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Chapitre 2 Evolution paysagère du bassin d’Agoufou 34

II. Evolution du paysage d'Agoufou 43

1. Identification des unités paysagères (UP) 43

1.1. Systèmes de zones humides (H) : 44

Les systèmes "zones humides" (Figure 23) comprennent le réseau hydrographique principal, les plaines alluviales qui bordent ce dernier et qui sont parfois inondées durant la saison des pluies, et les points d’eau plus ou moins permanents. Le réseau hydrographique ne sera pas illustré ici mais correspond au cours d'eau principal actif. Il est facilement identifiable par les tranchées qu'il forme avec des berges plus ou moins marquées.

Figure 23: Photographies aériennes représentatives de l'unité "Systèmes zones humides"

H1: Plaines alluviales

Les plaines alluviales inondées lors des plus gros évènements pluvieux se composent d’un sol peu évolué d’apport alluvial de texture sablo-limoneuse à limono-argileuse. La profondeur du sol varie de quelques dizaines de centimètres à quelques mètres avec une capacité d’infiltration faible qui favorise le ruissellement. Le couvert ligneux qui recouvre cette unité n’impact que peu l’écoulement de surface (seul les troncs peuvent contribuer à le limiter).

H2 : Systèmes d’eau libre

Les mares ou lacs se forment dans les dépressions qui retiennent l’eau pendant la saison des pluies. Sur le bassin, les plus petites tarissent en début de saison sèche, et seul le lac d’Agoufou (exutoire actuel du bassin versant) est en eau de façon permanente. La texture très argileuse (vertique) des sols limite la percolation même sur les berges où les dépôts limoneux contribuent à colmater rapidement les zones plus sableuses.

1.2. Systèmes sableux (S) :

Les sols sableux (Figure 24) dominent dans la région du Gourma et recouvrent 60 % de sa superficie. Les sols du modelé dunaire sont profonds et de texture très sableuse (sable > 90 %) et parfois sablo- limoneuse dans les dépressions interdunaires (sable > 75 %; limon > 15 %). Les faibles teneurs en matière organique (< 0,2 % dans les 20 premiers centimètres) et la texture très sableuse en font une zone préférentielle de drainage.

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Figure 24: Photographies aériennes représentatives de l'unité "Systèmes Sableux".

S1 et S1c: Dunes isolées plus ou moins encroûtées

Modelés dunaires de forme ovale, allongés dans le sens du vent dominant provenant du Nord-Est, ces dunes sont particulièrement stables. Cependant, des plages de déflation sur les pentes au vent peuvent se creuser, encroûtant plus ou moins les surfaces qui génèrent un faible ruissellement (S1c). Ces surfaces plus imperméable ne sont pas recouvertes par la végétation herbacée et représentent seulement une portion de la surface totale de la dune isolée.

S2 : Plaines sableuses et systèmes dunaires fixés (ergs)

Grandes zones sableuses, cette unité se matérialise par une configuration striée en bandes représentant les sommets dunaires et les dépressions interdunaires. Ces plages sableuses constituent la majeure partie du paysage sahélien. Elles sont caractérisées par une forte infiltrabilité (illustrée en Annexe 4).

S3 : Ensablement profond sur roche

Ces zones se caractérisent par un horizon sableux profond supérieur au mètre reposant sur des surfaces cuirassées ou sur le substrat rocheux. Ces zones sont drainantes autant que la capacité de rétention du sol le permet. Ces unités, sensibles à la déflation en surface et à l’érosion hydrique, sont repérables par leur aspect très lisse épousant les formes du relief sous-jacent rocheux ou cuirassé.

S4 : Enclos et champs de mil

Les enclos (haies mortes de branchages) qui entourent quelques champs de mil sont situés à proximité des campements et des points d'eau, sur des sols sableux ou sablo-limoneux. Cette unité a des caractéristiques hydrodynamiques similaires à celles des systèmes dunaires.

1.3. Affleurements (O) :

Les affleurements (Figure 25) comprennent les grés et les schistes du précambrien issus des épisodes continentaux et les cuirasses ferralitiques qui témoignent de l’érosion de ces derniers jusqu'au tertiaire.

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Les cuirasses s'étendent largement et sont plus ou moins ensablées, laissant parfois apparaître le substratum rocheux.

Figure 25: Photographies aériennes représentatives de l'unité "Affleurements"

O1 : Affleurements rocheux

Les affleurements rocheux de schistes ou de grès sont généralement dépourvus de végétation mais peuvent être recouverts localement par des sols peu profonds (lithosols) de texture limoneuse ou sableuse n’excédant pas les quelques centimètres. Ces derniers peuvent abriter (très rarement) une végétation herbacée et ligneuse éparse qui bénéficie des ruissellements depuis les surfaces rocheuses voisines.

O2 : Affleurements cuirassés

Les affleurements cuirassés génèrent du ruissellement de surface en nappe sur faible pente. Ils sont dépourvus de végétation en dehors des quelques ensablements suffisants pour la mise en place d’une végétation éparse.

1.4. Glacis d’érosion (G) :

Les glacis d’érosion (Figure 26) représentent des surfaces modelées par érosion pendant les sécheresses anciennes et récentes qui ont provoqué la disparition de la végétation et l’intensification de l’érosion (éolienne et/ou hydrique).

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excepté dans les cas où un ensablement assez important constitue une source d'infiltration et un support aux herbacées (G1v).

G2 : Placages limoneux

Typiquement, ces glacis sont des surfaces en pente très faible essentiellement constituées de limon ou de limon-sableux sur plus de 50 cm de profondeur, reposant sur le substrat rocheux ou cuirassé. Encroutés en surface, ces glacis constituent une zone privilégiée de ruissellement et de départ du réseau hydrographique (griffes d’érosion).

G3 : Glacis cuirassé à brousse tigrée

Ces glacis présentent une alternance entre des surfaces de cuirasse dénudées qui servent d’impluvium, et des bandes végétalisées (fourrés ligneux + herbacése) qui sont perpendiculaires à la pente et font barrage au ruissellement et au transport de sédiments. Les fourrés des brousses tigrées poussent sur un sol d’altération de la cuirasse ferralitique sous-jacente de texture sablo-limoneuse. Si les bandes nues sont particulièrement imperméables, les bandes de fourrés ont quant à elles une forte capacité d’infiltration.

G4: Glacis cuirassé érodés

La dégradation de la brousse tigrée a entrainé l'érosion et l'encroûtement des sols qui sont devenus en grande partie imperméables produisant d'importants ruissellements. Quelques témoins de l’ancienne végétation arbustive dense peuvent persister de manière éparse.

2. Cartographie et évolution du paysage

Comme spécifié dans la section précédente (section 1.4.1), les processus hydrologiques sahéliens sont sous la forte dépendance des conditions de surface des sols et du couvert végétal qui y est associé (Collinet 1988; Albergel 1987; Hernandez et al. 2000; Casenave & Valentin 1989).

L’encroutement, la composition des sols, la microtopographie ou encore le type de végétation sont autant de facteurs qui impactent fortement le partitionnement de l’eau de pluie entre infiltration et ruissellement de surface.

D’après Valentin (Valentin 1994), une grande partie de la réaction du milieu face à la sécheresse dépend des conditions morpho-pédologiques. Ainsi, des sols présentant une forte sensibilité à l’encroutement superficiel (faible teneur en matière organique et activité faunique limitées), ou n’offrant que de faibles possibilités de stockage de l’eau du fait de leur profondeur par exemple, ou encore des sols ne se trouvant pas dans des conditions topographiques favorables pour la réception

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d’eau de ruissellement vont être des lieux privilégiés de la dégradation du couvert végétal et de l’augmentation du coefficient de ruissellement.

Dans ce contexte, une étude préalable de la cartographie du bassin est donc nécessaire à la compréhension de l’évolution des processus hydrologiques qui le caractérisent. Cette cartographie a été effectuée à partir d’une délimitation par UP homogènes, décrites précédemment, et caractérisées par des paramètres distincts recouvrant les propriétés hydrodynamiques, la pédologie, la géomorphologie et le type de recouvrement végétal.

2.1. Cartographie des unités paysagères

La cartographie des différentes unités paysagères du bassin d’Agoufou a été réalisée à l’aide de photographies aériennes et d’images satellite pour 1956 et 2011 respectivement.

L'identification claire des UP à partir des photographies aériennes en noir et blanc étant parfois difficile, la visualisation 3D a été nécessaire. Dans un premier temps, deux cartographies indépendantes du paysage d'Agoufou en 1956 et en 2011 ont été réalisées afin de ne pas biaiser les résultats. Dans un second temps, les images satellite permettant une identification plus facile des UP, une comparaison des deux cartes a été effectuée afin d'en vérifier la cohérence. La carte du passé est faite de manière conservatrice sur les cas ambigus: quand les changements entre le passé et le présent n'étaient pas clairement identifiables les UP identifiées sur le présent ont été plus ou moins conservées.

2.1.1. Les photographies aériennes

Salama et al., (1994), par exemple, ont utilisés des photos aériennes associées à des images Landsat afin d’évaluer de larges unités géographiques en terme géomorphologique, géologique et structural. Ils ont montré que l’utilisation de photographies aériennes est bien adaptée pour classifier le bassin en unités paysagères.

Des photographies aériennes panchromatiques issues de la mission IGN ND-30-XXIII ont été acquises auprès de l’Instituts national Géographique du Mali (IGM) et ont été utilisées pour identifier et délimiter par stéréoscopie6 les différentes unités du paysage à l’échelle du bassin versant. Le bassin

d’Agoufou a été entièrement couvert à l'aide de 15 photographies aériennes datant de Novembre 1956. Les données auxiliaires utilisées afin de géoréférencer ces dernières, incluent une image Corona du 23 septembre 1966 (résolution de 2.5 m) et une image SPOT du 17 Octobre 2005 (résolution de 5 m), toutes deux géorectifiées, qui permettent de couvrir la zone d'étude. La Figure 27 présente les étapes décrites ci-après et la mosaïque finale géorectifiée pour un couple stéréo du nord du bassin d’Agoufou (256-257) en projection WGS84-30N. Certaines images numérisées étaient en noir et blanc et d'autres

6La stéréoscopie est l’ensemble des techniques permettant de reproduire une perception du relief à partir d’un

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Figure 27: Prétraitement des photographies aériennes pour la production d'une mosaïque géorectifiée. Exemple d’un couple stéréoscopique (ND-30-XXIII-256 et ND-30-XXIII-257)

Les photographies aériennes brutes ont été converties en images numérisées avec des valeurs de niveau de gris dans les gammes 0-255. Les images numérisées ont une résolution au sol de quelques mètres, résolution suffisante pour détecter les grandes unités de paysage et les changements hydrologiques de la zone d'étude.

Une approche hybride de géorectification a été adoptée impliquant à la fois les images brutes (IB) et deux images à haute résolution (SPOT et Corona) déjà géorectifiées (IG). Cette approche a consisté dans un premier temps à géorectifier une première IB grâce à l'identification de points de control au sol (GCP7) présents sur les IB et les IG. Une fois l'image brute géorectifiée (IBG), celle-ci va être

utilisée autant que possible afin de géorectifier les nouvelles IB. L’utilisation des IBG pour géorectifier les IB permet une bonne homogénéité de la mosaïque finale ainsi que l’identification de plusieurs GCP précis. Pour les zones qui ne sont pas recouvertes par les IBG, les IG ont été utilisées. Dans ce cas, les GCP sont plus difficiles à identifier en raison de la qualité variable de la photographie et des changements environnementaux qui ont eu lieu dans la zone d'étude. Ils sont donc limités à des intersections de chemins, centre de petites mares, affleurements ou tout autre objet qui n’a potentiellement pas évolué au cours du temps.

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A l’aide des GCP, les IB ont ainsi pu être corrigées en utilisant une transformation polynomiale de troisième ordre. Le décalage potentiel des reliefs n'a pas été mesuré, mais a été considéré comme négligeable en raison de la topographie plane de la zone d'étude.

Les bords et coins des images sujets à une plus forte distorsion, ainsi qu’à la présence d’ombres ont été écrêtés. La variabilité de luminosité entre les images a été corrigée en modifiant l’histogramme de chaque image afin qu’il corresponde à celui de référence considéré. Le résultat a donné un niveau plus uniforme de luminosité entre les images permettant des transitions presque imperceptibles.

L’observation au stéréoscope à fort grossissement des couples stéréoscopiques (IB) a permis l’identification des différentes UP à l'échelle du bassin qui ont été reportées manuellement sur les images numérisées prétraitées afin d’obtenir une cartographie géolocalisée du bassin d’Agoufou en 1956.

Les données terrains n’étant pas disponibles pour valider la délimitation effectuée à partir des couples stéréoscopiques, l’expertise terrain sur le bassin d’Agoufou de Pierre Hiernaux a permis de valider la cartographie finale.

2.1.2. Les images satellites

Les images utilisées pour délimiter les unités paysagères sur la période actuelle sont les images GeoEye-1 du 7 Février 2011 à une résolution de 0.41 m pour la majorité du bassin versant et une image SPOT du 19 Mars 2004 à une résolution spatiale de 5 m pour l’extrême nord du bassin (5 % du bassin total n'est pas recouvert par GeoEye-1).

De la même manière que pour les photographies aériennes, la délimitation s’est faite manuellement afin de garder une cohérence et une homogénéité dans l'identification des unités paysagères quitte à dégrader l’information des images satellite.