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II. La détection du glucose dans le contrôle de l’homéostasie glucidique

II.2. La détection hypothalamique du glucose

II.2.3. Les cellules hypothalamiques sensibles au glucose

II.2.3.3. Les tanycytes

Les tanycytes sont des cellules gliales présentes à l’interface entre le sang, le LCR et

les noyaux hypothalamiques régulant la prise alimentaire. Ceci a incité de nombreux auteurs à

suggérer que ces cellules joueraient un rôle dans le contrôle de l’homéostasie énergétique. Il

existe quatre sous-types de tanycytes, en fonction de leur localisation et de leurs propriétés.

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Les tanycytes α2 bordent le ventricule situé face au VMN et DMH et se projettent dans ces

mêmes noyaux alors que les tanycytes α1 bordent le ventricule situé face au NA. Les

tanycytes β1 et β2 présentent des prolongements dans le MBH et l’EM (Figure 15). Les

tanycytes sont polarisés : - un pôle apical au contact du LCR et - un pôle basal qui atteint les

différents noyaux hypothalamiques et des micro-vaisseaux parfois dépourvue de BHE dans

l’EM. De façon intéressante, les tanycytes à la périphérie du NA n’expriment pas certaines

protéines de jonction et celles exprimées présentent un pattern d’expression désorganisé

suggérant que ces cellules sont plus « perméables » au passage de molécules en provenance

du LCR, que les autres tanycytes bordant le 3

ème

V (Mullier et al., 2010).

Les tanycytes expriment GLUT2, la GK et certaines sous-unités de canaux K

ATP

(Orellana et al., 2012). Nous avons vu précédemment que ces acteurs moléculaires sont

fortement impliqués dans les mécanismes de détection du glucose de la cellule β, suggérant

que les tanycytes pourraient avoir un rôle de détection du glucose au niveau hypothalamique.

La première preuve, bien que indirecte, a montré que la destruction des tanycytes bordant le

3

ème

V est suffisante pour modifier la glycémie et la PA chez des rats (Sanders et al., 2004).

De plus, les jonctions serrées entre les tanycytes se réorganisent, augmentant les échanges

entre le LCR et le NA en réponse à une diminution de glucose, ceci dans le but d’assurer un

apport constant de glucose au cerveau (Langlet et al., 2013).

Ce n’est que récemment que la détection directe du glucose par les tanycytes a été

démontrée, in vitro. Les mécanismes moléculaires mis en jeu restent controversés. Toutefois

les études s’accordent toutes sur la mise en jeu d’une signalisation purinergique et une

α1

α2

β1 β2

Figure 15 : Localisation des tanycytes

Les tanycytes α1 et α2 sont localisés dans la partie ventrale du 3ème V (vert). Les tanycytes

β1 et β2 émettent des prolongements dans le NA (ARC) et vers les capillaires présents dans l’EM, respectivement (orange). Modifié d’après (Steinbusch et al., 2015).

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augmentation du Ca

2+

intracellulaire (vagues calciques) en réponse à l’augmentation de la

concentration de glucose (Frayling et al., 2011; Orellana et al., 2012). Plusieurs modèles de

détection du glucose sont proposés :

- Orellana et collaborateurs (Figure 16A) propose l’implication de la voie de signalisation

GLUT/GK/canaux K

ATP

. Par un mécanisme inconnu, ceci permettrait l’ouverture des

hémi-canaux Connexine43,la libération d’ATP puis l’activation des récepteurs purinergiques P2Y1,

et enfin l’augmentation de Ca

2+

intracellulaire. La propagation du signal vers les tanycytes

voisins se réalise via des jonctions GAP (Orellana et al., 2012).

- De façon intéressante, Frayling et collaborateurs montrent que les analogues non

métabolisables du glucose induisent aussi le signal Ca

2+

nécessaire à la réponse au glucose des

tanycytes. Ceci suggère que le modèle de détection du glucose de la cellule β ne peut être

appliqué aux tanycytes. De plus, l’augmentation de Ca

2+

dans la cellule β est due à l’ouverture

des canaux calciques voltages-dépendants, absents dans les tanycytes. Frayling propose alors

deux autres modèles (Figure 16B) :

a) Le premier suggère que le glucose soit transporté dans la cellule par un

co-transporteur de glucose dépendant du Na

+

. L’accumulation de Na

+

inverserait l’échangeur

Na

+

/Ca

2+

induisant un influx de Ca

2+

dans le tanycytes qui déclencherait la libération d’ATP.

L’ATP agirait ensuite sur les récepteurs P2Y1 pour amplifier le signal Ca

2+

.

b) La seconde hypothèse est similaire à la première mais propose que le

glucose et ses analogues agissent sur un récepteur couplé à une protéine G pour déclencher la

libération d’ATP puis l’activation du récepteur P2Y1 (Frayling et al., 2011).

Notons que l’équipe de Frayling a réalisé ses études sur des tanycytes α en tranche

alors que l’équipe d’Orellena a étudié des cultures enrichies en tanycytes β1. Ainsi, de

multiples mécanismes de détection de l’augmentation de la concentration de glucose

existeraient dans ce type cellulaire. La détection de l’hypoglycémie par les tanycytes n’a pas

encore été étudiée. A ce jour, le rôle spécifique des tanycytes in vivo dans la détection du

glucose nécessite davantage d’investigations.

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Figure 16 : Les hypothèses de la détection de l’augmentation de la concentration de

glucose par les tanycytes du MBH

A) Lors de l’augmentation de la concentration extracellulaire de glucose, le glucose entre (1) principalement par les transporteurs GLUTs et dans une moindre mesure par les hémi-canaux Cx43, conduisant à la phosphorylation du glucose par la GK (2). L’ATP produit par la glycolyse (3) induit la fermeture des canaux KATP (4). Cet événement promeut l’ouverture des hémi-canaux Cx43 par un mécanisme inconnu (5). La libération d’ATP via les hémicanaux (6) active les récepteur purinergique P2Y (7) et induit la formation d’inositol triphosphate (IP3) cytosolique (8), qui favorise la libération de Ca2+ stocké dans le réticulum endoplasmique (9), augmentant la [Ca2+]i. D’après (Orellana et al., 2012).

B) a) Le glucose est capté par un cotransporteur de glucose lié au Na+ (1), l’accumulation de Na+ résultante inverse l’échangeur Na+-Ca2+ (2), induisant une augmentation de la concentration intracellulaire de Ca2+. Cette augmentation conduit, par un mécanisme inconnu (3), à la libération d’ATP (4), qui active les récepteurs P2Y1 résultant en une [Ca2+]i via la mobilisation des stocks internes. b) Le second modèle est similaire sauf que le glucose et ses analogues agissent sur un ou plusieurs récepteurs couplé(s) à une protéine G (1) pour mobiliser le Ca2+ intracellulaire directement (2), qui conduit de nouveau à la libération d’ATP(4) et l’activation des récepteurs P2Y1. D’après (Bolborea and Dale, 2013).

Une question que l’on peut se poser quant aux études sur la détection hypothalamique

du glucose est la suivante : les neurones GS détectent-ils directement les variations de la

concentration de glucose ou bien indirectement par l’intermédiaire d’une autre cellule? Les

équipes des Dr Burdakov, Dr Routh et Dr Fioramonti sont les seuls à avoir bloqué la

transmission synaptique (via la tétradotoxine ou TTX) dans les études réalisées ex vivo en

électrophysiologie. Néanmoins, la TTX ne permet pas d’exclure une communication

neurone-cellule gliale. Les études réalisées in vitro sur culture de neurones isolés par les équipes du Dr

Levin et Dr Routh ont permis d’apporter la preuve irréfutable que les neurones GE et GI du

MBH détectent directement les variations de la concentration de glucose. En ce qui concerne

les régions cérébrales extra-hypothalamiques, la détection directe du glucose par les neurones

GS n’a pas été vérifiée. Nous allons voir que la détection hypothalamique de glucose ne serait

B-b

A

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pas exclusivement neuronale et une détection indirecte séquentielle par les cellules gliales

serait aussi présente.

II.2.4. Couplage glie/neurones dans la détection hypothalamique du