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Les réformes du système de retraite

Henri Sterdyniak

6. Les réformes du système de retraite

Jusqu’à la sévère récession du début des années 1990, la politique suivie en matière de retraite tendait plutôt à augmenter le niveau des pensions et à faciliter les départs en préretraite. La stratégie des départs précoces correspondait aux désirs des entreprises d’alléger leurs coûts salariaux et de disposer d’une manière commode pour ajuster leurs effectifs, ainsi qu’à ceux des travailleurs, puisque cela réduisait les risques de licenciement pour les travailleurs adultes en les reportant sur les seniors, qui bénéficiaient en échange de conditions de départ favorables. C’était aussi une façon de régler la question de la désindustrialisation. Même si dans les années 1980, cette politique était mise en doute, sa popularité et le fort niveau du chômage n’ont pas permis aux gouvernements de prendre des mesures pour la réformer. Selon Gould et Saurama (2003), la plupart des préretraités se trouvaient heureux de leur situation, qui leur permettait d’échapper à l’angoisse de la perte d’emploi et aux

difficultés d’un travail auquel ils se sentaient de moins en moins bien adaptés, tant pour des raisons physiques (la contradiction entre l’intensification du travail et la diminution de leur capacité intellectuelles) qu’intellectuelles (la contradiction entre un niveau de formation limité et les exigences du progrès techniques). La récession aggrava encore la situation du marché du travail et le besoin des entreprises de se débarrasser d’excédents de main-d’œuvre. Mais elle amena le gouvernement à chercher à réduire les coûts salariaux et posa la question de la soutenabilité du système. La dégradation des perspectives démographiques, plus rapide que dans la moyenne des pays de l’UE15 a fait naître la peur d’un « manque de main-d’œuvre », que la Finlande ne peut espérer combler par une hausse du taux d’emploi des femmes (déjà très fort), ni par un appel à l’immigration (faible en raison du climat et de la langue, voir Kuntz, 2005). C’est donc l’emploi des 55-68 ans qu’il faut développer. Aussi, à la sortie de la récession, les réformes ont-elles cherché à réduire les dépenses et à retarder l’âge de la retraite. C’est le passage de la culture du départ précoce à celle du vieillissement actif (Gould et Saurama, 2003).

La politique finlandaise de maintien au travail des travailleurs seniors repose sur trois piliers. Les deux premiers sont banaux : modifier le mode de calcul des retraites pour rendre plus coûteux le départ précoce à la retraite et plus avantageux un départ tardif ; durcir ou supprimer progressivement tous les dispositifs de retraites anticipées. Le troisième est plus original : inciter les entreprises et les syndicats à prendre en main la question de l’emploi des seniors (voir Annexe).

Les principes de la réforme de 2005 ont été adoptés par les partenaires sociaux en novembre 2001. Le contenu précis de la réforme a été défini par un accord des partenaires sociaux en septembre 2002, puis voté en février 2003 par le Parlement pour entrer en vigueur en 2005. L’objectif est de rapprocher l’âge moyen de fin d’activité (59 ans) de l’âge légal de la retraite (65 ans). Les syndicats ont accepté cet objectif en échange d’une amélioration du niveau des retraites et de la garantie que la réforme serait accompagnée de mesures pour favoriser la disponibilité d’emploi pour les 62-68 ans et pour améliorer les conditions de travail afin de permettre de donner envie aux travailleurs de rester en emploi jusqu’à 68 ans.

L’âge du départ à la retraite devient flexible entre 63 et 68 ans. La réforme abaisse l’âge de départ de calcul des droits (de 23 à 18 ans). Le taux de pension acquis est de 1,5 % par année de 18 à 52 ans ; de 1,9 % de 53 à 62 ans ; de 4,5 % de 63 à 68 ans. La pension est calculée sur la base des salaires reçus sur l’ensemble de la carrière et le plafond du taux de remplacement (qui était de 60 % du salaire) disparaît. Les années d’étude (dans la limite de 5) et les périodes d’arrêt d’activité pour élever un enfant (de moins de 3 ans) ou soigner un malade sont validées (mais sur la base d’un salaire de 500 euros par mois). La pension est donc théoriquement de 64 % du salaire après 40 années de cotisations pour un départ à 62 ans, de 91 % après 46 années de cotisations pour un départ à 68 ans. Le travail de 62 à 68 ans est donc fortement récompensé.

La préretraite n’est plus possible qu’à 62 ans. La pension nationale est réduite de 0,4 % par mois d’anticipation ; la pension contributive de 0,6 % (toutefois, cette pénalité ne s’applique pas aux personnes bénéficiant de la passerelle). Elles sont majorées de 0,4 % par mois après 65 ans (pour la pension nationale) ou 68 ans (pour la pension contributive).

Pour le calcul de la retraite, les droits acquis sont revalorisés avec un indice basé pour 20 % sur l’évolution des prix, pour 80 % sur celles des salaires28. La retraite est indexée pour 80 % sur les prix, pour 20 % sur les salaires.

Les futures hausses de cotisations seront partagées, moitié par les employés, moitié par les employeurs. Une forte hausse des cotisations est envisagée (6 points d’ici 2030, dont 3 points déjà programmés d’ici 2013). Théoriquement, le taux global en 2005 est de 22 %. En fait, la bonne santé financière du système a permis une baisse des cotisations : le taux global était de 21,1 en 2008, dont pour les salariés : 4,1 % (au lieu de 4,4 % en dessous de 53 ans), 5,2 au lieu de 5,6 % au-dessus).

Pour assurer la soutenabilité du système, un nouveau mécanisme est introduit qui prévoit la réduction du niveau des pensions en fonction de l’allongement de la durée de vie : le facteur de longévité. A l’année t, on évalue les probabilités de survie à l’âge s des personnes

de 62 ans (nées donc en t-62) : S(t,s). On construit alors un indice :

100 62 63 ( ) ( , ) / (1, 02)s s A t S t s =

=

qui représente l’espérance mathématique de la valeur actualisée

d’un euro de pension. Le facteur de longévité est alors : L(t)=A(2009)/A(t). Au premier ordre, il est égal au rapport de l’espérance de vie à 62 ans en 2009 et à l’année t.

Le facteur de longévité entrera en vigueur en 2010 et devrait réduire les pensions, à durée d’activité constante, de 7,5 % en 2020, de 19 % en 2050, soit d’environ 0,5 % par an (selon ETK). Selon le gouvernement, un allongement de la durée d’activité de 12 mois en 2020, de 34 mois en 2050 devrait permettre de compenser cette baisse. Selon une étude de l’ETLA (voir Lassila et Valkonen, 2008), basée sur des projections stochastiques, la baisse moyenne en 2050 ne serait que de 13 % (elle serait comprise avec 50 % de chance entre 9 et 18 %).

Pour obtenir l’accord des syndicats, la réforme augmente nettement le taux de remplacement des retraités à carrière complète, qui accepteront de reculer l’âge de leur retraite, d’autant que s’y ajoute la validation d’années d’études ou de soins. Toutefois, le gain doit fortement diminuer au cours du temps en raison du mécanisme de soutenabilité (tableau 9)

Tableau 9. Taux de remplacement brut 

Carrière Avant la réforme Après la réforme 2010 Après la réforme 2050

18a-60a 52,25 60,9 49,4 18a-62a 57,1 64,1 52,0 18a-65a 57,1 76,0 61,6 20a-60a 52,25 58,4 47,4 20a-62a 57,1 61,6 50,0 20a-65a 57,1 73,5 59,6 23a-60a 52,25 54,5 44,2 23a-62a 57,1 57,7 46,8 23a-65a 57,1 69,9 56,7 28

L’amélioration par rapport au système d’indexation d’avant 2005 fait partie des concessions faites aux syndicats pour obtenir leur accord.

Selon les prévisions du gouvernement, le ratio entre la pension moyenne et le salaire moyen passerait de 51 % en 2005 à 54 % en 2015-2025, puis diminuerait à 45 % en 2050.

Le risque est que cette réforme favorise les cadres au détriment des ouvriers. D’une part, les années d’études sont désormais pris en compte (bien qu’avec un salaire faible). D’autre part, il n’est fait référence qu’à l’âge (et pas à la durée de carrière ou à l’espérance de vie). Un ouvrier qui commence à travailler à 18 ans pour partir à la retraire à 62 ans aura un taux de remplacement de 64 % contre 72 % pour un cadre qui travaille de 21 à 65 ans. Enfin, les cadres ont plus de possibilité et de capacité de prolonger leur carrière. Ce point ne semble pas discuté en Finlande.

La réforme des retraites s’est accompagnée d’une réforme des dispositifs de pré-retraites : – L’âge d’entrée dans le dispositif de passerelle sera reculé de 55 à 57 ans (pour les personnes nées après 1950).

– Les pensions de chômage devraient être supprimées (entre 2009 et 2014) tandis que la durée de perception des prestations chômage sera allongée pour les 60-65 ans.

– La pension individuelle de retraite anticipée sera supprimée mais la pension d’invalidité sera accordée plus facilement, notamment en tenant compte de facteurs sociaux.

L’âge d’entrée dans le dispositif de retraites partielles augmentera de 56 à 58 ans. A partir de 2011, il passera à 60 ans.

Tableau 10 : Les dispositifs de retrait du marché du travail 

Bénéficiaires en 2004 parmi les 55-64 ans en %

Age en

2004 Réforme 2005

Pension d’invalidité 23,1 16-64 Accès plus facile après 60 ans Pension individuelle de retraite anticipée 0,4 60-64 Suppression à partir de 2009 Pension de chômage 7,9 60-64 Abolie à partir de 2009

Passerelle 5,8 55-64 Passe à 57-65 ans

Pension anticipée 0,2 60-64 62 ans

Régime agricole 1,7 55-64

Pension partielle 5,4 56-64 Passe à 58(puis 60)-68 ans Total 44,5

Comme le montre le tableau 11, les départs anticipés (avant 63 ans) restent la majorité, en utilisant principalement le régime d’invalidité ou la passerelle. La pension anticipée, pénalisante, est peu utilisée. Les départs après 63 ans restent très minoritaires.

Tableau 11 : Les départs à la retraite en 2008 

En % Montant moyen en

euro/mois Age moyen

Pension de retraite 42,6 1 554 63,3 Pension anticipée 3,9 1 313 62 Invalidité 35,3 867 52,2 Pension de chômage 16,6 1 180 60,3 Régime agricole 1,6 679 Total 100 1 227 58,8 Source : ETK.

Le 21 février 2009, un accord de « social package » a réduit les avantages de la retraite à temps partiel.

Le 24 février 2009, le gouvernement a annoncé son intention de reporter de 63 à 65 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Devant la vive opposition des syndicats et de l’opinion publique, le projet fut retiré le 11 mars, mais deux groupes de travail devront étudier l’un les moyens à mettre en œuvre pour un recul de 3 ans de l’âge effectif de départ d’ici 2025 et l’autre, l’amélioration des conditions de travail nécessaire pour atteindre cet objectif. Le gouvernement s’est engagé à ne prendre aucune mesure en dehors de ces comités.

Le bas niveau de la Pension Nationale (584 euros par mois) provient de sa non-indexation sur les salaires. Elle devrait être de 874 euros pour retrouver son niveau relatif de 1964 ; de 843 euros pour son niveau relatif de 1985. La Commission pour la réforme de la protection sociale a étudié la possibilité introduire une pension minimale de l’ordre de 684 euros. Ceci serait moins couteux que la hausse de la Pension Nationale de 100 euros (110 millions d’euros au lieu de 810), puisque la hausse ne bénéficierait pas à la plupart de ceux qui cumulent Pension Nationale et pension contributive mais aurait le défaut de compliquer le système et de réduire les incitations au travail. Le risque est que la pension minimale ne remplace progressivement la Pension Nationale au détriment de ceux qui complètent une faible pension contributive par la pension nationale. Le gouvernement annoncé, début 2009 que cette prestation serait mise en place en Mars 2011.