Partie I. Généralités
6. Structure et dynamique du génome de H. pylori
6.2. Structure génétique de H. pylori
6.2.4. Mécanisme générant la diversité génétique
6.2.4.4. Systèmes de réparation de l’ADN
Plusieurs grands systèmes de réparation de l’ADN existent au sein des procaryotes. Ils
permettent (Figure 19):
- la correction des mutations spontanées (réparation des mésappariements ou
« mismatch repair »),
- l’inhibition de la variation du nombre de répétitions de séquences par
glissement des brins d'ADN (réparation des mésappariements),
- la réparation des dommages liés au radicaux libres et aux agents alkylants
(réparation par excision de nucléotides ou « nucleotide excision repair » ; réparation par
recombinaison ; réparation par excision de base ou « base excision repair »),
- la prévention des recombinaisons illégitimes (réparation des mésappariements ;
Tous ces évènements surviennent au cours de la réplication de l’ADN et du
métabolisme cellulaire. Sans ces mécanismes de réparation de l’ADN, l’accumulation de
mutations délétères peut devenir incompatible avec la survie de la bactérie. L’absence de
certains homologues de gènes impliqués dans la réparation de l’ADN chez H. pylori et
communs à la plupart des espèces bactériennes contribue à la grande diversité génétique de la
bactérie (Alm and Trust 1999).
Figure 19. Systèmes de réparation de l’ADN au sein des procaryotes.
D’après Kang et Blaser (Kang and Blaser 2006)
6.2.4.4.1. Réparation des mésappariements
Des analyses des séquences génomiques de souches de H. pylori ont montré que H.
pylori ne possède pas les homologues de la plupart des gènes permettant la réparation de
l’ADN : aucun composant putatif du système de réparation des mésappariements (SRM) n'a
(Humbert et al. 1995; Schofield and Hsieh 2003). H. pylori génère de façon continue des
mutations, des recombinaisons, des variations de phase, en raison d’un SMR incomplet.
6.2.4.4.2. Réparation par excision de nucléotides
H. pylori possède des homologues des 4 composants du système de réparation par
excision de nucléotides (NER), UvrA, UvrB, UvrC et UvrD (Kang and Blaser 2006). Ce
système reconnaît et répare les diverses lésions de l’ADN résultant d’une exposition aux UV,
aux agents alkylants ou intercalants. Des mutants NER ont une sensibilité augmentée aux
lésions de l’ADN (Abril et al. 1992). L’environnement de H. pylori étant riche en radicaux
libres (Normark et al. 2003), ce système est important pour le réparer et pour limiter les
mutations. La relative homologie entre H. pylori UvrD et UvrD des bactéries extrémophiles,
Thermotoga maritima et Aquifex aeolicus, pourrait refléter une évolution convergente
d’organismes habitant un environnement génotoxique (Kang and Blaser 2006).
6.2.4.4.3. Réparation par excision de base
Le système de réparation par excision de base (BER) implique des glycosylases telles
que MutY, MutM, Ung, des AP endonucléases telles que Xth et Nfo, qui reconnaissent et
réparent un dommage au niveau d’une base de l’ADN. H. pylori possède des homologues de
l’ensemble de ces enzymes sauf Nfo (Kang and Blaser 2006). Le système BER est crucial
pour la réparation de dommages oxydatifs causés à une ou plusieurs bases de l’ADN (Huang
et al. 2006). Comme ce système peut reconnaître et corriger ces mutations, il pourrait jouer un
rôle très important pour préserver l’intégrité du génome de H. pylori qui est déficient en SMR.
Chez des organismes autres que H. pylori, il a été montré que les subpopulations
mutantes sont les produits d’une adaptation à un environnement difficile et que
l’accumulation de mutations dans des conditions favorables désavantage progressivement le
phénotype mutant. Les glycosylases pourraient jouer un rôle majeur dans cet équilibre par un
mécanisme de variation de phase (Kang and Blaser 2006). Des données génétiques et
expérimentales montrent un mécanisme de variation de phase pour le gène mutY (Huang et al.
2006), pouvant générer une inactivation de l’expression du gène (phénotype « off ») et donc
une hypervariabilité génétique. Une population bactérienne pourrait donc vivre dans un
équilibre dynamique, avec deux subpopulations de phénotype génétiquement hypervariable
ou non, la balance étant déterminée par le bénéfice ou le coût résultant de la diversité
génétique.
6.2.4.4.4. Réparation par recombinaison
L’annotation des génomes de H. pylori a permis d’identifier une quantité limitée de
gènes liés au système de réparation par recombinaison, parmi lesquels un homologue de RecA
(Alm and Trust 1999). Certains systèmes de recombinaison connus chez E. coli sont soit
absents du génome de H. pylori, soit présents de façon rudimentaire. H . pylori ne possède pas
les homologues des recombinases, TecBCD, RecF, RecO, RecQ, SbcC et SbcD, suggérant
une susceptibilité plus élevée aux agents responsables de lésions de l’ADN et aux
réarrangements génétiques aberrants. Cependant, H. pylori possède les homologues RecG,
RuvA et RuvB.
Aucun composant putatif du système de réparation des mésappariements n'a pu être
identifié (système mutS1/mutL/mutH retrouvé chez E. coli). Toutefois, la protéine codée par
l'ORF HP0621 présente une homologie avec les protéines MutS, ce qui pose la question de sa
fonction. Ne présentant pas toutes les caractéristiques des protéines MutS1, elle a été rattachée
à la famille MutS2. Ces protéines ATPasiques participent au contrôle du crossing-over au
cours de la méiose chez les eucaryotes, mais elles n'ont pas de fonction connue chez les
procaryotes. Pour tester un éventuel rôle d'HpMutS2 dans le SMR, le taux de mutation du
gène conférant la résistance à la rifampicine, un gène essentiel à la bactérie, a été estimé chez
une souche de H. pylori sauvage et chez une souche dont le gène HP0621 a été inactivé (Pinto
et al. 2005). La même expérience a été réalisée pour un gène non essentiel (gène conférant la
résistance au métronidazole). Dans un cas comme dans l'autre, aucune différence dans le taux
de mutation n'a été observée entre les souches sauvages et mutées, indiquant que MutS2 ne
participe pas au SMR. Des expériences de transformation de H. pylori par des séquences
d'ADN ayant des degrés d'homologie variés avec son génome ont été réalisées. Étonnamment,
les recombinaisons homologues sont 3 à 21 fois plus fréquentes dans les souches mutées pour
HpMutS2 que dans les souches sauvages, suggérant que cette protéine est impliquée dans
l'inhibition de la recombinaison homologue. De manière intéressante, un plus faible degré
d'homologie des régions de recombinaison (jusque 26 % de divergence) n’affecte pas
l’efficacité de ce mécanisme. Il a de plus été montré que HpMutS2 inhibe les échanges de
brins d’ADN catalysés par la protéine RecA de façon indépendante du degré d’homologie
entre les séquences, confirmant que HpMutS2 agit sans distinction sur des séquences
homologues et hétérologues. MutS2 pourrait donc contrôler la plasticité du génome en
régulant l’intégration d’ADN exogène dans le chromosome bactérien et en limitant la
réorganisation de séquences à l’intérieur du chromosome. La fonction exacte de HpMutS2 et
la nécessité de cofacteurs restent à déterminer.
Dans le document
Helicobacter pylori : migrations humaines et cancer gastrique
(Page 85-89)