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Maurice Weber

Intervenants

Gaston Pineau Georges Lassous Xavier Cosnard

L’ŒUVRE DE GEORGES LERBET :

UNE RESSOURCE POUR LE PASSAGE PARADIGMATIQUE

DE FORMATION HUMAINE PERMANENTE

Gaston PINEAU

Chercheur émérite au Centre de Recherche sur l’éducation et la formation relatives à l’Environnement et à l’Écocitoyenneté (Centr’Ère) de l’Université du Québec à Montréal

Ce colloque tant attendu sur l’œuvre de Georges Lerbet a fait vivre en chacun et entre nous des boucles de réflexions et de dialogues avec un tiers physiquement absent mais combien présent et agissant par son œuvre. Ce colloque l’a inclus vitalement en nous et entre nous de façon créative et non seulement commémorative. Il n’a pas été une récitation ânonnante d’écrits de Georges parfois pas toujours faciles. Mais son esprit et le nôtre en ont fait, il me semble comme il l’aurait voulu, une triple production, de savoirs, mais aussi de sujets et de projets à développer par des trajets qui s’esquissent déjà.

J’aimerais d’abord réévoquer mes rencontres avec lui. Car, si je prends comme

indicateur de rencontre, l’éveil à l’altérité et à l’inconnu comme l’écrit Lévinas « rencontrer

un homme c’est être tenu en éveil par une énigme (1985, p.125), je dois bien reconnaître, à l’intensité des ouvertures, des interrogations et des recherches opérées avec lui, qu’il y a bien eu rencontres d’humains. Ces rencontres, de 1983 à sa mort en 2013, ont construit trente ans de recherches, d’interactions et d’interformations personnelles et professionnelles, à la fois

communes et profondément autonomisantes et différenciantes. Ce paradoxe de l’autonomie

masquée (Lerbet 1998; Duzert, 2016) constitue pour moi une grande partie de l’énigme évoquée des rencontres humaines fondatrices. Au-delà des rappels rapides superficiels de circonstance, réévoquer ces rencontres pour tenter d’en expliciter et d’en déployer tout le potentiel énigmatique de sens, me semble méthodologiquement et épistémologiquement nécessaire pour construire et produire une histoire humaine personnalisée et personnalisante et non anonymante.

RENCONTRES TRANSATLANTIQUES AU DÉBUT DES ANNÉES 80 ET COMPAGNONNAGE

PROFESSIONNEL DE TRENTE ANS

Au début des années 80, l’ouvrage qui inaugure son passage de la psychologie quasi

expérimentale aux sciences de l’éducation et de la formation permanente, s’intitule : Une

nouvelle voie personnaliste : le système personne (1981). Et à la même époque, sans le connaître, cette nouvelle voie personnaliste et systémique me travaille de l’autre côté de l’Atlantique, dans une Faculté de l’Éducation Permanente se construisant à l’Université de

Montréal. En 1980, je publie grâce à cette approche systémique naissante, Les combats aux

frontières des organisations. Un cas universitaire d’éducation permanente. C’est ce premier ouvrage qui, par collègue interposé, amorcera la première rencontre.

Un second en 1983, Produire sa vie : autoformation et autobiographie constitue une

pièce centrale de ma thèse d’état sur travaux qu’il m’a permis de passer en la patronnant. Cette thèse d’état et la possibilité d’institutionnaliser universitairement avec lui à Tours, cette nouvelle voie personnaliste, m’on fait retraverser l’Atlantique pour occuper le deuxième poste d’enseignant-chercheur du département émergent des sciences de l’éducation et de la formation.

Notre compagnonnage de trente ans s’est inscrit dans une dynamique paradoxale de hiérarchie enchevêtrée à tiers mystérieusement inclus. Je prends hiérarchie dans son sens étymologique (hiéros, sacré et arque, pouvoir/commencement) de prégnance de ce qui échappe, transcende irréductiblement, merveilleusement ou tragiquement, à travers et au-delà des pores de la peau et des mots. Cet état transdisciplinaire de recherche-formation, entre actualisation et potentialisation, a mobilisé, je pense, nos milieux respectifs. Il a créé une connivence implicite de fond synergisant nos différences profondes et les rendant particulièrement fécondes.

Plus âgé dans un grade plus élevé, il m’a initié à la vie universitaire qui n’est pas une vie irénique dominée par la seule recherche désintéressée du vrai. C ’est une vie polémique tendue entre systèmes et savoirs institués et personnes et connaissances en voie de constitution. Longtemps il a assuré la première ligne de combats institutionnels, me laissant courir aux frontières et même au-delà, selon une politique et une stratégie de création de réseaux et de partenariats avec des acteurs, groupes et mouvements en action-recherche-formation d’eux-mêmes. Il m’a appris l’art difficile entre tous, de la maïeutique. De l’accouchement des produits, mais aussi et surtout des producteurs. La production de mémoires et de thèses n’est qu’un moyen de créer des auteurs avec les acteurs sociaux. Des auteurs de traits d’union bio-cognitif, reliant vie et cognition.

Puis il est parti, d’abord à la retraite, en 1997, m’obligeant à monter aux créneaux institutionnels pour défendre les avancées qui, par leur développement, sortaient de leur marginalité. Les contre-attaques ont été très vives et les rangs se sont clairsemés. Mais ils se sont aussi renforcés dans cette recherche de ce que veut dire, pour la formation universitaire, l’ouverture des apprentissages tout au long et dans tous les secteurs de la vie. La voie ouverte

d’un nouvel ingenium de l’accompagnement de l’alternance études/travail, et de nouvelles

stratégies et ingénieries de production coopérative de savoirs plus que de consommation individuelle de cours, s’est développée dans une dynamique régionale, nationale et internationale de diversification. Cette dynamique est toujours en situation effervescente et critique car elle se nourrit des crises multidimensionnelles inhérentes aux transitions et révolutions paradigmatiques. Pour opérer ces dernières, Georges a puissamment contribué à

faire émerger Les nouvelles sciences de l’éducation au cœur de la complexité. (1995). Leur

construction prendra du temps et occupera sans doute plusieurs générations.

LES TENSIONS DE LA NOTICE BIOGRAPHIQUE DE 2013 ET LA RÉVÉLATION INSOLITE DE

LA PLAQUE COMMÉMORATIVE

À l’automne 2013, j’ai eu la chance d’être à Tours pour contribuer au dernier et très délicat accompagnement professionnel que constitue la rédaction d’une notice biographique pour médiatiser, entre autres à la communauté universitaire, l’essentiel de la vie du mort à l’occasion de cette mort. La teneur d’une annonce nécrologique est un instant biographique pris avec l’inégalité sociale de bien figurer (Legros, 2011). Celle d’une notice biographique décuple ces problèmes sociaux et vitaux : qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Pour qui ? Pour quoi ?

En témoignage de reconnaissance pour le mentor qu’il fut pour moi, j’étais heureux de pouvoir affronter ces difficiles questions pour ouvrir la vie post-mortem de Georges en publiant ce qui paraissait l’essentiel de son œuvre. Une première rédaction fut faite incluant toutes ses productions. Mais pour une diffusion interne à l’Université de Tours, le Département des sciences de l’éducation et de la formation décida d’enlever celles qui se situaient explicitement dans la tradition maçonne, en particulier celles relevant de la collection

Horizons initiatiques qu’il avait créée aux Éditions Véga à sa prise de retraite. Étant moi-même à la retraite, je n’ai pas participé à cette prise de décision. Mais je ne me sentais pas lié

par elle pour une diffusion plus large dans une revue centrale des sciences de l’éducation et de la formation. Après consultation auprès de sa famille, il fut décidé de proposer la version complète de ses œuvres et ainsi d’afficher leur double inspiration, universitaire et maçonne. Pour moi, c’était reconnaître l’unité de l’œuvre de Georges, son unité tensionnelle, travaillée

jusqu’à sa mort, même si comme Bachelard, il aurait pu écrire : « Trop tard, j’ai connu la

bonne conscience dans le travail alterné des images et des concepts, deux bonnes consciences qui seraient celle du plein jour, et celle qui accepte le côté nocturne de l’âme… Une bonne conscience, c’est pour moi, si insuffisantes que soient les œuvres, une conscience occupée – jamais vide – la conscience d’un homme au travail jusqu’à son dernier souffle » (Bachelard, 1960, p.47).

Cette notice biographique complète fut publiée dans le numéro 197 de décembre de la

revue Éducation Permanente avec hommage à Georges Lerbet en page couverture. Je décidai

d’en apporter un exemplaire à son épouse à Argenton-sur-Creuse. Lors de la remise de cet exemplaire, je manifestai le désir d’aller me recueillir sur sa tombe. Quelle ne fut pas mon émotion de découvrir sur la très sobre plaque commémorative identifiant la tombe, deux noms réunis par un trait d’union: Lerbet-Pineau. Pineau était le nom de sa mère. Mais, secret comme il était, il ne m’en avait jamais parlé. Il a fallu cet accompagnement post-mortem pour

le savoir, avec toute la force symbolique qu’on veut bien y voir (L’expérience du symbole,

2006).

RELECTURE D’UNE EXPÉRIENCE MAÇONNIQUE. ESSAI DE PHILOSOPHIE CONCRÈTE

(2011) ET DE L’INSOLITE DÉVELOPPEMENT : VERS UNE SCIENCE DE LENTRE-DEUX (1988)

Pour accompagner ma traversée de l’Atlantique en me préparant à cette journée autour

de son œuvre, je me suis demandé quel livre vais-je prendre et relire? Son avant-dernier, Une

expérience maçonnique. Essai de philosophie concrète (2011), s’est imposé de lui-même.

C’est le dernier volet d’un triptyque après L’expérience du symbole (2006) et L’ignorance et

la sagesse. Essai sur le divin (2009). C’est celui au titre le plus personnel et expérientiel. Il

semble exemplaire de la collection Horizons initiatiques, selon la présentation de cette

collection : « Toute expérience initiatique est profondément originale. Mise en mémoire, elle

reflète ces résonances que chacun entretient avec l’univers, avec les autres et aussi avec le monde : résonances incorporées et, ici, portées en récits, en figures raisonnées, plastiques ou rhétoriques. » Et avec les termes d’expérience et de concret accolés à maçonnique et

philosophie, ce titre relève le défi « de s’appuyer sur la place accordée, dès le départ à

l’expérience opérative et spéculative, vécue par l’individu (Lerbet, 2011, p.32).Cet essai d’explicitation d’une philosophie concrète à partir d’une expérience maçonnique, la sienne, laisse espérer une connaissance plus concrète et incarnée de Georges, ce grand fils unique,

secret et pudique. Mais aussi ce choix discriminant, entre développements abstraits

surplombants et enveloppements concrets égotistes, concrétise un insolite développement,

vers une science de l’entre-deux, (1988), annoncé plus de 20 ans avant. Le rapprochement entre ces deux livres s’est effectué la nuit suivante, nuit d’insomnie des décalages horaires opérés par des passages intercontinentaux relativement longs.

Sacré Georges, il me réveille pour m’éveiller à nouveau à la prise de conscience que chercher à vouloir reconnaître la place privilégiée d’un autre dans son parcours de vie, c’est s’ouvrir au potentiel cognitif infini des entre-deux. Insolite développement en effet, car c’est s’ouvrir d’abord à un vide, un inconnu invisible, impalpable, une ignorance, une inconnaissance, une tercéité d’entre-deux habituellement exclue, reléguée dans l’insignifiant ou le non-signifiant.

Vouloir l’inclure est rompre avec les modes de connaissances disciplinaires antérieures basées sur des épistémologies et des méthodologies dualistes disjonctives. Première étape très coûteuse pour commencer, initier un processus de reconnaissance d’un espace, d’un entre-deux apparemment vide mais dont la vacuité apparente cache, voile des potentialités créatives d’une complexité et d’une richesse bio-diversifiante infinie. Car cet entre-deux n’est pas seulement entre deux personnes, mais plus globalement entre organismes

et environnements (L’écologie des liens, Jacques Miermont, 2012), entre cultures (L’écart et

L’entre, François Jullien, 2012), et même aussi entre visible et invisible, cognition et action, humain et transhumain). Reconnaître et entreprendre la connaissance de ces « entres » en essayant d’y entrer, de les interroger construit la liaison, la reliance vitale entre les deux, crée un milieu original habité, une co-naissance. Les méconnaître, les nier ou dédaigner leur existence consacre la séparation, mure chacun dans une déliance mortifère à terme des deux.

La reconnaissance bio-cognitive à part entière de ces « entres » centralement vitaux par les liens, les relations, les inter-, trans-actions, les communications, communions, formations symbolisations qu’ils assurent, dépasse le simple ajout d’une matière nouvelle dans le paradigme disciplinaire encore dominant et structurant. Elle implique une rupture structurelle qui initie une seconde étape transitionnelle longue et éprouvante de développement « insolite » vers une science ou des sciences de l’entre-deux.

L’œuvre de Georges se situe dans la mouvance très bio-diversifiée de construction d’un nouveau paradigme inter et même transdisciplinaire pour travailler la reconnaissance de cette complexité systémique et dialectique paradoxale des « entre ». Les références nombreuses de ses ouvrages à Atlan, Dupuy, Durand, Le Moigne, Lewis, Lupasco, Nikolecu, Morin, Piaget, Popper, Prigogine, Serre, Thom, Varela…en témoignent. Outre les liens de parenté peu explicités avec la pensée écologique (Bourg, Fragnière, 2014), elle est en interactions plus vives avec l’entreprise contemporaine peut-être la plus connue et la plus développée qu’est celle d’Edgar Morin, de construire une nouvelle Méthode aussi historiquement déterminante que celle de Descartes. Cette entreprise catalysatrice de Morin

s’étale sur plus de cinquante ans. L’homme et La mort date de 1951. Le premier tome, la

Nature de la nature date de 1977 et le sixième, L’Éthique, est paru en 2014. Sans compter les autres productions qui ponctuent périodiquement cette recherche transitionnelle transdisciplinaire.

J’aimerais rapprocher cet insolite développement vers une science de l’entre-deux d’un auteur italien moins connu qui voit ces entre-deux comme l’antre du sacré, l’intervalle

où ça crée ou ça massacre. Dans Le paradoxe du sacré, Franco Ferrarotti (1985) interprète

ces entre, ces inter, comme le cœur de ce sacré paradoxal. Il le nomme avec un terme intrigant : l’interrègne (1985, chap.4). L’interrègne est peut-être un règne intermédiaire entre d’autres règnes, un règne d’attente, un règne de recours, de transition. Mais il recèlerait quand même un pouvoir potentiel qui le consacrerait comme pouvoir de liaison ou de déliaison, de relation ou d’isolement, de religion ou de relégation, de communion ou de désunion, de communication ou d’excommunication, de formation humaine communautaire ou de destruction meurtrière. L’entre serait l’antre du sacré, d’un « ça crée » premier, naturel, sauvage, transpersonnel, non encore consacré et domestiqué.

Dans un livre fondateur - Le livre du Ça -, Groddeck (1923), avant Freud, est le

premier à prendre au sérieux ce ça mystérieux, comme ensemble de pulsions inconscientes

entre vie et mort: « Pour le ça, il n’existe pas de notion délimitée en soi ; il travaille avec des

ordres de notions, avec des complexes qui se produisent par la voie de l’obsession de symbolisation et d’association (p64)… Représentez-vous mes propos sur le Ça divisé en degrés, un peu comme le globe terrestre (p.73) (Groddecck, 1963, cité par Pineau, 2012, p.49).

Après la première étape de déconstruction des formes consacrées, l’exploration de ce « ça » qui crée, semble donc offrir une seconde étape et voie d’exploration pour ceux qui veulent continuer à s’initier au sacré. Étape et voie encore plus inconnues et risquées que la première, car les deux sont signifiées par un pronom impersonnel ou transpersonnel

indéfini, un « ça » illimité qui renvoie au globe terrestre divisé en degrés et qui travaille

avec des ordres de notions, avec des complexes qui se produisent par la voie de l’obsession de symbolisation et d’association. Pas étonnant que Freud ait esquivé cette voie. « Dans votre Ça, je ne reconnais pas naturellement mon ça civilisé, bourgeois, dépossédé de la mystique. Cependant vous le savez, le mien se déduit du vôtre » Groddeck, 1963, p. vi)

Aussi invisiblement que l’atome, l’entre/antre de ce « ça crée » universel concentrerait une énergie redoutable, une énergie méta-humaine créateur ou destructeur de milieux singuliers, d’œcoumènes personnalisés, de cosmogénèses personnelles mettant en forme, en ordre, en sens du chaos, en lui donnant des degrés d’être, selon un pouvoir d’associations et de symbolisations, en un mot de hiérarchisation.

Dans son étymologie claire-obscure, hiérarchie, terme universel de pouvoir

apparemment profane, signifie pouvoir sacré. Il signifie aussi que le hiéros – le sacré – a été sortie de l’entre-deux par un pouvoir qui veut se l’approprier, se fonder par une relation privilégiée, consacrée, avec lui. Cette hiérarchisation du pouvoir le consacre comme représentant de ce hiéros invisible entre les sujets et les objets. Consécration ambivalente qui devient massacrante – du sacré en premier – si ce pouvoir hiérarchique se présente pour le sacré lui-même, en voulant se l’approprier complètement. Il oublie ou nie alors sa position relative face à cette force tierce, entre-deux du sacré. En plus il en désapproprie les autres. Cette appropriation passera par l’édiction pour les autres, de rites précis à observer, de sacrifices à faire et de sacrements à recevoir et observer pour entrer dans cet ordre hiérarchique privé. À la limite, la nomination et l’imposition de toute hiérarchie, cléricale comprise – hiérocratique -, fondant ainsi sa prise de pouvoir de façon quasi-archétypale mais voilée sur le sacré, est une profanation du sacré, une récupération sacrilège de sa tierce-force spécifique aussi libre, invisible et créative que le souffle du vent. Les lettres ne sont pas l’esprit qui les relie entre elles et leur donne sens. Et elles le tuent si elles prétendent l’être.

Essentiellement à l’origine, la théorie du système-personne de Lerbet est de trianguler les rapports duels organisme/environnement en incluant cette force-tierce invisible des entre, des interfaces, des frontières comme créatrices de milieux personnels spécifiques selon une dynamique systémique de formation, c’est-à-dire de mise ensemble, en forme, en sens par des mouvements alternant d’extériorisation/intériorisation, de centration/décentration (Lerbet, 1981). Le nom de la première collection, Mésonance, croisait Mésologie et altérologie selon deux ondulations en noir et blanc. Georges avait coutume de nous situer dans une salle en disant que nous avions là tous le même environnement physique, mais que chacun créait avec son organisme et son histoire, son milieu personnel spécifique par des transactions bio-cognitives subtiles aux frontières de la peau et des mots de chacun. Cette triangulation entre autre temporelle de la formation permanente du système-personne a fourni, je pense, le fonds référentiel dynamique et heuristique de notre compagnonnage, alimentant, au moins pour moi, une production autonomisante par interdépendance (Pineau, 2000, p.103-113)

CONCLUSION : UNE SOURCE ET UNE RESSOURCE DE FORMATION INTERGÉNÉRATIONNELLE

L’œuvre de Georges est une source pour ces passages paradigmatiques intergénérationnels. Mais aussi et surtout une ressource durable que révèlent la longueur et les difficultés systémiques de ces passages, à condition de ne pas enterrer l’œuvre avec la

personne. Que l’initiative de ce colloque vienne de sa fille Frédérique, universitaire comme lui et d’un groupe d’amis, prouve qu’une dynamique intergénérationnelle est à l’œuvre. Ce n’est pas la plus évidente des dynamiques “inter” à mettre en œuvre. Et personnellement je me permets d’en remercier Frédérique qui a fait sa thèse, soit dit en passant, sur la complexité, l’autonomie et le développement de la relation duale (1994).

L’œuvre de Georges est de celle dont la profondeur et l’ampleur ont besoin du temps pour se déployer. Pour cette œuvre, le temps long est un allié. Loin de l’épuiser ou de la rendre caduque, ce temps long fait partie d’une temporalité historique de sa mise en culture. D’où l’importance de ce colloque et de ses suites.

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Références

BACHELARD Gaston, La poétique de la rêverie, PUF, Paris, 1960.

BOURG Dominique, FRAGNIÈRE Augustin, La pensée écologique. Une anthologie, PUF, Paris,

2014.

DUZERT Michèle, Vivre ensemble son autonomie, L’Harmattan, Paris, 2016.

FERRAROTTI Franco, Le paradoxe du sacré, Bruxelles, Les Éperonniers 1985,

JULLIEN François, L’écart et l’entre. Leçon inaugurale de la chaire sur l’altérité, Galilée,

Paris, 2012.

LERBET Georges, Une nouvelle voie personnaliste : le système-personne, Mésonance,

Maurecourt, n°2, IV, 1981.

LERBET-SÉRÉNI Frédérique, La relation duale. Complexité, autonomie et développement,

L’Harmattan, Paris, 1994.

LÉVINAS Emmanuel, En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Vrin, Paris, 1985.

LEGROS Patrick, « Les annonces nécrologiques comme instant biographique » dans PINEAU