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Mis en pratique aux Etats-Unis depuis 1983, le principe de la tarification à l’activité a été adopté par la plupart des pays européens à partir des années 1990. Les modalités retenues diffèrent néanmoins sensiblement, selon les objectifs poursuivis et l’organisation des systèmes de santé.

1. Un modèle largement répandu dans les pays occidentaux

Les travaux du professeur Robert Fetter sur les Diagnosis related groups (DRG) ont servi de base à l’application de la tarification « à la pathologie » aux Etats-Unis en 1983 pour les patients relevant du programme Medicare, à savoir les personnes âgées et handicapées. Les autres financeurs du système de soins, notamment les assureurs privés, en ont ensuite adopté le principe.

Ce mode de rémunération des établissements de santé a été introduit en Europe à compter des années 1990, notamment en Suède en 1992, avant d’être largement retenu, sous des formes variées, en Europe : Hongrie et Irlande en 1993, Italie en 1995, Catalogne en 1996, Finlande en 1997, Portugal et Autriche en 1998, Danemark et Pologne en 2000, Belgique en 2002, Angleterre en 2003, France en 2004, Allemagne et Pays-Bas en 2005.

Cette quasi-généralisation de la tarification à l’activité répond à des objectifs partagés dans l’ensemble des pays développés : une plus grande transparence du financement des hôpitaux, en le liant aux activités de soins effectivement réalisées et à leur coût estimé ; une plus grande équité, en réduisant les distorsions de dotation entre régions ou entre établissements ; une plus grande efficience, en incitant ces derniers à travailler à la fois sur leurs charges pour se rapprocher de coûts de référence et sur leurs ressources.

Le lien prégnant entre ce mode de financement et les choix stratégiques adoptés par les établissements a d’ailleurs été mis en avant lors des entretiens de la mission à l’école des hautes études en santé publique.

Certains pays poursuivaient également des objectifs spécifiques. Ainsi,

en Angleterre, il s’agissait de réduire les listes d’attente, en incitant les

établissements à développer leur activité. Dans un contexte de forte

augmentation des ressources dévolues au NHS (+ 10 % par an en moyenne

entre 2000 et 2007), le surcroît de recettes dont ont bénéficié les hôpitaux ayant

augmenté leur activité s’est effectivement accompagnée d’une réduction

spectaculaire des délais d’attente. En 2008, ces délais étaient inférieurs à

dix-huit semaines pour la quasi-totalité des patients, alors que c’était le cas

pour moins de la moitié d’entre eux seulement dix ans auparavant, à un moment

où l’attente dépassait six mois dans 30 % des cas.

Si les motivations du passage à la T2A sont relativement proches, les modalités de sa mise en œuvre varient sensiblement d’un pays à l’autre.

2. De multiples variantes nationales

Dans tous les pays qui la pratiquent, la tarification à l’activité obéit à un principe identique. Il s’agit d’un système de paiement « prospectif », fondé non pas sur les dépenses réellement engagées mais sur un coût défini a priori selon la nature des séjours des patients.

La T2A comporte cependant plusieurs variables que les pays n’ont pas utilisées de manière identique.

S’agissant du périmètre des domaines couverts par la tarification à l’activité, on constate tout d’abord qu’il se limite souvent aux soins aigus (MCO), bien que des extensions soient réalisées ou envisagées dans certains pays, notamment aux soins de suite ou au moyen séjour, beaucoup plus rarement à la psychiatrie.

Par ailleurs, dans les domaines où elle s’applique, la T2A ne couvre jamais la totalité des ressources des hôpitaux, les activités hospitalières non directement liées aux soins, comme l’enseignement et la recherche, relevant d’enveloppes complémentaires, tout comme certaines missions spécifiques.

Lors de son audition devant la Mecss, Zeynep Or, directrice de recherche à l’Irdes, a fourni une estimation des parts respectives des deux sources de financement. Le rapport entre les tarifs et les mécanismes complémentaires se situerait autour de 80 % / 20 % en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Irlande et au Portugal. Il serait de l’ordre de 60 % / 40 % en Angleterre et en Pologne. Seule l’Autriche accorderait un rôle quasi exclusif (96 %) aux tarifs.

S’agissant du lien entre activité et financement, il est direct en Allemagne, en Angleterre, en France, aux Pays-Bas ou en Suède. Chaque séjour facturé donne lieu à l’application automatique du tarif. Dans d’autres pays (Autriche, Irlande, Portugal), le lien est indirect : les établissements restent financés par une dotation globale mais les données d’activité sont un élément déterminant pour en fixer le montant.

C’est l’option retenue depuis 2002 par la Belgique. Chaque hôpital se voit adresser un projet de budget établi sur la base des données d’activité, la notification intervenant à l’issue d’une période de discussion au cours de laquelle l’établissement fait valoir son point de vue. Il s’agit ainsi d’un budget global pondéré par la notion d’« activité justifiée ».

Concernant la classification des séjours et les tarifs, la situation est

beaucoup plus hétérogène.

Tout d’abord, si la définition d’un tarif national est la règle, il existe des exceptions, comme en Allemagne où les tarifs sont différents selon les Länder dans une limite définie nationalement. Il faut également signaler que certains pays disposent de tarifs nationaux distincts selon le type d’établissements, publics ou privés lucratifs. C’est le cas de la France et des Etats-Unis.

Le nombre de groupes homogènes de malades est par ailleurs extrêmement variable : 355 en Belgique, 698 en Irlande, 983 en Suède, 1 020 en Finlande, 1 182 en Allemagne, 1 389 en Angleterre, le maximum étant atteint par la France, avec 2 318 GHM depuis la déclinaison de la plupart des groupes en quatre niveaux de sévérité. Les Etats-Unis, précurseurs de la T2A, comptent environ 1 100 DRG.

Les méthodes de calcul des tarifs sont diverses.

Aux Etats-Unis, Medicare utilise les informations provenant des 3 500 établissements qu’il finance. La même méthode prévaut en Angleterre, la centralisation du système de soins autour du NHS fournissant au département de la santé une base de données exhaustive qui permet de définir des coûts moyens à partir de l’activité réelle. Toutefois, depuis 2010, pour certains types de séjours (accident vasculaire cérébral, col du fémur, cataracte, cholécystectomie), le NHS a substitué au coût moyen un coût optimal, calculé sur la base des meilleures pratiques médicales (best practice tariff).

En Allemagne comme en France, les coûts sont calculés sur un échantillon d’établissements, cet échantillon étant cependant deux fois moins large en France qu’en Allemagne.

Les tarifs n’incluent pas toujours les honoraires des praticiens, par exemple en Angleterre, en Belgique et aux Etats-Unis.

Certaines activités à forts coûts fixes, comme les urgences ou les greffes, ne sont souvent financées qu’en partie par les tarifs appliqués au niveau d’activité. Elles bénéficient aussi de financements forfaitaires. En Angleterre et en Allemagne, le tarif d’un séjour est majoré si l’admission du patient s’effectue après un passage aux urgences.

Enfin, la France se distingue de la plupart des autres pays européens par ses modalités de régulation de la dépense hospitalière. Afin de respecter l’objectif national de dépenses, les tarifs sont ajustés au volume global d’activité, avec un impact uniforme pour l’ensemble des établissements.

En Allemagne et en Angleterre, le volume d’activité est contractualisé

localement entre la tutelle et l’établissement. En cas de dépassement, la

régulation s’effectue au niveau de chaque établissement. En Allemagne par

exemple, des minorations de tarifs sont appliquées au-delà d’un certain volume

d’activité.

II. LA CONSTRUCTION TARIFAIRE ET SES IMPERFECTIONS

L’élaboration des tarifs hospitaliers satisfait à deux étapes principales, l’une technique, l’autre politique :

- l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih) réalise l’étude nationale des coûts (ENC) à méthodologie commune, qui permet de classer, sur une échelle, les différents groupes homogènes de malades (GHM) en fonction de leurs coûts respectifs ;

- la direction générale de l’offre de soins (DGOS) applique à l’ENC

divers retraitements pour aboutir à la valorisation financière des GHM ; ils

tendent notamment à mettre en œuvre certaines priorités de santé publique

comme le développement de la chirurgie ambulatoire.