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La Nouvelle-Calédonie a la particularité d’être couverte sur un tiers de sa superficie par des roches ultramafiques. Ces roches proviennent d’un feuillet du manteau terrestre ayant recouvert le socle gondwanien, pendant une phase de submersion il y a environ 37 millions d’années (Pelletier, 2006). Pour certains auteurs, les caractéristiques pédologiques de ces roches (richesse en métaux lourds, pauvreté en éléments minéraux indispensables aux plantes) ainsi que leur répartition discontinue sur l’ensemble du territoire (Jaffré et al., 1987) aurait eu une influence sur les mécanismes de spéciation (Pillon et al., 2010). Ceci aurait eu pour effet de favoriser la diversification de la flore (Jaffré, 1996), dont le d’endémicité végétale est de l’ordre de 82% sur ces substrats ultramafiques (L’Huilllier et al., 2010).

S. montana et S. coccinea ont tendance à se développer sur des sols issus de ces roches ultramafiques. Toutefois, il semblerait que l’espèce commune soit capable de se développer sur des sols relativement divers (Müller, 1990). Afin d’appréhender la tolérance de ces deux espèces à l’égard du substrat, nous avons réalisé des échantillonnages de sols au sein de plusieurs populations ayant des caractéristiques pédologiques différentes à première vue. Cet échantillonnage a été similaire à celui pour l’étude de la génétique des populations (cf. Fig 24, § 2.6.2) : Le Col d’Amoss (commune de Ouégoa), le Dôme de Tiébaghi (commune de Koumac), Ouaco (commune de Kaala-Gomen), le Koniambo (commune de Voh), la presqu’ile de Pindai (commune Pouembout), Kouaoua (commune de Kouaoua), le col de Ho (commune de Houailou), le col de Plum (commune du Mont Dore) et la vallée de la Tontouta (commune de Païa). Ce dernier site a aussi été pris pour référence pour S. coccinea, les deux espèces se développant en sympatrie. Tous les échantillons de sols ont été analysés par le Laboratoire des Moyens Analytiques de l’IRD de Nouméa

(certifié ISO 9001). Ces analyses ont portés sur : le pH (H2O et KCl), l’azote Kjeldahl (mg/g),

le carbone organique (%), le phosphore assimilable (mg/g), le manganèse et le nickel extractibles au DTPA (mg/g), la capacité d’échange cationique (CEC), les bases échangeables (Ca, Mg, K, et Na en meq%), ainsi que les éléments totaux (Ca en g/kg, Mg, Na, K, Ti en mg/kg, Fe en g/kg, Co, Cr, Mn, Ni en mg/kg, Al en g/kg, Cu en mg/kg, P en mg/kg, Si en g/kg et Zn en mg/kg) (Les valeurs de ces analyses se trouvent en annexe 3).

Pour analyser ces données nous avons tout d’abord utilisé une Analyse en Composante Principale (ACP) en utilisant le logiciel « R » (R Development Core Team, 2011). Cette dernière va permettre de regrouper les échantillons de sols en fonction des

caractéristiques détaillées précédemment et d’identifier quelles variables discriminent ces groupes. Les résultats sont regroupés dans la figure 14 et permettent d’identifier plusieurs tendances. Afin de conforter ces dernières, nous avons cherché à identifier des différences significatives entre les sites pour chaque élément considéré. Pour cela nous avons réalisé une analyse de variance (ANOVA) suivi d’un traitement post-hoc de Tukey (HSD) (p<0,05) en utilisant le logiciel « R ». Lorsque les données le nécessitaient, nous avons appliqué des transformations de type racine carrée ou logarithmique.

Nous pouvons ainsi identifier un groupe bien particulier que sont les échantillons du Col d’Amoss. Ces échantillons sont caractérisés par des teneurs significativement différentes des autres sites en éléments totaux comme le potassium (p<0,001), sodium (p<0,01), titane (p<0,001) et la silice (p<0,001), dont les teneurs sont supérieures, ainsi que par un pH très acide. Ces sols sont classés dans les sols acides développés sur gneiss, micaschiste et glaucophtanite (Podwojewski & Beaudou, 1987). Les échantillons de Pindai semblent aussi se démarquer des autres échantillons notamment par leur teneur supérieure en calcium, statistiquement différente de tous les autres sites (p<0,001), et correspondent à des sols développés sur calcaire (Podwojewski & Beaudou, 1987). Tous les autres échantillons peuvent être caractérisés soit comme des sols bruns hypermagnésiens plus on va vers le haut du graphique (notamment par des teneurs importantes en magnésium et relativement plus élevées en calcium, une CEC élevée et un pH neutre à basique ; tels les sols de Plum, Tontouta), soit comme des sols ferrallitiques ferritiques plus on descend vers le bas du graphique (notamment par des teneurs importantes en fer, nickel, cobalt, manganèse ; tels que les sols de Tiébaghi, du col de Ho, ou dans une moindre mesure de Ouaco). Les autres sols (Kouaoua, Koniambo, Kokoreta) semblent correspondre à des situations intermédiaires entre des sols bruns hypermagnésiens et des sols ferrallitiques ferritiques, les premiers pouvant être plus ou moins recouverts par des matériaux colluvionnés issus des seconds. Nous observons donc une large gamme de sols pour l’espèce commune, S. montana, qui peut se développer autant sur des sols acides comme au col d’Amoss, que sur sols de type latéritique ou bruns hypermagnésiens, mais aussi des sols avec des teneurs élevés en calcium sur roche calcaire comme nous le montre la population de Pindai. Vis à vis de l’espèce micro-endémique, ses exigences semblent plus restreintes, cette espèce se retrouvant uniquement sur sols bruns hypermagnésiens.

Pour conforter ces observations, nous avons représenté graphiquement les relations entre les sites de prélèvement et les analyses de sols par un positionnement multidimensionnel non-métrique (« NMDS » : « non-metric multidimensional scaling »), une technique d’ordination, en utilisant le logiciel « R » (R Development Core Team, 2011) (Fig. 15).

d = 2 Amoss Ho Kokoreta Koniambo Kouaoua Ouaco Pindai Plum Tiebaghi Tontouta B Axe!1!(35%)! Ax e!2 !(20, 6% )! ph_H2O Ph_KCl N_kjel C_orga P_assi Mn_DTPA Ni_DTPA CEC Ca_tot Mg_tot Na_tot K_tot Ti_tot Fe_tot Co_tot Cr_tot Mn_tot Ni_tot Al_tot Cu_tot P_tot Si_tot Zn_tot pH_KCl pH_H2O K_tot Cr_tot Co_tot A

Figure 14: Résultats d’une Analyse en Composante Principale (ACP) des échantillons de sols de S. montana et S. coccinea. (A) : Cercle des corrélations. (B) : Résultat de l’ACP.

Ici encore nous retrouvons les mêmes conclusions à savoir que nous pouvons identifier quatre types de sols différents : les sols acides du col d’Amoss ; les sols sur calcaire de Pindai; les sols ferralitiques ferritiques de Ouaco, du col de Ho et de Tiébaghi où ne se retrouve que l’espèce S. montana; et les sols bruns hypermagnésiens où se développent les deux espèces. Les sols ferralitiques et bruns hypermagnésiens se démarquent mieux par cette analyse qu’avec l‘ACP. Dans les deux cas, la tolérance de S. montana à se développer sur différents types de sols est mise en évidence, à la différence de S. coccinea inféodée aux sols bruns hypermagnésiens.