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Les flagelles et le chimiotactisme

Partie I. Généralités

5. Les déterminants des pathologies associées à l’infection par H. pylori

5.3. Facteurs de virulence bactériens

5.3.2. Adaptation à l’environnement gastrique

5.3.2.1. Les flagelles et le chimiotactisme

La mobilité de H. pylori est un facteur indispensable à la colonisation de la muqueuse

gastrique par la bactérie. Des mutants aflagellés de H. pylori sont incapables de persister dans

la muqueuse gastrique de porcelets mais génèrent une réponse immunitaire témoignant de leur

survie transitoire dans l'estomac (Eaton et al. 1992). H. pylori possède 5 à 7 flagelles polaires

engainés de 3 μm de long et une morphologie spiralée qui lui permettent, lors de son

ingestion, d'abréger son séjour dans le suc gastrique, de pénétrer dans la couche de mucus et

de s'y mouvoir. La mobilité de H. pylori dans le mucus gastrique est assurée par la machinerie

flagellaire dont la fonctionnalité requiert l'expression d'une quarantaine de gènes identifiés

dans le génome de H. pylori (Tomb et al. 1997).

L'appareil flagellaire se décompose en trois éléments : i) un corps basal qui sert

d'ancrage à la membrane bactérienne et porte les constituants du moteur flagellaire et certains

éléments de chimiotactisme, ii) le crochet (constitué par la polymérisation de la protéine

FlgE) qui relie le corps basal aux filaments flagellaires, et iii) les filaments flagellaires. Les

filaments flagellaires de H. pylori sont constitués par la polymérisation de deux sous-unités

d'environ 53 kDa : la flagelline majeure FlaA (codée par flaA) et la flagelline mineure FlaB

(codée par flaB), retrouvées uniquement à la base du filament (Kostrzynska et al. 1991). Des

expériences in vivo et in vitro d’inactivation des gènes flaA ou flaB montrent qu’ils sont tous

les deux nécessaires à la mobilité de la bactérie (Josenhans et al. 1995; Eaton et al. 1996). Le

gène fliD qui code pour une protéine homologue HAP-2 (famille des protéines associées au

crochet pour « hook-associated proteins ») intervient dans la morphogénèse des filaments

flagellaires et plus spécifiquement dans l’élongation. Une souche dont le gène fliD a été

inactivé est incapable de coloniser la muqueuse gastrique de la souris (Kim et al. 1999).

L’inoculation de souches de H. pylori dont le gène flgk (codant pour une protéine de la famille

des protéines associées au crochet) a été inactivé ou l’inoculation d’une souche sauvage après

l’immunisation de la souris par la protéine recombinante Flgk diminue la capacité de

colonisation de la muqueuse gastrique par cette bactérie, suggérant que le flagelle et ses

constituants sont des cibles potentielles pour le développement de vaccins (Wu et al. 2006).

Une souche de H. pylori inactivée dans le gène motB dont le produit fait partie du moteur

flagellaire a été contruite. Elle possède des flagelles mais ne présente aucune mobilité et

colonise la muqueuse gastrique murine avec une efficacité moindre que la souche parentale et

présente un désavantage sélectif lors d'une compétition avec cette souche (Ottemann and

Lowenthal 2002). L’analyse du transcriptome à pH acide montre une augmentation de

l’expression de certains gènes impliqués dans la mobilité et le chimiotactisme (Merrell et al.

2003; Wen et al. 2003; Bury-Mone et al. 2004), suggérant la nécessité pour la bactérie de fuir

rapidement l’acidité extrême pour un environnement plus favorable.

5.3.2.2. L’uréase

H. pylori exprime une métalloenzyme à nickel de localisation cytoplasmique, l’uréase,

produite en quantité abondante (6 à 10 % des protéines totales). Elle hydrolyse l'urée présente

dans l'environnement gastrique en permettant la production d'ammoniac et de dioxyde de

carbone. L’ammoniac produit par l’uréase capte un proton pour former l’ammonium, ce qui

permet à la bactérie de maintenir son pH intracellulaire proche de la neutralité. La production

d’ammonium participerait également à l’endommagement de la barrière épithéliale gastrique

afin de récupérer des nutriments et des ions essentiels (Smoot et al. 1990).

L'uréase est codée par un opéron bicistronique comprenant les gènes de structures de

l'apoenzyme (ureA et ureB) et cinq gènes (ureIEFGH) dont les produits participent à

l'activation de l'apoenzyme par incorporation des ions nickel. Des données de cristallographie

montrent que l'uréase de H. pylori forme un complexe dodécamérique [(UreAUreB)

3

]

4

contenant 12 sous-unités catalytiques (UreB) fixant chacune 2 ions de nickel (24

ions/molécule) et formant un complexe sphérique extrêmement compact, conférant à l'enzyme

Figure 9. Structure tridimensionnelle de l’uréase de H. pylori

D’après Ha et al. (Ha et al. 2001)

A. Unité trimérique de dimères des protéines UreA et UreB - Les dimères (UreA-UreB) ont

des couleurs différentes. L’un des dimères est représenté par une sous-unité UreB bleue et une

sous-unité UreA dont l’extrémité N terminale est rouge, l’extrémité C terminale est magenta

et l’extension responsable de la formation des tétramères est jaune.

B. Structure supramoléculaire [(UreA-UreB)

3

]

4

- Les quatre trimères (UreA-UreB)

3

sont

Une des caractéristiques uniques de l'opéron uréasique de H. pylori est liée à la

présence du gène ureI codant une protéine membranaire qui forme au niveau de la membrane

cytoplasmique un pore à urée qui s'ouvre à pH acide permettant le transport efficace de l'urée

et donc une adaptation rapide à un environnement acide (Weeks et al. 2000). L'uréase et la

protéine ureI sont essentiels pour la colonisation de la muqueuse gastrique de différents

modèles animaux (Ferrero et al. 1992; Eaton and Krakowka 1994; Skouloubris et al. 1998;

Bury-Mone et al. 2001; Mollenhauer-Rektorschek et al. 2002).

5.3.2.3. La réponse à l’acidité

L’influence du pH acide sur la transcription des gènes, reflet de la dynamique de la

réponse adaptative de la bactérie à son environnement, a été étudiée en détail par des analyses

de transcriptome (Merrell et al. 2003; Wen et al. 2003; Pflock et al. 2006). Cependant, la

complexité de la réponse in vivo à des variations de pH est difficile à transposer in vitro,

expliquant probablement les différences qualitatives et quantitatives retrouvées entre les

différentes études: environ 100 à 280 gènes selon les études ont une expression modifiée.

La réponse à l’acidité est caractérisée par la mise en œuvre de mécanismes de

protection [pour une revue (de Reuse and Bereswill 2007)]: i) augmentation de l’expression

de certains gènes impliqués dans la mobilité et le chimiotactisme (cf Partie I. Généralités :

5.3.2.1. Les flagelles et le chimiotactisme), ii) maintien de son pH intracellulaire par

l’augmentation de la transcription de gènes codant pour des enzymes générant l’ammoniac,

l’uréase (UreA) et les amidases aliphatiques (AmiE et AmiF), iii) diminution de la

transcription de gènes codant pour des protéines transmembranaires telles que des

transporteurs, perméases ou des protéines de la membrane externe (OMP pour « outer

membrane protein ») entraînant une diminution des influx transmembranaires (protons, ions

sodiques), iv) protection contre l’accumulation d’ions métalliques, principalement le nickel et

le fer (à pH acide, leur solubilité est augmentée. L’expression des protéines impliquées dans

le stockage est augmentée et l’expression des protéines impliquées dans l’import de nickel,

NixA, et du fer, FecA, est diminuée), et v) augmentation de l’expression de la protéine VacA

et de l’adhésine SabA à pH neutre, ce qui optimiserait leurs actions à proximité de la cellule

gastrique.

Par rapport à d’autres bactéries, H. pylori possède un nombre restreint de régulateurs

transcriptionnels (Tomb et al. 1997; Alm et al. 1999). Au moins, trois régulateurs

transcriptionnels ont été identifiés comme impliqués dans la réponse adaptative à l’acidité :

NikR, Fur et ArsRS [pour une revue (de Reuse and Bereswill 2007)]. Ces protéines présentent

la particularité d’être des régulateurs pleiotropiques en agissant sur des catégories

fonctionnelles de gènes très diverses. Les protéines NikR et Fur sont deux métallorégulateurs

sensibles respectivement à la concentration intracellulaire en nickel et en fer. Une analyse de

transcriptome d’un double mutant ∆nikR-∆fur indique une modification de l’expression de 36

gènes à pH acide contre 105 pour la souche sauvage, montrant le rôle central joué par ces

deux régulateurs dans la réponse à l’acidité. Fur et NikR sont tous les deux importants pour

une colonisation optimale de la muqueuse gastrique de la souris. Le système à deux

composants ArsRS chez H. pylori est composé des protéines ArsS et ArsR. Un pH acide

induirait un signal responsable de l’autophosphorylation de la protéine kinase ArsS. Le

groupement phosphate est ensuite transféré à la protéine ArsR, laquelle régule l’expression de

gènes cibles. Des études de mutagénèse ont montré qu’ArsS est indispensable à la

colonisation de la souris et qu’ArsR est essentielle à la croissance in vitro de H. pylori.

Cependant, une souche exprimant une protéine ArsR dont le site de phosphorylation a été

muté est viable, suggérant que ArsR sous sa forme non phospshorylée joue également un rôle

important. Les études de transcriptome mettent en évidence l’existence de réseaux de

régulation, d’autant plus complexes qu’il semble exister une hiérarchie entre ces régulateurs et

un chevauchement entre les régulons qu’ils définissent. A pH acide, l’expression de NikR

augmente, celles de Fur et ArsR diminuent. NikR contrôle négativement l’expression de Fur

et vice-versa. ArsR ne régule pas l’expression de NikR et Fur mais Fur réprime l’expression

de ArsR en réponse au fer.

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