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4. Application de l’EdE GC-PC-SAFT aux composés soufrés

4.5. Prédiction des propriétés de mélanges

4.5.4. Les systèmes sulfure + 1-alcool

Les données concernant ces systèmes sont rares dans la littérature. Nous avons inclus deux systèmes binaires de type sulfure + éthanol dans la base de validation. L’éthanol est considéré comme un groupe à part entière. Le jeu de paramètres ajusté par Soo et al. 70 est utilisé pour la prédiction : {m=2,2427, σ=3,2567, ε/kB=195,80, κAB=0,0318 ; εAB/kB=2553,1,

xpm=0,65}. Le schéma associatif est également de type 2B.

Comme pour l’atome O des molécules éther-oxydes (R-O-R’), l’atome S dans les sulfures dispose de deux doublets libres (donneur d’électrons). Les calculs de chimie quantique ont mis en évidence une liaison hydrogène du type OH…S (Houriez 71) pour le système binaire diéthyle sulfure + éthanol (C2-S-C2 + C2-OH), système représentatif des composés d'intérêt dans notre étude. Les calculs ont été réalisés à l'aide du logiciel Gaussian 09 72. Le dimère considéré présente une énergie d'interaction de 16,3 kJ.mol-1. En comparaison avec l’énergie d’interaction pour le dimère de l'éthanol (19,7 kJ.mol-1) 73, l’énergie de la liaison hydrogène OH…S apparaît légèrement plus faible, mais non négligeable par rapport à celle de la liaison du type OH…O. Wennmohs et al. 74 ont calculé l’énergie de la liaison hydrogène OH…S dans le dimère diméthyle sulfure + méthanol (C1-S- C1 + C1-OH) et celle de la liaison hydrogène OH…O dans le dimère diméthyle éther + méthanol (C1-O-C1 + C1-OH). Ils ont obtenu des résultats similaires : 22,8 kJ.mol-1 pour la liaison OH…S et 25,0 kJ.mol-1 pour la liaison OH…O. Letcher et Bricknell 44 ont déduit les énergies de liaison pour les systèmes binaires (C3-S-C3 + C3-OH et C3-O-C3 + C3-OH) à partir des données des enthalpies de mélange. Leurs résultats sont également similaires aux nôtres : 19,3 kJ.mol-1 pour la liaison OH…S et 19,9 kJ.mol-1 pour la liaison OH…O.

L’importance de prendre en considération la solvatation entre un composé auto- associatif (ex. alcool) et un composé (oxygéné) polaire non auto-associatif (ex. éther, ester et cétone) a été mise en évidence par plusieurs auteurs (Kleiner et Sadowski 75, Grenner et al 76 et Nguyen Huynh et al. 77) qui utilisent les EdEs SAFT. Cependant, la modélisation de cet effet est plus compliquée, car les paramètres d’association des composés non auto-associatifs ne peuvent pas être ajustés sur les données de corps purs. Nous présentons 3 exemples d’approches issus de la littérature :

1. Kleiner et Sadowski 75 ont utilisé l’EdE PC-SAFT combiné avec le terme dipolaire de Gross et Vrabec 12. Le schéma associatif des composés polaires est de type 2B (un site donneur et un site accepteur d’électrons). Il est à noter que ce schéma ne correspond toutefois

pas à la structure réelle. Ils ont supposé que le paramètre du volume d’association κAB du composé polaire non auto-associatif était égal à celui du composé auto-associatif et que le paramètre de l’énergie d’association εAB était nul. Le paramètre εAB nul rend l’auto-association impossible entre les molécules polaires. D’après la règle de combinaison (Eq. 4-27), l’énergie de solvatation est égale à la moitié de l’énergie d’association du composé auto-associatif.

p˜)nL= 1

2 p˜)n)+ p˜LnL) Eq. 4-27

2. Grenner et al. 76 ont utilisé l’EdE sPC-SAFT 49 sans terme polaire. Ils ont appliqué une approche similaire, mais ajusté le paramètre κAB du composé polaire à partir des données d’ELV. Le paramètre κAB du composé polaire joue un rôle semblable au paramètre d’interaction binaire kij dans le terme dispersif. Les auteurs ont corrélé des données d’ELV de

mélanges en ajustant un seul paramètre (kij ou κAB). La comparaison a montré que l’ajustement

du paramètre κAB permettait de mieux représenter les données d’ELV de mélanges.

3. Nguyen Huynh et al. 46,77 ont utilisé l’EdE GC-PC-SAFT-NH (ainsi que deux autres versions de SAFT : SAFT-0 et SAFT-VR). Ils ont supposé que les paramètres d’association (κAB et εAB) des composés polaires (les esters 77, les éthers, les cétones et les aldéhydes 46) étaient identiques à ceux des composés auto-associatifs (alcool). Cette hypothèse est valable, car seuls des composés oxygénés ont été étudiés dans leurs articles. L’atome O dans les composés polaires n’est que donneur d’électrons. Au maximum 2 liaisons sont admises entre deux molécules de différents types. La comparaison a montré qu’une seule liaison admise permettait d’obtenir les meilleurs résultats pour les mélanges étudiés.

Parmi ces 3 approches, les approches 1 et 3 sont prédictives. Dans notre cas, l’atome de soufre (S) dans les composés soufrés (polaires) est différent de celui dans les composés auto- associatifs (O). De fait, nous ne pouvons pas appliquer directement l’approche 3. Comme nous avons mentionné que l’énergie de la liaison OH…S est plus faible que celle de la liaison OH…O, l’hypothèse proposée par l’approche 1 aux paramètres d’association nous semble plus raisonnable. Ainsi, notre approche est la suivante : ŸÚ˜n = ŸÛ²˜n et pÚ˜n = 0. Une seule liaison est admise entre les groupes S et OH. Egalement nous comparons les résultats avec ceux obtenus par notre modèle sans considérer la solvatation.

Les DAMs obtenues à partir des prédictions sont présentés dans la Figure 4-48. Les pressions de bulles sont prédites par deux EdEs avec des DAMs inférieures à 5%. En ce qui concerne l’EdE GC-PC-SAFT, la prise en compte de la solvatation n’améliore pas forcément la prédiction. La différence des DAMs de Pbulle est faible (< 0,5%) pour tous les 3 systèmes.

L’EdE SRK-MHV2-UNIFAC prédit de manière plus précise les données d’ELV du système C1-S-C1 + C2-OH (DAM Pbulle < 1%). Néanmoins, cette bonne performance n’est pas

observée pour les prédictions deux autres systèmes.

Figure 4-48. DAM de Pbulle des systèmes sulfure + 1-alcool. Prédiction effectuée par l’EdE

GC-PC-SAFT sans ou avec solvatation et l’EdE SRK-MHV2-UNIFAC.

Les diagrammes de phases des 3 systèmes sont tracés dans les Figures 4-49, 4-50 et 4- 51Figure 4-51. L’impact de la solvatation sur la prédiction des pressions de bulle est bien pris en compte par notre modèle. La solvatation renforce les interactions attractives, par conséquent réduit la pression à l’échelle macroscopique. Quant à l’EdE SRK-MHV2- UNIFAC, la reproduction du diagramme de phases du système C1-S-C1 + C2-OH est très précise. Toutefois, ce modèle surestime les pressions pour les deux autres systèmes.

0% 1% 2% 3% 4% 5%

C1SC1+C2OH C2SC2+C2OH C2SC2+C3OH

D A M P bu ll e

GC-PC-SAFT sans solvatation GC-PC-SAFT avec solvatation SRK-MHV2-UNIFAC

Figure 4-49. Equilibre Liquide-Vapeur du système C1-S-C1 (1) + C2-OH (2). Données mesurées par Sapei et al. 38 (méthode SynT, y calculé par l’EdE SRK 59). (□) 350,40 K ; (—) GC-PC-SAFT sans solvatation ; (˗ · - · -) GC-PC-SAFT avec solvatation ; (- -) SRK-MHV2- UNIFAC.

Figure 4-50. Equilibre Liquide-Vapeur du système C2-S-C2 (1) + C2-OH (2). Données mesurées dans ce travail (méthode AnT). (□) 343,13 K ; (—) GC-PC-SAFT sans solvatation ; (˗ · - · -) GC-PC-SAFT avec solvatation ; (- -) SRK-MHV2-UNIFAC.

0 1 2 3 4 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 P [b a r] x1, y1 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 P [b a r] x1, y1

Figure 4-51. Equilibre Liquide-Vapeur du système C2-S-C2 (1) + C3-OH (2). Données mesurées par Sapei et al. 41 (méthode AnP). (□) 358,15 K ; (—) GC-PC-SAFT sans solvatation ; (˗ · - · -) GC-PC-SAFT avec solvatation ; (- -) SRK-MHV2-UNIFAC.

A la lumière de ces 3 diagrammes de phases, nous pouvons observer que l’approche avec solvatation a tendance à mieux prédire les diagrammes lorsque les mélanges sont riches en sulfure. En revanche, l’approche sans solvatation prédit mieux le comportement des mélanges riches en alcool. Notre explication est la suivante : La présence majeure des molécules fortement associatives (les alcools) rend les interactions associatives prédominantes par rapport aux interactions polaires. Les interactions dipôle-dipôle entre les molécules de sulfure et d’alcool peuvent être partiellement substituées par la solvatation. Ces deux types d’interactions sont traités séparément par le modèle et peuvent être « comptées » deux fois. Ceci a pour conséquence de prédire des pressions plus basses (nous surestimons les interactions attractives entre les molécules). Dans des mélanges riches en sulfure, l’influence des molécules d’alcool sur les molécules de sulfure est atténuée.

Les données des enthalpies de mélange du système C3-S-C3 + C3-OH et les prédictions par l’EdE GC-PC-SAFT (avec ou sans solvatation) sont présentées dans la Figure 4-52. Les DAMs obtenues par les deux approches sont similaires, soit 9,2% sans solvatation et 10,3% avec solvatation. Comme décrit précédemment, chaque approche prédit mieux une partie du diagramme. 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 1.1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 P [b a r] x1, y1

Figure 4-52. Enthalpie de mélange hM du système C3-S-C3 (1) + C3-OH (2). Données mesurées par Letcher et Bricknell 44. (□) 298,15 K ; (—) GC-PC-SAFT sans solvatation ; (˗ · - · -) GC-PC-SAFT avec solvatation.

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 h M [J .m o l -1] x1