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Des expérimentations ont été menées pour identifier le système de reproduction des deux espèces. Deux groupes d’individus ont été suivis pour chaque espèce (11 individus par groupe, une inflorescence est suivie par individu), le premier ne recevant aucun traitement constituait notre lot témoin, pour le second certaines inflorescences ont été encapuchonnées pour éviter que les pollinisateurs puissent rentrer en contact avec les pièces reproductives tout en permettant un bon développement des pièces florales. A la suite de ces expérimentations, nous avons observé que de nombreuses fleurs du lot témoin (entre 76 et 83% respectivement pour S. coccinea et S. montana) ont produit des fruits. Par contre les fleurs encapuchonnées ont produit très peu de fruits (env. 4,5% pour les deux espèces). Ce résultat met en évidence un système de reproduction de type allogame, induisant une auto-incompatibilité comme de nombreuses espèces protandres (Kalinganire et al., 2000; Ramsey & Vaughton, 1991; Webb, 1985) favorisant les flux de gènes entre individus et populations.

Les compositions des nectars de ces deux espèces ont été étudiées pour voir si elles étaient corrélées au type de pollinisation. Longtemps les caractéristiques nectarifères (notamment le rapport saccharose/hexose) semblaient être de bons indicateurs pour identifier le type de pollinisation (Corbet, 2003; Herrera et al., 2006). Cette idée dérive du

concept de pollinisation, développé au 19e siècle qui stipule qu’il est possible de prédire le

type de pollinisateur en fonction des caractéristiques de la fleur concernée (Johnson & Steiner, 2000). Cette approche a quand même fait l’objet d’un certain scepticisme (Ollerton, 1996; Waser et al., 1996) et elle s’est révélée ne pas être pertinente lorsqu’elle est appliquée à un grand nombre d’espèces (Ollerton et al., 2009).

S. montana, l’espèce commune, a été visitée pendant les pics de floraison par une guilde variée d’insectes, notamment des hyménoptères et des diptères (Fig. 20A). Cette observation confirme le syndrome de pollinisation à partir du nectar, à savoir que les fortes

concentrations en saccharose et en fructose (tableau 2) de cette espèce favoriseraient une pollinisation généralisée (Petanidou et al., 2006).

Tableau 2 : Concentrations relatives en fructose, glucose et saccharose (ET : Ecart Type)

Fructose Glucose Saccharose

S. coccinea Composition (%) 18,91 13,34 67,74

n=10 ET 4,54 3,22 7,69

S.montana Sugar content (%) 42.94 14.65 42.41

n=10 ET 29,17 8,05 22,94

Pour l’espèce micro-endémique, les fleurs ont été visitées uniquement par des oiseaux territoriaux appartenant à la famille des Meliphagidae (Fig. 20B). Cette observation corrobore encore une fois une partie du syndrome de pollinisation, à savoir qu’un nectar concentré en saccharose (Tableau 2), comme celui de S. coccinea, correspond à une pollinisation spécialisée par des oiseaux nectarivores stricts (Johnson & Nicolson, 2008).

Au niveau de la dispersion de leurs fruits, ici encore les deux espèces présentent des systèmes différents. Bien que ces deux espèces aient des fruits susceptibles d’être consommés par des animaux (fruits à pulpe, de couleur noire) aucun animal n’a été observé directement en train de consommer leurs fruits. Toutefois, des fientes trouvées à proximité des individus de S. montana, attribuées à Columba vitiensis ssp. hypoenochroa (Columbidae) (la nature du disperseur a été déduite en fonction de la taille des fientes et des animaux présents sur la zone), ont permis de statuer sur la dissémination zoochore de S. montana (les endocarpes de ces deux espèces sont facilement différenciables entre elles, cf. Fig. 21). En effet, dans bon nombre de ces fientes nous avons retrouvé des endocarpes

Figure 20: (A) Un diptère (Calliphoridae) visitant une fleur de S. montana, (B) Glycifohia

undulate (Meliphagidae), se nourrissant du nectar de S. coccinea

entiers cette espèce. Cet oiseau peut véhiculer des graines sur de longues distances, tout comme une autre espèce de la même famille, Ducula goliath (Columbidae), pouvant disperser des graines jusqu’a 800 m de la plante mère (Munzinger, unpublished data). S’agissant de S. coccinea, malgré la présence d’individus en fruit, à la même période et sur le même site, aucune drupe ou morceau d’endocarpe attribué à cette espèce n’a été trouvé dans les fientes. Sur le site d’étude, les fruits tombaient directement au sol, mettant en évidence une dissémination par la gravité (barochorie).

Les systèmes de pollinisation et de dispersion se sont révélés être très différents, avec des conséquences probablement très importantes sur les flux de gènes entre les populations de ces deux espèces (cf. § 2.6).

2.5 Les caractéristiques germinatives des deux espèces (cf. article 4)

La germination de nombreuses espèces requiert la présence de différents stimuli avant de germer. Une graine viable est qualifiée de dormante lorsqu’elle n’a pas la capacité de germer dans des conditions environnementales qui devraient apparemment permettre sa germination (Baskin & Baskin, 2004). Le genre Scaevola fait partie des Asterales (Angiosperm Phylogeny Group, 2009) qui sont connues pour présenter des dormances physiologique, morphologique ou morpho-physiologique (Finch-Savage & Leubner-Metzger, 2006). Dans la littérature, il y a plusieurs exemples de Goodeniaceae présentant des dormances physiologiques (Hoyle et al., 2008a; b)). Dans cette partie du travail, les différentes dormances pouvant influencer la germination de ces deux espèces ont été recherchées.

Figure 21: Fruits et endocarpes de (A) S. montana et de (B) S. coccinea.

Pour cela une étude de la structure de la graine a été effectuée pour observer la taille de l’embryon par rapport à la taille totale de la graine (indiquant une possible dormance morphologique). Nous avons aussi réalisé des suivis d’imbibition pour mettre en évidence une dormance physique.

Pour identifier des dormances physiologiques, plusieurs tests ont été effectués. Au préalable des tests de viabilité ont été menés pour mettre en évidence le nombre de graines viables selon le procédé utilisant le chlorure de tétrazolium (TTC) (ISTA, 2003), révélant une coloration en présence d’une respiration au sein de la graine. Pour S. coccinea, cette coloration a été réalisée après la fin des tests de germination pour ne pas perdre de graines de cette espèce micro-endémique, ce test au TTC étant destructeur.

S. montana a fait l’objet de deux groupes de tests. Le protocole et les résultats du premier groupe de test se trouvent en annexe 1. Une large gamme de tests impliquant des chocs thermiques secs (80° ou 60°C pour 1 heure ou 30 minutes) combinés dans certains

cas à des applications de solutions contenant de l’acide gibbérellique (GA3) et/ou de l’eau

fumigée a été effectuée. Dans cette série de tests une approche de type « move along » (Baskin & Baskin, 2003) a été inclus, mimant les variations de température du milieu naturel au cours de l’année. Quant à la deuxième série de tests, celle-ci a porté uniquement sur l’action des composés chimiques (cf. article 4). Un traitement commun aux deux tests a été réalisé pour pouvoir les comparer entre eux. Il est à noter que nous n’avons pas pu faire le même nombre de tests pour S. montana et S. coccinea car cette dernière était limitée en nombre de graines et l’ensemble des fruits n’a pas été récolté pour ne pas trop impacter les populations naturelles de cette espèce micro-endémique.