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1.4 Etat de l’art

1.4.1 Les systèmes de soins hospitaliers

La modélisation et l’analyse de la performance des systèmes de soins hospitaliers est un sujet qui a été largement abordé dans la littérature (Jun et al., 1999; Augusto et Xie, 2006; Bhattacharjee et Ray, 2014; Günal et Pidd, 2010; Khudyakov et al., 2014).

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Figure 1.2 – Evolution du nombre de places de structures résidentielles depuis 2011 (Muller, 2017)

Lorsque que l’on souhaite analyser la performance d’un système, la phase de modélisation est indispensable pour comprendre le fonctionnement du système, faciliter les échanges entre les différents acteurs du projet (par exemple médecins et logisticiens), identifier les indicateurs de performance et préparer à la simulation (Augusto, 2008).

Modélisation des systèmes

Il existe plusieurs langages de modélisations utilisés dans des applications du contexte de la santé (Trilling et al., 2004),chacune ayant leurs avantages et leurs inconvénients. Par exemple, la méthode SADT (Structured analysis and Design Technics) est une analyse fonctionnelle descendante développée par Ross et Schoman (1977) et étendue dans Ross (1985). Cette analyse est composée de plusieurs diagrammes (hiérarchisés) allant de la

représentation la plus générale (niveau A0) à la plus détaillée (Aij ou chaque fonction i

peut être divisée en j sous fonctions). Cette représentation décrit un système en différents process en distinguant les flux d’entrées et les flux sortants ainsi que les ressources néces- saires et les contraintes. L’avantage de la structure hiérarchisée est de pouvoir représenter chaque fonction à un niveau de détail pertinent. Cependant cette méthode présente plu- sieurs inconvénients. En effet cette méthode ne possède pas d’opérateurs booléens (ET, OU, etc) ni de différence formelle entre les flux (par exemple flux de patients ou de ma- tériel). Cette méthode a été utilisée dans le contexte hospitalier par Chaabane (2004) qui a modélisé le processus chirurgical de l’hôpital Lyonnais du quartier de la Croix Rousse. Un autre exemple de l’utilisation de la méthode SADT est la modélisation des flux de

32CHAPITRE 1. CONTEXTE DES SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES ET ÉTAT DE L’ART

Figure 1.3 – Tarifs d’hébèrgement à la journée des EHPAD (Muller, 2017) patients aux Urgences à l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca (El Oualidi et Saadi, 2013).

Un autre type de modèles utilisé est le modèle UML (Unified Modeling Language) qui pallie aux problèmes du SADT en proposant plusieurs vues (organisationnelles, tempo- relles) et diagrammes permettant de modéliser différents types de systèmes grâce à com- plémentarité de ceux-ci (Kim et al., 2003). L’avantage principal de ce langage est donc son universalité grâce à sa polyvalence et sa souplesse, mais sa mise en pratique peut-être difficile car l’utilisation est libre et donc risque de favoriser des erreurs. Certaines applica- tions ont utilisé UML pour modéliser des systèmes de soins comme Vasilakis et Kuramoto (2005) qui étudient l’activité de 3 chirurgiens travaillant au même instant. Ce type de modélisation est par exemple impossible avec un modèle SADT. Ce modèle a permis de réaliser par la suite une simulation.

Un réseau de Petri (développé par Petri (1962)) est un modèle mathématique et un langage de modélisation sous forme de graphe composé de places (formalisées par un rond) et de transitions (formalisées par un trait). Le modèle est composé de jetons qui peuvent représenter différents types d’entités (par exemple un patient, un lit, un médecin). Ces places et transitions sont reliées par des arcs (flèches). Le principe de base est que chaque place est obligatoirement suivie par une transition et inversement (sauf pour la première ou la dernière transition/place). La figure 1.4 représente un réseau de Pétri (sans jeton).

Figure 1.4 – Réseau de Pétri extrait de Augusto (2008)

Chaque transition ne peut être franchie que si la ou les places qui précèdent celle-ci possèdent au moins un jeton chacune. Dans ce cas la transition absorbe les jetons. Si une transition est franchie elle donne également un jeton ou plus (si indiqué) à toutes les places qui se trouvent à sa suite. Cette méthode permet une modélisation rigoureuse et met en évidence certains comportements du système grâce à sa formulation mathématique (qui

1.4. ETAT DE L’ART 33 ne sera détaillée dans cette thèse). Les inconvénients sont cependant une complexité qui rend rapidement les réseaux illisibles ainsi que la difficulté de compréhension pour une personns ne maîtrisant pas totalement ce langage (par exemple un médecin). Les réseaux de Pétri ont été utilisés par exemple par Celano et al. (2006) dans le cadre département de radiologie. Ganiyu et al. (2015) a utilisé un réseau de Pétri coloré pour modéliser l’accueil d’un centre de santé (l’enregistrement et la salle d’attente). Un réseau de Pétri coloré permet de faire une distinction entre les entités, dans ce cas les patients ambulatoires (qui ne restent que la journée) et les autres. Les auteurs arrivent à simuler le centre d’accueil avec des résultats similaires à la réalité, ce qui valide leur modèle. Hamana et al. (2016) proposent également de modéliser le système d’information d’un territoire de soins pour mesurer son impact sur les parcours de soins des patients d’un territoire. Ils créent pour cela une nouvelle classe de réseaux de Pétri (Le THIS).

Le langage de modélisation BPMN (Buisiness Process Model Notation) est une no- tation qui permet de modéliser fidèlement des processus et qui inclut des concepts déjà établis dans les langages proposés précédemment, comme les diagrammes d’activité de la modèlisation UML (Specification, 2006). Le BPMN peut à la fois décrire les processus et les collaborations entre les acteurs. De nombreuses modélisations dans le domaine de la santé ont été faites grâce à ce langage (Ruiz et al., 2012), on peut citer notamment Svagård et Farshchian (2009) qui ont modélisé des parcours de soins dans un hôpital en Norvège ou encore Strasser et al. (2011) qui soulignent l’utilité du BPMN pour définir les parcours de soins et de déterminer les causes des problèmes tels que les surcoûts médicaux. D’autres types de modélisations comme GRAI (Graphes et Réseaux d’Activités Inter- reliées) proposent une modélisation dans le but de faciliter la prise de décision (Dou- meingts, 1984). Cependant un inconvénient de cette méthode est de ne pas être entre la vue décisionnelle et la vue des processus. Besombes et Merchier (2004) ont utilisé cette mé- thode à l’occasion du regroupement des activités chirurgicales au CHU de Saint-Etienne. ARIS est un autre cadre de modélisation avec plusieurs vues (organisation, Fonctions, Données et Contrôles) elles mêmes divisées en plusieurs diagrammes, comme les proces- sus ou les flux de données. La possibilité de modéliser ces flux différents est un avantage à la méthode. Elle fut utilisé par Hamana et al. (2015) pour comparer l’impact de la modernisation des systèmes d’information sur la performance de deux hôpitaux : un très modernisé (Lyon) et un peu modernisé (Sens). L’analyse des résultats a été obtenue grâce à un modèle de Simulation à Évènement Discrets.

Résolution des systèmes

La modélisation peut se contenter de décrire un système pour analyser son fonction- nement. Cependant, pour juger un modèle sur son efficacité, il est souvent opportun de le convertir en modèle de simulation comme dans bon nombre d’études citées dans la section précédente. Passer de la modélisation à la simulation demande une expertise technique que les praticiens médicaux n’ont généralement pas. C’est pourquoi certaines études proposent des cadres de modélisation afin de construire automatiquement des modèles complexes et de les résoudre. C’est le cas de Augusto et Xie (2014) qui utilisent une formalisation UML pour pouvoir modéliser fidèlement les services d’un hôpital (ici une pharmacie) avec les professionnels de santé. Ce modèle est ensuite converti automatiquement en un réseau de Petri qui permettra, de générer des plannings, d’analyser la performance à l’aide de simu- lation à évènements discrets ; la figure 1.5 présente cette méthodologie. D’autres cadres

34CHAPITRE 1. CONTEXTE DES SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES ET ÉTAT DE L’ART de modélisation ont été proposés comme Montreuil et al. (2007) qui utilisent un modèle multi-agents.

Figure 1.5 – Cadre de modélisation de Augusto et Xie (2014)

Des travaux de simulation étudient particulièrement la problématique des personnes âgées. C’est le cas de El-Darzi et al. (1998) (et El-Darzi et al. (2000)) qui abordent le problème de la gestion des flux de patients dans le contexte d’un département gériatrique similaire à celui de la filière gériatrique. Il est composé de trois services qui sont (i) "Acute Care" (qui représente le CSG), (ii) Rehabilitative Care (qui représente le SSR) et (iii) "Long Stay" (qui représente l’USLD). Le but de ce modèle est d’étudier les files d’attente entre les différents services et de réduire le phénomène de bed-blocking, (les patients bloqués dans un service faute de lits d’aval disponibles). La méthode utilisée pour modéliser ce problème est un modèle de files d’attentes présenté par la figure 1.6 où pour le "Acute Care" les patients sont rejetés s’il n’y a pas de lit disponible. Pour les deux autres services, l’admission ("Rehabilitative" et "Long Stay") se fait via une file d’attente. Après chaque service, il y a un taux de patients qui nécessitent un passage au service suivant tandis que les autres quittent le système. Pour le "Long Stay" le patient quitte obligatoirement le système. Les indicateurs utilisés sont le nombre de patients refusés, le nombre moyen de patients dans les files d’attentes ainsi que le temps moyen d’attente.

Taylor et al. (2000) ont utilisé un modèle Markovien à 6 compartiments pour pré- dire les parcours de soins et ainsi aider les praticiens à ajuster leurs besoins en lits. Les compartiments étaient à la fois des services d’hospitalisation (CSG, SSRG et SSRGR) mais également de solutions de soins de longue durée comme l’hospitalisation à domicile ou les structures résidentielles (type EHPAD). Un dernier compartiment représentait le décès. Chaussalet et al. (2006) ont également modélisé ces trois services hospitaliers avec un réseau de files d’attente et ont observé un impact lorsque l’on change les paramètres comme le taux de service par lit et le nombre de lits ainsi que les transitions entre les services. La théorie des files d’attente a également été utilisée par Gorunescu et al. (2002) pour étudier les corrélations entre le nombre de lits, le nombre de patients refusés, l’oc- cupation des services et les coûts. Les auteurs ont trouvé qu’augmenter le nombre de lits permettait de diminuer le nombre de patients refusés mais détériorait l’occupation des services. Un problème similaire a été développé par Pehlivan et al. (2014) où la théorie

1.4. ETAT DE L’ART 35

Figure 1.6 – Modèle de base de (El-Darzi et al., 1998)

des files d’attente a été utilisée pour modéliser et optimiser un réseau d’hôpitaux périna- taux en prenant en compte les coûts et les refus. Belciug et Gorunescu (2015) ont amélioré leur modèle avec un algorithme génétique mixé avec des files d’attente où les chromosomes étaient le nombre alloué de lits dans chaque service, les taux d’arrivées ainsi que les durées de séjour. La fonction à minimiser était la somme des coûts d’hospitalisation. De Bruin et al. (2010) ont utilisé un modèle de perte d’Erlang pour dimensionner des départements hospitaliers de spécialités différentes et ont trouvé que les plus gros services permettent de diminuer les taux de refus et augmentent les taux d’occupations. Ces résultats avaient déjà été trouvés par De Bruin et al. (2007) qui ont étudié la relation entre deux services (les premiers soins cardiaques et unités de soins coronaires) avec une file d’attente et un processus de Markov à deux dimensions. Le but était de trouver le nombre de lits optimal pour chaque service.

Le service hospitalier le plus étudié est le service des Urgences car il est stratégique pour tout hôpital (Takakuwa et Shiozaki, 2004; Duguay et Chetouane, 2007). Glaa et al. (2006) simulent l’activité au service des urgences grâce à la simulation à évènements discrets en ayant préalablement modélisé ce service avec la méthode GRAI. Miller et al. (2003) testent les performances d’un chantier 6 sigmas effectué dans le département des urgences où chaque idée représente un scénario de la simulation. Sinreich et Marmor (2004) proposent un modèle générique susceptible de s’adapter à chaque service d’urgence. Pour cela certains paramètres peuvent être ajustés pour correspondre à chaque hôpital (personnel, taille).

On peut également trouver des modèles de simulation qui traitent des blocs opératoires comme Centeno et al. (2001) où les auteurs testent les planifications des patients réguliers en incorporant des patients urgents. Le problème de l’ambulatoire (quand le patient ne reste qu’une journée à l’hôpital par exemple pour certaines chirurgies ou les hôpitaux de jour) est également largement étudié (Cayirli et Veral, 2003). Le but est de proposer des règles de rendez-vous aux patients pour éviter l’inactivité des médecins entre deux consultations (ou opérations) tout en limitant l’attente des patients (Wijewickrama et

36CHAPITRE 1. CONTEXTE DES SOINS AUX PERSONNES ÂGÉES ET ÉTAT DE L’ART Takakuwa, 2005; Wijewickrama, 2006; Takakuwa et Katagiri, 2007).