraveineuse ou rectale de produit de contraste. Une radiographie digitale de repérage a d'abord été acquise sur 51 cm de longueur avec un courant au tube de 50 mA à 120 KV. Ensuite, deux acquisitions hélicoïdales ont couvert l'abdomen, du sommet des coupoles diaphragmatiques à la symphyse pubienne, avec une collimation de 4x2,5 mm, un courant au tube de 30 et 100 mAs effectives (tels que définies par Manesh et coll. [21]), à 120 kV et avec un pas de 1,5, le pas étant, comme défini par Silverman et coll. [22], comme le rapport entre la translation de la table au cours

d'une rotation du tube et la collimation du faisceau de rayons X. Des coupes axiales de 3 mm d'épaisseur ont été reconstruites avec un incrément de 1,5 mm. Le radiologue qui conduisait l'examen TDM était autorisé à effectuer des acquisitions supplémentaires, par exemple après injection intraveineuse de produit de contraste iodé, si le diagnostic lui paraissait incertain. Ce complément a été proposé chez 11 patients. Le radiologue qui conduisait l'examen était tenu de l'interpréter sans délai et d'en transmettre les résultats à l'urgentiste.

Lecture

Les images reconstruites ont été gravées sur des disques compacts et ont été interprétées sur une console de travail munie d'un écran de haute résolution

(Wizard®, Siemens Medical Systems, Forchheim, Allemagne), équipée d'une carte

graphique tridimensionnelle qui permet le défilement en mode cinéma et les reconstructions multiplanaires dont ils avaient le choix de l'épaisseur; l'augmentation de l'épaisseur étant associée à un bruit moins apparent. Ces images ont été lues indépendamment par un radiologue expérimenté (Lecteur A) et un radiologue en troisième année de formation en radiologie (Lecteur B). Ces lecteurs ne connaissaient ni le diagnostic définitif ni aucune donnée clinique, biologique ou radiologique mais ils savaient que le patient avait été exploré parce qu'il se plaignait de douleurs aiguës de la fosse iliaque droite. Ces lecteurs connaissaient la dose d'irradiation utilisée pour générer les images qu'ils interprétaient.

Les images à faible dose d'irradiation ont été lues avant celles à dose standard, au cours de deux sessions de lectures, séparées d'au moins deux semaines. Un mois après la fin de la première session de lecture à dose standard, une seconde session a été organisée avec les mêmes contraintes que la première session, les dossiers étant lus dans le même ordre que lors de la première session.

Pour chaque lecture, les lecteurs ont été invités à coder la visibilité de l'appendice (visible ou non), à en mesurer le diamètre le plus large et à coder comme présents ou absents les signes suivants: gaz dans la lumière; appendicolithe; infiltration de la graisse de la fosse iliaque droite; épaississement caecal; et abcès ou phlegmon de la fosse iliaque droite. Au contraire des autres signes, le gaz appendiculaire était considéré comme un signe suggestif d'absence de l'appendicite aiguë.

Après avoir codé séparément chacun des signes, les lecteurs étaient invités à proposer un diagnostic final, soit d'appendicite aiguë soit de pathologie alternative, susceptible d'expliquer les plaintes.

Dose d'irradiation

La dose effective a été calculée à l'aide du programme CT-Expo® développé par

Stamm et Nagel (Ecole de Médecine, Université de Hanovre, Allemagne). Ce programme ne requière pas de mesures directes, ni sur patient ni sur fantôme. Les paramètres TDM, le sexe du patient et la zone explorée telle qu'elle est représentée

sur le graphique du modèle de Monte Carlo sont pris en considaration. La dose effective est calculée sur base des acquisitions simulées par Nagel et coll. [84] et des facteurs de conversion calculés par Zankl et coll. [85, 86]. Les doses effectives sont exprimées selon la norme IRCP60 [8]. Nous avons aussi utilisé ce programme pour comparer les doses délivrées par notre protocole expérimental à ceux précédemment rapportés par les équipes qui ont investigué l'appendicite aiguë en TDM [77, 78, 87-90].

Diagnostic définitif

Le diagnostic définitif a été basé sur les données de la chirurgie (n=37) ou d'autres modalités diagnostiques (n=58), y compris l'ultrasonograpie, la TDM à dose standard associée à l'injection intraveineuse de produit de contraste iodé, le lavement baryté, le frottis vaginal, la coloscopie avec biopsies et la biologie. Pour tous les patients qui n'ont pas été traités chirurgicalement, leur suivi a été évalué par le dossier de consultation ou appel téléphonique un mois après l'épisode aigu.

Analyses statistiques

Les données quantitatives sont exprimées par leur moyenne ± l'erreur standard sur cette moyenne (SEM). Les concordances intra- et interlecteurs ont été investiguées avec le test de κ. L'intervalle de confiance à 95% a été calculé, l'hypothèse nulle entre les lecteurs a été testée et les valeurs de P ont été calculées [36]. Une valeur de κ inférieure à 0,20 indiquait une concordance faible, une valeur de 0,21 à 0,40 une concordance modérée, une valeur de 0,41 à 0,60 une concordance moyenne, une valeur de 0,61 à 0,80 une concordance bonne et une valeur supérieure à 0,80 une concordance excellente [35]. Ces concordances ont été calculées pour les deux sessions de lectures.

Nous avons construit des courbes ROC (Receiver Operating Characteristics) et déterminé le seuil du diamètre appendiculaire pour lequel la sensibilité et la spécificité du diamètre sont égales. Ce seuil correspond à l'intersection de la seconde bissectrice avec la courbe [92].

Afin d'évaluer la performance diagnostique de la TDM à chaque dose d'irradiation, le nombre de patients mal classés par rapport au diagnostic définitif d'appendicite aiguë a été calculé pour chaque lecteur, chaque session de lecture et chaque dose d'irradiation. La proportion de patients mal classés a été comparée pour chaque dose par le test du Chi carré. Une procédure similaire a été effectuée pour comparer les lecteurs entre eux.

Des régressions logistiques ont ensuite permis, pour chaque dose et pour chaque lecteur, de calculer la probabilité du diagnostic correct d'appendicite en fonction des différents signes TDM.

L'effet de l'âge, du sexe et de l'IMC sur la probabilité de voir l'appendice, normal ou non, ont été investigués par régressions logistiques pour chaque dose et pour chaque lecteur.

Le seuil de signification statistique de tous les tests a été fixé à 0,05. Les analyses statistiques ont été réalisées à l'aide du logiciel SPSS pour Windows (version 11,0, SPSS, Chicago, IL).

3.4.3. Résultats Diagnostic définitif

Vingt neuf des 95 patients (13 femmes et 16 hommes) ont été classés comme ayant définitivement une appendicite aiguë, confirmée par l'examen anatomopathologique de la pièce chirurgicale. Les hommes étaient significativement plus nombreux que les femmes; on comptait 16 hommes sur 37 avec une appendicites pour 13 femmes sur 58 (P = 0,032).

Trente cinq patients (26 femmes et 9 hommes) ont présenté d'autres diagnostics qui sont résumés à la Table 9. Finalement, 31 patients (19 femmes et 12 hommes) ont été considérés comme souffrant d'une douleur abdominale non spécifique car leurs plaintes n'ont jamais été élucidées et leurs symptômes se sont résolus sans traitement spécifique. Au total, il y a donc eu 66 patients (45 femmes et 21 hommes) classés comme n'ayant définitivement pas d'appendicite aiguë.

Visualisation et diamètre de l'appendice

Le nombre de patients avec appendicite aiguë chez qui l'appendice a été vu est repris à la Table 10. Le nombre de patients sans appendicite aiguë chez qui l'appendice a été vu est repris à la Table 11. Aucune différence significative n'a été observée entre les lecteurs (P = 0,425) ni entre les doses (P = 0,874). L'appendice a été vu chez tous les patients (n=29) porteurs d'une appendicite aiguë, quelle que soit la dose, le lecteur, ou la session de lecture.

Les données quant au diamètre appendiculaire sont résumées à la Table 12. Le diamètre moyen était de 11,7 ± 0,2 mm et 6,3 ± 0,3 mm, respectivement chez les

patients avec et sans appendicite aiguë (P < 0,001). Les diamètres moyens ont été

comparés entre les sessions de lectures, les lecteurs et les doses. Aucune différence statistiquement significative n'a pu être mise en évidence entre les sessions de lecture (P compris entre 0,351 et 0,792), sauf pour le lecteur B à faible dose (P = 0,020). Le diamètre appendiculaire moyen, mesuré à la première session, a été comparé entre les lecteurs à chaque dose. Aucune différence statistiquement significative n'a pu être détectée à dose standard (P = 0,550), mais une différence parmi les lecteurs a été détectée à faible dose (P = 0,015). Enfin, le diamètre appendiculaire a été comparé entre les doses pour chaque lecteur et chaque session

de lecture et aucune différence significative n'a pu être mise en évidence (P compris entre 0,101 et 0,696).

Concordances intra- et interlecteurs.

Les valeurs de κ investiguant les concordances intralecteurs et interlecteurs quant aux signes TDM et au diagnostic final sont représentées aux Figures 11 et 12.

Patients mal classés par rapport au diagnostic définitif

Les fréquences des signes qui ont abouti à un classement erroné des patients ont été comparées entre les doses et entre les lecteurs (Table 13). Aucune différence n'a été observée entre les doses (P = 0,788) mais, entre les lecteurs, le nombre de patients mal classés par le Lecteur A quant au diagnostic final d'appendicite était significativement moindre que par le Lecteur B (P = 0,031).

Performance diagnostique

Nous avons calculé la sensibilité, la spécificité, les valeurs prédictives positive et négative et la précision de chaque signe, pour chaque lecteur, à chaque session de lecture et chaque dose d'irradiation. Les résultats sont résumés à la Table 14. Aucune différence significative entre les doses n'a pu être mise en évidence (P compris entre 0,387 et 1,000).

Les courbes ROC ont été tracées (Figure 13). Le diamètre appendiculaire pour lequel la sensibilité était égale à la spécificité (soit entre 88 et 91%) étaient compris entre 7,7 et 8,6 mm selon le lecteur, la session de lecture et la dose d'irradiation considérés. A dose standard, la surface sous la courbe était respectivement 0,925 (95% CI; 0,857 – 0,993) et 0,905 (95% CI; 0,838 – 0,972) pour les mêmes lecteurs. A faible dose, la surface sous la courbe était respectivement 0,921 (95% CI; 0,852 – 0,990) et 0,928 (95% CI; 0,873 – 0,984) pour les lecteurs A et B. Le recouvrement entre les intervalles de confiance à 95% indique l'absence de différence significative entre ces surfaces, aux deux doses et pour les deux lecteurs.

Les modèles de régression logistique ont montré qu'à faible dose le signe le plus prédictif d'appendicite aiguë pour le lecteur A était l'infiltration de la graisse périappendiculaire suivi de l'appendicolithe. Ensemble, ces deux signes permettaient de poser le diagnostic correct d'appendicite aiguë dans 89% des cas. Pour le lecteur B, le diamètre appendiculaire et l'infiltration de la graisse étaient successivement les deux signes les plus prédictifs, permettant ensemble de poser correctement le diagnostic d'appendicite aiguë dans 88% des cas. Ces modèles ont montré qu'à dose standard le diamètre appendiculaire et l'infiltration de la graisse périappendiculaire permettaient, de poser correctement le diagnostic d'appendicite aiguë dans 94% des cas par le lecteur A et dans 92% des cas par le lecteur B.

Influence du genre, de l'âge et de l'IMC

Dans l'ensemble du groupe, l'IMC était de 24,0 ± 4,6 Kg/m2 (écart: 16,4 – 40,7).

Le genre, l'âge et le l'IMC n'avaient pas d'effet statistiquement significatif sur la visualisation de l'appendice, quelle que soit la dose et le lecteur (P compris entre 0,111 et 0,788). Nous n'avons pas pu détecter de valeur seuil d'IMC pour laquelle l'appendice n'était pas visible. Nous avons ensuite groupé les patients selon les

catégories d'IMC proposées par l'OMS [83]: maigres (écart: 16,4 – 18,4 Kg/m2,

n=9, incluant deux patients avec un diagnostic définitif d'appendicite aiguë);

normaux et excès pondéral modéré (écart: 18,6 – 29,7 Kg/m2, n=76, incluant 24

patients avec un diagnostic définitif d'appendicite aiguë); obèses à extrêmement

obèses (écart: 30,1 – 40,7 Kg/m2, n=10, incluant trois patients avec un diagnostic

définitif d'appendicite aiguë). La Figure 14 montre des images d'appendicite à faible dose et à dose standard, respectivement chez un patient maigre et un patient obèse. La comparaison des sensibilités et des spécificités de chaque signe et du diagnostic final d'appendicite aiguë parmi les sous groupes d'IMC n'a pas révélé de différence significative entre les doses (P compris entre 0,051 et 1,000).

Dose d'irradiation

La hauteur moyenne de la zone investiguée était 39,0 ± 3.1 cm (écart: 32,4 – 44,7 cm) chez les hommes et 37,6 ± 3,2 cm (écart: 29,5 – 44,8 cm) chez les femmes. A 100 mAs, la dose effective calculée était 5,2 mSv chez l'homme et 7,1 mSv chez la femme. A 30 mAs, la dose effective calculée était 1,5 mSv chez l'homme et 2,1 mSv chez la femme. Ces doses ont été comparées en fonction des données précédemment rapportées (Table 15).

3.5.TDM à faible dose d'irradiation dans le diagnostic de diverticulite aiguë du