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De 3 à 5 km

1.4.3. Résultats des méthodes d’intervention

La recherche agricole a longtemps travaillé pour l’amélioration de la productivité des céréales. Une prise de conscience de la faillite des méthodes de vulgarisation, illustrée par la faible productivité de l’agriculture, entraînera un changement de paradigme à la fin des années 90. Désormais, le producteur sera à la fois commanditaire et bénéficiaire des innovations agricoles. Il pilote la recherche et les innovations doivent correspondre à ses besoins. Les organisations paysannes sont responsabilisées et prennent en charge le transfert des technologies au niveau de leurs membres. La création de l’Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural consacre le passage d’une vulgarisation hiérarchique à un appui-conseil multipartite, donnant une place privilégiée au secteur privé. Les méthodes de transfert de technologies utilisées prennent en compte la centralité du producteur dans le dispositif.

Cependant, le conseil agricole et rural est aujourd’hui caractérisé par un manque de moyens qui empêche un bon maillage du territoire national afin d’informer les producteurs sur les nouvelles innovations agricoles. Les nouvelles variétés de céréales connaissent des taux d’adoption faibles (à l’exception du riz). Le faible maillage du territoire national par les CAR entraîne une faible diffusion des nouvelles variétés créées par la recherche. Des méthodes comme le Champs École Paysan ou la parcelle de démonstration s’avèrent efficaces en termes d’adoption car elles permettent au producteur de tester l’innovation dans son milieu mais elles sont rarement utilisées faute de moyens humains et financiers. Après la diffusion, le manque d’accompagnement du producteur entraîne aussi l’abandon des nouvelles variétés par les producteurs et un retour à leurs variétés traditionnelles. En effet, une fois la période de diffusion terminée, le producteur n’a plus d’interlocuteur pour approfondir sa connaissance de la nouvelle variété et maîtriser les itinéraires techniques conseillées.

Conclusion du chapitre

L’utilisation de semences certifiées est une condition indispensable à l’amélioration de la productivité agricole. Au Sénégal, une législation claire existe pour un développement de la filière semencière, avec une attribution bien définie des rôles et responsabilités. La réglementation sous régionale vient appuyer ce dispositif afin d’encourager l’implication du secteur privé dans la production, le contrôle de qualité, la commercialisation et la distribution des semences certifiées. Malheureusement, ce dispositif réglementaire tarde à être appliqué.

La génération des technologies agricoles, une étape du processus vers un accroissement de la productivité, doit aussi s’accompagner d’une bonne diffusion pour que les futurs utilisateurs disposent d’informations suffisantes facilitant leur adoption.

Le secteur agricole au Sénégal a connu des mutations, passant d’un interventionnisme à tous les niveaux, aux politiques de libéralisation menées à partir du début des années 1990. Ce désengagement de l’État a eu comme conséquence une déstructuration du système d’encadrement du monde rural et la fourniture d’intrants. Le principal enjeu de cette transformation de l’agriculture est la responsabilisation des organisations de producteurs et du secteur privé pour la prise en charge effective et efficiente de ces fonctions. Cela a donc abouti à l’émergence de nouveaux acteurs dans la filière semencière mais aussi dans la vulgarisation agricole, devenue appui-conseil pour mettre en exergue la centralité du producteur qui doit désormais guider la recherche agricole et la diffusion. Des organisations paysannes dynamiques se sont développées pour prendre en charge la production de semences certifiées ainsi que l’appui-conseil auprès de leurs membres. Des ONG et le secteur privé ont également fait leur apparition dans ce contexte de libéralisation et d’ouverture du secteur agricole. Ainsi, des acteurs multiples ont suppléé l’État dans les fonctions d’encadrement et de fournitures d’intrants, même si ce dernier garde son rôle de fournisseur de semences de prébases à travers l’ISRA. Ces acteurs interviennent souvent de manière désorganisée sur le terrain ce qui peut rendre inefficaces leurs actions pour l’adoption des technologies agricoles.

Il est ainsi nécessaire d’identifier les facteurs de cette adoption afin de mieux guider l’intervention de ces acteurs pour qu’ils atteignent les objectifs visés.

: Cadre méthodologique de l’adoption des semences certifiées de mil et de sorgho et leur impact

Un des précurseurs des études sur l’adoption des innovations technologiques est Rogers (1963, 2003), qui définit une innovation comme « une idée, une pratique ou un objet perçu comme nouveau par une personne ou une unité d’adoption ». Une des caractéristiques des innovations technologiques est qu’elles ne sont pas automatiquement adoptées après leur apparition, même si elles ont des qualités supérieures aux anciennes technologies. Le degré d’adoption est lié au niveau de diffusion qui est le processus par lequel une innovation est communiquée, à travers certains canaux, au cours du temps, aux membres d’un système social (Rogers, 2003).

L’adoption des innovations agricoles et son impact ont été étudiés dans la littérature. La plupart des études théoriques utilisent des modèles statiques qui relient le degré d’adoption aux facteurs qui l’affectent. L’objectif de ce chapitre est de présenter le cadre méthodologique de l’analyse des facteurs d’adoption de semences certifiées de mil et de sorgho et leur impact.

Le cadre général d’analyse est celui d’une fonction de production. Le reste du chapitre est organisé comme suit. D’abord, nous allons présenter le cadre général d’analyse, il sera suivi d’une revue théorique et empirique des modèles d’adoption des technologies agricoles et leur impact. Ensuite, nous allons passer à la présentation du modèle d’analyse des facteurs d’adoption. Celle-ci sera suivie de la présentation des modèles d’évaluation d’impact. Nous allons ensuite présenter les données et leurs sources avant de terminer par la conclusion.

2.1. Cadre général de l’analyse : fonctions et technologies de production

L’analyse de l’adoption et de l’impact des semences certifiées a comme cadre général la fonction de production. Celle-ci est définie de la manière suivante pour un agriculteur donné :

𝑄 = 𝑓(𝑋, 𝑍, 𝑇) (2.1)

Q représente la quantité produite, X, Z et T sont les vecteurs de facteurs de production. Plus précisément, X représente les facteurs ordinaires tels que le climat, l’environnement institutionnel, la qualité des sols, etc. Le vecteur Z représente les caractéristiques sociodémographiques du producteur. Il s’agit principalement de son niveau d’éducation, son expérience en agriculture, son âge, son genre, son niveau de revenu, la taille de son exploitation, la disponibilité en main-d’œuvre ou encore l’aversion au risque (Feder et al., 2005). Enfin le vecteur T représente les technologies agricoles tels que les semences certifiées, les engrais, les machines agricoles, les itinéraires techniques, etc. Ce vecteur est important car les innovations agricoles jouent un rôle majeur dans l’émergence de l’agriculture. Selon de Janvry et Sadoulet (2002), les technologies agricoles peuvent contribuer à la réduction de la pauvreté de manière directe et indirecte. Les effets directs proviennent du potentiel impact positif de l’adoption des technologies sur les revenus et la productivité des bénéficiaires alors que les effets indirects sont liés à l’adoption de ces technologies par un plus grand nombre de producteurs (les effets de réseau) ; ce qui peut aboutir à une création d’emplois et une augmentation de la croissance.

Dans cette thèse, le principal paramètre d’intérêt est la variation de la production suite à une variation de l’utilisation des semences certifiées de mil et de sorgho. Si nous notons les semences certifiées S (appartenant à T), ce paramètre s’écrit :

𝑉

𝑄

=

𝑑𝑄

𝑑𝑆 (2.2)

Tel que spécifié, ce paramètre représente l’effet d’une variation infinitésimale de la quantité de semences certifiées utilisées, sur la quantité produite. Il s’agit en quelque sorte d’une représentation en mode continu. Pour obtenir ce paramètre, il est nécessaire d’obtenir une représentation numérique de la fonction de production, à partir de laquelle on peut évaluer les élasticités ou les dérivées partielles. Cette méthode implique d’avoir une forme bien définie de la fonction de production et permet de simuler l’impact d’un changement technologique (de Janvry et Sadoulet, 2002). Face aux difficultés évidentes dans la spécification et l’estimation d’une fonction de production (difficultés notamment liées aux multiples facteurs d’endogénéité), une deuxième méthode, discrète, permet de calculer 𝑉𝑄 sans estimer la

fonction de production. Pour cette méthode, il s’agit de comparer les producteurs pour lesquels l’intrant S prend la valeur 0, et ceux pour lesquels S prend une valeur positive. Nous optons pour cette deuxième méthode pour évaluer l’impact de l’adoption des semences certifiées de mil et de sorgho sur les rendements et la sécurité alimentaire.

2.2. Revue de littérature sur l’adoption et l’impact de l’adoption des

technologies agricoles