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Le système de retraite et les dispositifs de sortie d’activité

3.1 : Evolutions de longue période

5. Le système de retraite et les dispositifs de sortie d’activité

Le système néerlandais comporte essentiellement deux piliers :

- Une retraite publique de base accordée à tous les citoyens (12 800 € par an pour

une personne seule, soit 70 % du salaire minimum et environ 18 000 €, soit 100 % du salaire minimum, pour un couple). Chaque année de présence sur le territoire entre 15 et 65 ans permet d’acquérir 2 % de cette retraite de base. Les deux tiers de la dépense correspondante sont financés par une cotisation de 17,9 % sur le salaire plafonné à 32 000 euros et le tiers restant par une contribution de l’Etat.

- Une retraite complémentaire professionnelle obligatoire reposant sur un système

de capitalisation. 91 % des néerlandais sont couvert par une telle retraite. Les fonds sont pour l’essentiel à prestations définies et garantissent souvent 70 % du dernier salaire, ou du salaire moyen pour les plus jeunes cotisants, pour une carrière complète en tenant compte du montant de la retraite de base. Les cotisations, souvent à la charge des entreprises pour les 2/3, s’élèvent à environ 20 % du salaire brut.

Un troisième pilier volontaire couvre les indépendants et quelques situations particulières de salariés. Il est également utilisé par un petit nombre de néerlandais pour améliorer leur retraite au-delà des systèmes obligatoires.

L’âge légal de la retraite est de 65 ans. Mais alors que la retraite de base ne peut pas être liquidée avant cet âge, c’est possible pour les retraites du deuxième pilier qui pratiquent la flexibilité de l’âge de départ avec un ajustement actuariel en cas de départ avant 65 ans. Avant 2003, les prestations étaient basées uniquement sur le dernier salaire versé : cela était un frein à la transition pour les seniors entre un emploi à temps plein et un emploi à temps partiel. Depuis 2004, 75 % des employés contributeurs sont engagés dans des régimes dont les prestations prennent en compte un salaire moyen sur la carrière réalisée. En outre, dans certains régimes spéciaux, le fait d’accepter un emploi au moins à mi-temps, au cours des dix années précédant l’âge officiel de départ en retraite, peut donner accès à une retraite à taux plein.

D’autre part les Pays-Bas disposaient depuis les années 1970 d’un système de pré-retraite général financé en répartition. En 1997 ce système a été transformé en un système de capitalisation fonctionnant sur une base actuarielle. A la suite d’un accord de 2004 ce système fonctionne sur une base individuelle. Il permet, moyennant une cotisation maximale de 12 % du salaire brut de financer, dès que l’on a capitalisé 210 % du salaire brut annuel, trois années de disponibilité (pré-retraite, éducation des enfants, formation,…). Les cotisations sont exonérées d’impôts mais il n’est pas possible de cotiser simultanément à un fonds de pension, et il faut donc choisir chaque année quelle est la priorité. Il s’agit donc là d’une mesure atypique : la privatisation de la pré-retraite en une assurance individuelle.

Enfin, traditionnellement une part important de la population néerlandaise est classée dans la catégorie des « invalides » et ce système à longtemps été utilisé comme passerelle entre l’emploi, la pré-retraite et la sortie d’activité. Comme on peut le constater à la lecture du tableau 11 (ci-dessus) en 1995, 3,5 % du PIB était encore consacrés aux prestations d’invalidité. Plusieurs mesures ont visé réduire l’accès à l’invalidité dans les années 2000,

mais la réforme principale est intervenue en 2006. Depuis cette date, on distingue trois catégories d’individus invalides en fonction de leur degré d’invalidité. Les individus dont le taux d’invalidité est inférieur à 35 % n’ont plus droit à des indemnités9. L’employeur doit adapter les conditions de travail du salarié, si cela est nécessaire. Les individus dont le taux d’invalidité est compris entre 35 et 80 % doivent continuer de travailler pour percevoir leurs indemnités : celles-ci couvrent intégralement les pertes de salaires, consécutives à la réduction du temps de travail effectué, pourvu que le salarié travaille au moins 50 % du temps équivalent à ses capacités (un salarié invalide à 40 % devra continuer de travailler un tiers d’un temps plein). Pour les individus dont le taux d’invalidité est au moins égal à 80 %, des indemnités équivalentes à 70 % des derniers revenus sont versées. Ils sont soumis à des contrôles médicaux pendant les 5 premières années de prise en charge, et peuvent, si leur état s’est amélioré, basculer dans la catégorie intermédiaire d’invalidité. Les réformes successives de l’invalidité ont bien conduit à une réduction drastique des dépenses d’invalidité qui ont diminué de moitié en proportion du PIB depuis le début des années 1990. Avec une dépense de 2 points de PIB les Pays-Bas restent toutefois de gros utilisateurs de ce type de dispositif qui est utilisé entre autre, pour aménager les fins de carrière.

6. Evolutions récentes et impact de la crise

La crise a eu des conséquences très importantes sur les fonds de pension (deuxième et troisième piliers) qui étaient très exposés au risque « actions ». La perte financière a atteint 17 % et le taux de couverture des régimes fixé par la loi à 105 % est tombé à 95 % impliquant la mise en œuvre de mesures correctrices. La crise a d’autre part précipité le débat sur l’âge de la retraite et l’année 2009 a été dominée par les discussions autour de la proposition de report à 67 ans de l’âge de la retraite du premier pilier

6.1. La gestion des fonds de pension dans la crise

La chute du taux de couverture des engagements par les actifs détenus par les fonds de pension aurait du entraîner la mise en œuvre automatique de mesures correctrices comprenant une baisse des pensions, la suspension de leur indexation sur les salaires et une hausse des cotisations. Ces mesures rassemblées dans des plans agréés par la Banque centrale auraient du prévoir le retour à un taux de couverture de 105 % dans un délai maximum de trois ans.

Or, la suspension de l’indexation a été mise en œuvre, mais il n’y a eu ni baisse des pensions, ni hausse des cotisations. Le gouvernement a accepté de reporter de 2 ans le délai de retour à un taux de couverture légal de 105 %, soit un délai total de 5 ans. Les règles prudentielles ont donc été nettement assouplies dans un contexte d’instabilité financière dont on aurait pu penser qu’il aurait au contraire incité à les renforcer.

En ce qui concerne les plans à cotisations définies (troisième pilier) l’individualisation complète des comptes ne permettait pas la même souplesse. Pour éviter les trop fortes baisses des pensions liquidées en 2009-2010 (20 % de moins que les rentes identiques liquidées un an avant) on a quand même pris des dispositions exceptionnelles. On a autorisé les partants à la retraite à ne liquider qu’une partie du capital pour acquérir 5 annuités de retraites. Le capital

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restant sera liquidé dans cinq ans en espérant qu’à cette date la valeur des actifs ayant retrouvé un niveau plus favorable il soit alors possible d’obtenir une rente plus élevée.

6.2. Le report à 67 ans de l’âge de la retraite

Au début de l’année 2009, les perspectives de forte augmentation du déficit public ont conduit à un débat sur le financement des retraites et à la proposition par le ministre Chrétien démocrate des affaires sociales du report à 67 ans de l’âge de la retraite. Cette mesure était présentée comme le moyen d’économiser 0,8 point de PIB de dépense de l’Etat. Aucun consensus n’a pu se dégager et en mars 2009, un accord des partis au pouvoir a reporté à 2011 les économies budgétaires, alors que pour 2009 et 2010 il était décidé de laisser jouer entièrement les stabilisateurs automatiques et de réaliser en outre 6 Mds d’Euros de dépense d’investissement au titre de la relance. Dans cet accord la question de l’âge de la retraite était renvoyée à une discussion au sein du Conseil économique et sociale qui était chargé de proposer une solution, éventuellement alternative du report de l’âge de la retraite, permettant de réaliser la même économie budgétaire. En cas d’échec, le gouvernement s’engageait à proposer le report de l’âge de la retraite à 67 ans au 1er octobre 2009.

Les débats ont mis en évidence une forte division de l’opinion. Les divergences étaient également importantes au sein du Conseil économique et social et pas loin de 50 propositions de réformes ont été étudiées. La principale proposition alternative au report de l’âge de la retraite, présentée par le plus important syndicat néerlandais (FNV) s’appuyait sur la flexibilisation de l’âge de la retraite. Selon cette proposition les salariés pourraient choisir librement leur âge de départ à partir de 65 ans. Du coté du financement, la fiscalisation complète du régime de base permettrait d’augmenter les ressources du fait du déplafonnement des cotisations. Avec quelques mesures supplémentaires de hausse d’impôts sur les retraités aisés et les propriétaires de logement, cette mesure permettrait d’améliorer le financement de 0,7 point de PIB. Parmi les solutions alternatives, le parti des écologistes de gauche proposait lui de faire jouer un rôle à la durée de cotisation. Un accord avec le patronat a semblé possible autour de l’idée d’âge flexible jusqu’à ce que celui-ci propose unilatéralement de repousser l’âge de la retraite du deuxième pilier.

Finalement les négociations ont échoué et le gouvernement a présenté le 16 octobre dernier un projet de report de l’âge de la retraite à 66 ans en 2020 et 67 ans en 2026. Ce projet s’accompagne de dispositions visant à tenir compte de la pénibilité du travail. Ainsi les entreprises se verraient contraintes de reclasser sur des emplois légers les salariés ayant occupés pendant 30 ans des postes pénibles. Le peu de soutien de l’opinion publique et des syndicats ont amené le gouvernement à durcir ses propositions en matière de prise en compte de la pénibilité. Il s’engage maintenant à établir une liste de métiers pénible en s’appuyant notamment sur les données d’entrée en invalidité par profession. Des pénalisations financières sont également prévues pour les entreprises qui ne reclasseraient pas leurs salariés ayant occupé des emplois pénibles pendant 30 ans (14 % du salaire). D’autres propositions sont apparues qui visent à éliminer la prise en compte explicite de la pénibilité pour la remplacer par un système maintenant le départ à 65 ans pour les travailleurs dont le salaire est inférieur à un plafond de l’ordre de 35 000 euros.

La démission du gouvernement et l’éclatement de la coalition a remis en cause le processus de réforme désormais suspendu et dont l’avenir dépendra des élections à venir.

A côté de cette réforme générale, des dispositions ont été prises pour favoriser le maintien des seniors en activité. Le gouvernement a ainsi cherché à promouvoir le temps partiel et les sorties progressives d’activité en utilisant partiellement l’indemnisation du chômage. La formation est également mise en avant pour promouvoir le maintien en activité. Concrètement, l’indemnisation du chômage peut être accordée aux salariés âgés passant à temps partiel pourvu que leur entreprise soit en bonne santé financière et qu’elle investisse dans leur formation pendant le temps libéré par la réduction du temps de travail (mesure d’avril 2009).

Enfin un bonus salarial était envisagé pour les plus de 62 ans alors que les mesures fiscales favorables aux pré-retraites sont progressivement supprimées.

7. Les projections

Les projections des dépenses de retraite dans le PIB (tableau 12) font apparaître une augmentation très forte de la part des dépenses (+ 4,5 points pour les retraites publiques et + 6,9 pour celles du deuxième pilier) très supérieure à celle des autres pays (par exemple la part des dépenses publiques en Allemagne dont la situation démographique est moins favorable augmenterait de seulement 2,4 points). Ceci résulte du choix de Pays-Bas de ne pas remettre en cause le niveau des pensions dont on a vu qu’il conduisait à un taux de remplacement de l’ordre de 70 % du salaire.

Tableau 12. Projections des dépenses de retraite à long terme aux Pays‐Bas 

2007 2015 2020 2030 2040 2050 2060 2060-2007 Taux de dépendance démographique 22* 27 31 40 47 46 47 +25 Part des retraites publiques dans le PIB 4,5 5,3 5,9 7,6 8,8 8,7 9,0 +4,5 Part des pensions du deuxième pilier dans le PIB 5,2 5,9 6,7 9,0 10,8 11,1 12,1 +6,9

* 2008

Source : Commission européenne, Rapport 2009 sur le vieillissement.

La soutenabilité du deuxième pilier repose sur la capacité d’accumulation des régimes en proportion de l’augmentation des engagements liée à l’allongement de la vie. Pour le premier pilier, les projections mettent en évidence la nécessité d’une réforme pour éviter l’apparition d’un déficit important. L’allongement de la durée de l’activité est une possibilité. Le report de l’âge de la retraite à 67 ans peut en être le moyen. Sinon la hausse des cotisations et du prélèvement fiscal devra combler l’écart qui se creusera entre ressources et dépenses.

8. Conclusions et débats en cours

Paradoxalement le débat sur les retraites aux Pays a pris un certain retard. Le fait qu’une part importante du financement repose sur la capitalisation a sans doute conduit à une certaine confiance pendant toute la période de gonflement de la bulle financière. Les taux d’intérêt élevés des années 1990 avaient certainement contribué également à une faible demande de

réforme.

La crise de 2008 a brutalement amené la question au premier plan. La question de l’âge de la retraite est au centre des débats en cours. L’existence d’une grande différence d’espérance de vie selon les catégories sociales a été mise en avant pour défendre l’idée d’introduire, comme en France, une dépendance de la retraite à la durée de la carrière. L’idée de la flexibilisation de l’âge du départ à la retraite s’est presqu’imposée dans la négociation. Mais la division de l’opinion, des partis et des syndicats, qui marque aussi un échec de la « méthode des polders », n’a pas permis d’aboutir. Les problèmes techniques que posent l’introduction d’une variable de durée d’activité alors que les systèmes d’information ne permettent pas de les calculer de manière fiable pour les générations âgées, ont aussi contribué à ne retenir que le décalage de l’âge. L’avenir du système reste suspendu au devenir de la coalition gouvernementale et aux résultats du processus électoral en cours.

D’autre débats, moins centraux, animent les discussions sur les retraites. S’agissant des régimes de capitalisation, les discussions portent sur la pertinence du taux de couverture légal de 105 % et sur le mode de valorisation des actifs et des engagements. Paradoxalement, la crise financière semble contribuer à réviser en baisse les règles prudentielles.

Enfin, comme en Allemagne, la montée du travail indépendant pose le problème du troisième pilier et de l’extension de l’obligation de l’adhésion à un régime complémentaire du deuxième pilier.