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1. Le Taux de leucocytes

Durant la réponse inflammatoire, les leucocytes sont rapidement libérées à partir de la moelle osseuse, avec comme conséquence une augmentation du nombre total des globules blancs (NGB). En cas d’infection bactérienne, une augmentation sélective de la fraction des neutrophiles est observée. Ces derniers représentent les premiers répondants au site de l’inflammation après un contact infectieux [69].

Dans les services d’urgence et de réanimation, la température physiologique ainsi que le taux de leucocytes représentent les paramètres biologiques les plus mesurés. Bien qu’une

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augmentation du taux de leucocytes soit typiquement associée à une infection, et que la leucopénie puisse se produire durant une infection sévère [70], plusieurs études ont trouvé que le taux de leucocytes avait une faible performance diagnostique dans l’évaluation des infections [71, 72].

Chan et al ont trouvé que l’aire sous la courbe ROC (AROC) du taux de leucocytes (0,627) était la plus faible dans le diagnostic de l’infection bactérienne aux urgences, en comparaison avec celui de la CRP (0,879) et de la PCT (0,689) [111].

Garnacho et al ont trouvé que l’apport du taux de leucocytes dans la discrimination entre le SIRS infectieux (sepsis) et non infectieux était très faible avec une AROC de l’ordre de 0,55 en comparaison avec celles de la CRP (0,69) et de la PCT (0,87) [122].

Hoshina et al ont trouvé que chez les patients diagnostiqués avec une pneumonie, les taux de PCT et de CRP étaient significativement plus élevés chez les patients avec une étiologie bactérienne. Cette différence n’a pas été constatée dans les taux de leucocytes dont l’AROC de 0,59 était la plus faible en comparaison avec l’AROC de la CRP (0,76) et de la PCT (0,87) [115].

Toutes ces donnés ont été confirmées par les résultats de notre étude où l’AROC du taux de leucocytes a toujours été la plus faible par rapport à la CRP et à la PCT, comme le montre le tableau ci-dessous (Tableau 13) qui rappelle les résultats du présent travail dans ce contexte.

Tableau 13: Analyse comparative des AROC des trois biomarqueurs.

Infections bactériennes

AROC

Leucocytes CRP PCT

Toutes les infections 0,525 0,616 0,612

Localisées 0,488 0,613 0,583

Urinaires 0,432 0,541 0,476

Respiratoires 0,507 0,558 0,850

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Il n’y avait pas également de différence significative entre les médianes des taux de leucocytes chez les populations infectées et non infectées, et ceci dans tous les types d’infections étudiées (Tableau 14).

Tableau 14: Médianes des taux de leucocytes selon le type d’infection et la population étudiée.

Infections bactériennes Médianes des taux de leucocytes

Population des infectés Population des non infectés

Toutes les infections 10500/ul 10400/ul

Localisées 9800/ul 9900/ul

Urinaires 9000/ul 10500/ul

Respiratoires 10300/ul 9600/ul

Sepsis 12000/ul 11600/ul

Plusieurs études sont donc unanimes quant à la supériorité de la PCT et de la CRP par rapport au taux de leucocytes pour le diagnostic de l’infection bactérienne [73].

2. CRP

Contrairement à la plupart des protéines de la phase aigue de l’inflammation dont les taux plasmatiques varient énormément, la CRP présente l’avantage d’avoir une demi-vie plasmatique qui reste constante sous n’importe quelle condition [74]. La CRP a été très utilisée cliniquement comme un outil de diagnostic de la pathologie infectieuse [75, 76, 77]. Il a été prouvé que ce paramètre pouvait faciliter le diagnostic de l’infection bactérienne et guider l’usage approprié des antibiotiques [78, 79].

La CRP pourrait constituer un biomarqueur plus approprié que la PCT pour les essaies cliniques. Ceci serait dû à sa plus grande sensibilité vis à vis de l’infection et à son faible coût [80, 81].

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Dans le présent travail, la CRP a montré une plus grande sensibilité que la PCT dans le diagnostic des infections bactériennes. Ceci pourrait s’expliquer par la prédominance des infections localisées (n=193, soit 60%) où la PCT semble avoir une sensibilité moindre comme cela a été souligné dans plusieurs autres études [82, 88].

Néanmoins, des taux élevés de la CRP peuvent être associés à des brûlures, traumatismes, chirurgies, pancréatites et affections rhumatologiques [83]. Ceci remet en question sa spécificité pour l’infection bactérienne. Les résultats de notre étude concordent parfaitement avec ce constat, la CRP a, en effet, toujours montré une spécificité plus faible en comparaison avec la PCT. (Tabieaux 8-12)

Toujours dans le cadre de notre étude, la CRP a été associée à une forte sensibilité de 90,5% et avait une VPN de 67% dans le diagnostic de l’infection bactérienne. Cela veut dire que 18/55 patients avec un résultat négatif au seuil décisionnel de la CRP (< 23,2mg/l), étaient en réalité des patients infectés (Faux négatifs) sur la base de l’étude bactériologique. Dans ce cas de figure, la prévalence de la pathologie et son impact sur la VPN doit être considérée. La VPN est inversement proportionnelle à la prévalence [84]. Dans la présente étude, la prévalence de l’infection bactérienne était de 60,2%, dépassant de loin les valeurs rapportées dans des études réalisées dans différents services d’urgences et de réanimation où la prévalence de l’infection bactérienne ne dépace pas les 21% [85, 86]. En effet, les échantillons, dans notre travail, ont été collectés à partir de différentes unités de soins et ne concernaient pas uniquement les urgences et la réanimation.

Ainsi, l’augmentation de la VPN, couplée à la bonne sensibilité dans notre contexte, aurait permis à la CRP d’être très efficace dans l’élimination du diagnostic de l’infection bactérienne chez les patients non infectés [84].

En même temps, à mesure que la prévalence baisse, la VPP du test de la CRP baissera aussi. Une donnée importante pour le clinicien, car la probabilité pré-test que le patient soit infecté est maintenant diminuée, même si la sensibilité du test en soi est relativement bonne (Se=90,5%, comme dans le présent travail).

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Par ailleurs, vu la faible spécificité du test de la CRP dans notre étude (Sp=29,6%), le nombre de patients faux positifs est élevé. En effet, 70,4% (soit 1-Sp) des personnes non infectés étaient diagnostiquées positivement par la CRP (88/125 des patients non infectés).

Un test avec une forte spécificité vis à vis de la pathologie recherchée serait alors demandé afin de discriminer celle-ci des autres étiologies pouvant induire un résultat positif de la CRP.

3. Procalcitonine (PCT)

Bien que le processus par lequel la PCT est libérée dans la circulation sanguine durant l’infection reste peu connu, ainsi que son rôle biologique, ce paramètre présente un grand intérêt clinique comme marqueur de l’infection bactérienne. Les inducteurs les plus puissants de la synthèse de la PCT dans des conditions expérimentales sont les endotoxines bactériennes et leur effet systémique [87]. Dans une infection virale ou une infection bactérienne localisée, les concentrations plasmatiques en PCT sont beaucoup moins importantes que lors d’une infection systémique [88]. Les maladies auto-immunes [89] et néoplasiques [90] n’induisent pas, non plus, une augmentation des taux de PCT. S’il existe une infection systémique chez un patient immunodéprimé, la PCT reste élevée dans le plasma [91]. Les taux plasmatiques de PCT sont très stables et ne sont pas dégradés en calcitonine (hormone active) [92].

Plusieurs études ont montré que la PCT pouvait être un outil de diagnostic plus pertinent que la CRP dans la différenciation de l’infection bactérienne des autres stimuli [93, 94].

De nombreuses études réalisées dans des services d’urgence ou de réanimation ont trouvé une augmentation significative de la PCT chez les patients présentant une infection ou un choc septique [95, 96, 97, 98]. Cela concorde parfaitement avec les résultats du présent travail. En effet, la médiane des taux de PCT a toujours été plus importante chez les patients infectés que chez les non infectés, dans les différents groupes d’infection étudiés, sauf dans le groupe d’infection urinaire ou les taux de PCT étaient similaires entre infectés et non infectés.

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Un dosage précoce de la PCT permettrait donc de différencier rapidement entre sepsis et SIRS, choc septique et insuffisance circulatoire aigue d’origine non infectieuse. Ainsi dans plusieurs études, même si les valeurs seuil de PCT ont été très variables (de 0,5 ng/ml à 11,6 ng/ml), la valeur prédictive d’une élévation de la PCT comme marqueur d’infection semble très satisfaisante avec une sensibilité et une spécificité qui avoisinent ou dépassent 80 % [96, 99, 100]. Dans notre étude, la PCT a atteint de telles valeurs dans le diagnostic du sepsis avec une spécificité de 82,1% et dans le diagnostic de l’infection respiratoire avec une sensibilité de 83,3%. Dans le reste des infections étudiées, la spécificité de la PCT a toujours était supérieure à celle de la CRP même si le seuil des 80% n’était pas atteint. Ceci concorde avec les données de la littérature [101, 102].

L’augmentation des taux de PCT a été corrélée avec la sévérité de l’infection bactérienne [103]. Mais la PCT se révèle surtout être un bon marqueur de la gravité du retentissement systémique de l’infection. Zéni et al [105], les premiers dès 1994, et d’autres ensuite [94, 95, 96] ont mis en évidence une augmentation significative des taux de PCT en fonction de la gravité clinique du sepsis évalué par les critères de Bone [17]. Ainsi, sepsis, sepsis sévère et choc septique se caractérisent par des taux croissants de PCT. Nos résultats s’accordent avec ces données. En effet, la médiane des taux de PCT chez les patients avec un choc septique (7,49 ng/ml) était supérieure à celle des patients avec sepsis (5,37 ng/ml), elle-même bien supérieure à la médiane PCT des patients avec infection localisée (0,69 ng/ml).

Ce constat ne s’appliquait pas à la CRP, comme l’attestent d’autres études [98, 104]. En effet, nos résultats montrent que la différence entre les médianes de CRP chez les patients avec un choc septique, sepsis et infection localisée n’a pas été significative (202,9 mg/l vs 187,2 mg/l vs 112 mg/l, respectivement).

Luzzani et al ont proposé que la PCT devrait remplacer la CRP comme marqueur du sepsis au sein des services de réanimation. Les auteurs ont trouvé que la corrélation entre la présence de l’infection et l’augmentation des concentrations sanguines en PCT était plus forte que celle avec la CRP [106]. Cependant, la relation entre l’intensité de la réponse inflammatoire secondaire à l’infection et la libération de la PCT doit nous rendre prudent quant à l’évaluation de la valeur diagnostique de la PCT. Ainsi, dans certaines études, les taux

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de PCT ne sont pas différents entre SIRS et sepsis [95, 98, 107] voire même, entre SIRS et sepsis sévère [100]. Cela pourrait expliquer les résultats discordants mis en évidence par certaines études dans lesquelles la valeur prédictive de la PCT apparait inférieure à celle de la CRP [98, 107].

Le site d’infection pourrait aussi jouer un rôle sur l’intensité de la libération de la PCT lors d’une infection. Ainsi, lors de pneumopathies communautaires, sans bactériémie associée, l’élévation des taux de PCT semble inconstante (seulement 61 % des patients [108, 109]) ou faible (en moyenne 0,2 ng/mL) [110]. Cependant ces études comportent de nombreuses limitations qui les rendent difficilement transposables aux patients présentant une infection pulmonaire hospitalisée en réanimation [100, 108, 110]. Cela n’a pas été le cas dans notre étude où la PCT a été le meilleur marqueur de l’infection respiratoire avec une élévation importante des taux de PCT chez la population infectée par rapport aux non infectés (médianes PCT : 1,91 vs 0,05 ng/ml, respectivement).

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