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Systèmes mahlériens de plusieurs variables

Rappelons que, pour T := (ti,j)une matrice de taille n à coecients dans N et z := (z1, . . . , zn)une famille d'indéterminées, on note

T z :=   n Y j=1 zt1,j j , . . . , n Y j=1 ztn,j j   .

On s'intéresse dans ce chapitre aux systèmes mahlériens de plusieurs va-riables, de la forme    f1(z) ... fm(z)   = A(z)    f1(T z) ... fm(T z)    , (59)

où A(z) est une matrice inversible à coecients dans Q(z). Comme pour les fonctions d'une variable, la méthode de Mahler en plusieurs variables ne peut fonctionner qu'en un point algébrique qui ne soit pas une singularité du système. On étendra alors la terminologie dénie dans l'introduction. Dénition 6. Considérons un système T -mahlérien (59). On dit qu'un point α ∈ Cn est singulier, ou que c'est une singularité, s'il existe un entier k ∈ N tel que la matrice A(z) n'est pas dénie ou n'est pas inversible au point Tkα. On dit que le point est régulier s'il n'est pas singulier.

Dans le cadre de la méthode de Mahler en plusieurs variables, des condi-tions supplémentaires doivent être imposées à la matrice T et au point α an de garantir, d'une part, une convergence uniforme des coordonnées des points Tkα vers 0 et, d'autre part, la non nullité de certaines quantités aux points Tkα, k ∈ N.

Dénition 7. Soient T une matrice n×n à coecients dans N et α ∈ (Q?

)n. On dit que le couple (T, α) est admissible s'il existe deux réels ρ > 1 et c > 0 tels que les trois conditions suivantes sont satisfaites.

(a) Les entrées de la matrice Tk sont en O(ρk). (b) Pour tout k ∈ N on a log ||Tkα|| ≤ −cρk.

(c) Si g(z) ∈ C{z} est une fonction analytique non nulle, il existe une innité d'entiers k ∈ N tels que g(Tkα) 6= 0.

Ces conditions sont indispensables pour faire fonctionner la méthode de Mahler. Elles sont présentes dès les premiers travaux de Mahler, qui les a axiomatisées dans [73]. Nous discutons de ces trois conditions d'admissibilité dans l'appendiceA. Notons seulement, pour l'instant, que cela impose à la matrice T d'avoir un rayon spectral strictement supérieur à 1.

Dans ce chapitre, nous développons la méthode de Mahler pour les sys-tèmes réguliers singuliers. Notons Kb1 le corps des fractions de Q{z}, l'an-neau des fonctions analytiques à coecients dans Q. On appellera fonctions méromorphes les éléments de Kb1. Étant donné un entier d ≥ 1, on notera

b

Kd le corps des fractions de l'anneau Q{z1/d}, où z1/d = (z11/d, . . . , zn1/d). Les éléments du corpsK := ∪b d≥1Kbd seront appelée fonctions méromorphes ramiées.

Dénition 8. On dit qu'un système T -mahlérien est régulier singulier s'il existe une matrice Φ(z) ∈ GLm( bK)telle que Φ(z)−1A(z)Φ(T z) ∈ GLm(Q). Par extension, on dira qu'une fonction mahlérienne solution d'un système régulier singulier, est régulière singulière.

Autrement dit, un système régulier singulier est un système qui est conju-gué à un système constant, via un changement de jauge méromorphe ramié. L'étude des propriétés des systèmes réguliers singuliers est l'objet de la sec-tion 1 du chapitre IV. Notons que la dénition donnée ci-dessus est une généralisation de celle de Roques [95] pour les systèmes mahlériens d'une variable.

Nous obtenons alors un analogue du théorème de Nishioka, pour les sys-tèmes réguliers singuliers.

Théorème 14. Soient f1(z), . . . , fm(z) ∈ Q{z} des fonctions formant un vecteur solution d'un système T -mahlérien régulier singulier et soit α ∈ (Q?)n un point régulier pour ce système tel que le couple (T, α) est admis-sible. On a

deg.tr

Q(z)(f1(z), . . . , fm(z)) = deg.tr

Le théorème 14 représente une avancée importante sur la théorie des systèmes mahlériens de plusieurs variables. Il ne permet cependant pas de considérer des fonctions mahlériennes associées à diérentes transformations. Dans ce cadre, on établit le résultat suivant.

Théorème 15. Soit r ≥ 1 un entier. Pour chaque i, 1 ≤ i ≤ r, on considère un système mahlérien régulier singulier

   fi,1(Tizi) ... fi,mi(Tizi)   = Ai(zi)    fi,1(zi) ... fi,mi(zi)    (61.i)

où Ai(zi) est une matrice de GLmi(Q(zi)), Ti est une matrice à coecients entiers naturels, de rayon spectral ρ(Ti). Supposons que

(i) pour chaque i, αi∈ (Q?)ni soit un point régulier pour le système (61.i) et le couple (Ti, αi) soit admissible,

(ii) pour chaque paire (i, j), i 6= j, on ait log ρ(Ti)/ log ρ(Tj) 6∈ Q. Alors

deg.tr

Q(f1,11), . . . , fr,mrr)) = deg.tr

Q(z)(f1,1(z1), . . . , fr,mr(zr)) . Le théorème14 découle alors du théorème 15, quand r = 1.

Remarque 7. Supposons que certaines matrices aient des rayons spectraux deux à deux multiplicativement dépendants. On peut supposer, pour simpli-er les notations, que c'est le cas des matrices T1, . . . , Ts, s ≤ r. Alors il existe des entiers d1, . . . , dstels que les matrices Tdi

i , 1 ≤ i ≤ s, ont toutes le même rayon spectral. Itérons di fois chacun des systèmes (71.i), pour 1 ≤ i ≤ s. On peut regrouper ces s systèmes en un seul grand système T -mahlérien diagonal par blocs, où T := diag(T1, . . . , Ts). Comme nous le verrons au cha-pitreIV, ce système reste régulier singulier et le point α := (α1, . . . , αs) est encore régulier pour ce système. Le couple (T, α) satisfait aux conditions (a) et (b) de la dénition7. On peut alors appliquer le théorème15, en rempla-çant les s systèmes (71.i), 1 ≤ i ≤ s, par ce nouveau système, à la condition supplémentaire que la condition (c) de la dénition 7 soit satisfaite pour le couple (T, α).

En une variable, le théorème de Nishioka sert de base à la démonstration du théorème de Philippon et du théorème2. De même, pour les E-fonctions, le théorème de Beukers est basé sur le théorème de Siegel-Shidlovskii. Dans le cadre de la méthode de Mahler en plusieurs variables, on va voir qu'à l'inverse, on obtient le théorème15 de manière concomitante à un théorème de permanence des relations entre les fonctions T -mahlériennes.

Notation. Étant donné α ∈ Qn

, on désigne par Q(z)α,0 l'ensemble des éléments de l'anneau Q{z} qui sont algébriques sur Q(z), et dont le domaine de convergence contient le point α.

Théorème 16. Sous les hypothèses du théorème 15, donnons-nous pour chaque i, 1 ≤ i ≤ r, une famille d'indéterminées Xi := (Xi,1, . . . , Xi,mi), et posons z := (z1, . . . , zr) et α := (α1, . . . , αr). Alors, pour tout poly-nôme P ∈ Q[X1, . . . , Xr], homogène en chacune des familles de variables X1, . . . , Xr, et tel que

P (f1,11), . . . , fr,mrr)) = 0 ,

il existe un polynôme Q ∈ Q(z)α,0[X1, . . . , Xr], homogène en chacune des familles de variables X1, . . . , Xr, tel que

Q(z, f1,1(z1), . . . , fr,mr(zr)) = 0 , et

Q(α, X1, . . . , Xr) = P (X1, . . . , Xr) .

Si de plus Q(z, f1,1(z1), . . . , fr,mr(zr)) est une extension régulière de Q(z), alors, on peut choisir Q dans Q[z, X1, . . . , Xr].

Ce résultat est à rapprocher du théorème 2. Étant donnée une relation algébrique homogène entre les valeurs de fonctions formant un vecteur so-lution d'un système mahlérien, il montre que ces relations proviennent, par spécialisation, de relations algébriques de même degré entre les fonctions. Cependant, à la diérence du théorème 2, dans le théorème 16, les rela-tions sont relevées sur Q(z) et non sur Q(z). Obtenir une relation entre les fonctions sur Q(z) nécessiterait d'augmenter le degré de la relation. Si l'on souhaite obtenir une relation entre les fonctions sur Q(z), sans augmenter le degré de la relation, on doit pouvoir démontrer la régularité du corps Q(z, f1(z), . . . , fm(z))sur Q(z).

Après un survol des résultats existant autour la méthode de Mahler pour les systèmes de plusieurs variables, nous établirons, dans la section 2, les lemmes de zéros nécessaires à la démonstration du théorème 16, qui sera démontré dans la section 3. La section 4 est, quant à elle, consacrée à la démonstration du théorème15.

1 Aperçu historique de la méthode de Mahler en