• Aucun résultat trouvé

Partie 2 : L’intestin grêle

III- Innervation de l’intestin grêle

1) Le Système Nerveux Entérique (SNE)

Le SNE est réparti tout le long du tube digestif, et est composé d’environ 600 millions de neurones chez l’Homme (le cerveau en contient une centaine de milliards et la moelle épinière une centaine de millions). Ses fonctions principales sont d’assurer les contractions intestinales, les sécrétions glandulaires, et le débit sanguin local. Si son organisation fonctionnelle est identique à celle du SNC, il en va de même pour la diversité biochimique des neurones le composant. De plus, bien qu’il soit en interaction permanente avec le SNA, le SNE est capable de fonctionner de façon

indépendante des autres centres nerveux. Toutes ces constatations font que le SNE est désormais considéré comme notre « deuxième cerveau ».

a) Morphologie du SNE

Les neurones du SNE s’organisent en plexi ganglionnaires. Il s’agit d’un maillage serré de fibres nerveuses recouvrant toute la circonférence du tube digestif. Les nœuds de ces « mailles », appelés ganglions, sont formés à la jonction de ces fibres nerveuses. Les ganglions sont constitués d’un amas de corps neuronaux entériques et de cellules gliales. Comme nous l’avons mentionné, au sein du SNE il existe de 2 plexi ganglionnaires majeurs. Le plexus sous-muqueux (ou de Meissner), situé à la jonction de la sous-muqueuse avec la musculeuse, et le plexus myentérique (ou d’Auerbach), situé entre les couches circulaires internes et une couche longitudinale externe de la musculeuse. Les neurones entériques sont fortement interconnectés au sein d’un même ganglion, avec les neurones des ganglions voisins, mais aussi avec les neurones appartenant aux ganglions d’un autre plexus. Ainsi, bien qu’anatomiquement distincts, les 2 plexi entériques dialoguent en permanence et agissent de concert dans les fonctions de sécrétion et de motricité [166].

b) Les neurones entériques

S’agissant d’un véritable centre nerveux, le SNE comprend des neurones afférents, des interneurones, et des neurones efférents reliés aux effecteurs (cellules musculaires lisses et glandes intestinales). Ces neurones synthétisent plus d’une trentaine de neuromédiateurs qui peuvent être des petites molécules (comme l’acétylcholine synthétisée par la Choline Acetyl Transferase (ChAT)), des peptides (comme le Vasoactive Intestinal Peptide (VIP)) ou des gaz (comme le NO synthétisé par la nNOS) (Figure 11). A noter que les neurones cholinergiques et nitrergiques constituent à eux seuls 90% de la population neuronale entérique [167].

Figure 11: Principaux neuromédiateurs classés selon leur action physiologique sur la motricité intestinale (adapté de Hansen et al. [168]).

CCK: CholéCystoKinine; GRP: Gastrin Releasing Polypeptide; PGE2: ProstaGlandine E2, SP: Substance P, TRH: Thyrotropin Releasing Hormone; NO: monoxyde d’azote; VIP: Vasoactive Intestinal Ppeptide, GABA: GAmma Butyric Acid; CGRP: Calcitonin Gene-regulated Peptide; NPY: NeuroPeptide Y; PACAP: Pituitary Adenylate Cyclase Activating Polypeptide; PHI: Peptide Histidine Isoleucine, PYY: Peptide YY.

Parmi les neurones afférents du SNE, on distingue les Neurones Intrinsèques Primaires Afférents (IPANs). Ceux-ci sont situés dans les plexi sous-muqueux et myentérique, et possèdent une ramification axonale et dendritique longue et ramifiée (Figure 12). Alors que leurs dendrites vont innerver les villosités intestinales, leurs axones vont se projeter sur les interneurones et les motoneurones des 2 plexi entériques. Dès lors, les IPANs vont pouvoir détecter toutes sortes d’informations émanant de l’environnement intestinal pour les relayer à l’ensemble des neurones du SNE, et déclencher ainsi un réflexe entérique indépendamment du SNA. Ces neurones sont sensibles à des modifications chimiques ou des stimuli mécaniques, comme les distensions intestinales ou les distorsions de la muqueuse intestinale [169, 170]. Cependant, les terminaisons nerveuses de ces neurones afférents sont séparées de la lumière intestinale par l’épithélium de la muqueuse, impliquant ainsi des composés intermédiaires pour leur activation. Parmi eux, l’implication de la sérotonine semble cruciale [171]. A titre d’exemple, dans une étude mesurant l’activité neuronale entérique en réponse à des stimuli mécaniques et chimiques, il a été montré une diminution de celle- ci suite à l’utilisation d’antagonistes aux récepteurs à la sérotonine [172].

Les interneurones, eux, possèdent de courts prolongements dendritiques et un long axone unique. Il existe 2 types d’interneurones, les interneurones ascendants (se projetant vers la bouche) et les interneurones descendants (se projetant vers l’anus). Ces neurones sont connectés entre eux formant une chaîne d’excitation ascendante ou descendante tout le long du tube digestif. De plus, comme nous l’avons mentionné, ces interneurones reçoivent également des afférences des IPANs. Dans les voies ascendantes, la transmission entre les interneurones, ou entre les interneurones et les neurones efférents moteurs, est exclusivement cholinergique [173, 174]. Les interneurones ascendants sont responsables des réflexes propulsifs permettant le déplacement du contenu luminal dans le sens oral-aboral. En revanche, il existe 3 classes d’interneurones descendants, en fonction de leurs codages neurochimiques et de leurs effets. Les interneurones exprimant ChAT/nNOS/VIP sont impliqués dans le réflexe péristaltique, ceux exprimant ChAT/somatostatine sont impliqués dans la propagation des complexes moteurs migrants de l’intestin grêle, et enfin, ceux exprimant ChAT/sérotonine sont impliqués dans les réflexes sécrétomoteurs locaux [174] (Figure 12).

Enfin, les neurones efférents sont connectés aux effecteurs. Il s’agit soit des cellules musculaires lisses, on parle alors de motoneurones, soit des glandes, des vaisseaux ou des cellules immunitaires, on parle dans ce cas-là de neurones sécrétomoteurs. Comme les interneurones, ils possèdent de courts prolongements dendritiques et un long axone unique. Les motoneurones sont surtout retrouvés dans le plexus myentérique et sont soit excitateurs soit inhibiteurs. Ils ciblent les couches musculaires circulaires et longitudinales de la musculeuse, ainsi que de la musculaire muqueuse. Les motoneurones excitateurs libèrent principalement des substances comme l’acétylcholine et les tachykinines, et entraînent une contraction musculaire. Les motoneurones inhibiteurs, quant à eux, provoquent la relaxation musculaire via la libération de NO principalement, mais aussi de VIP ou d’ATP [174, 175] (Figure 12). Concernant les neurones sécrétomoteurs, la plupart d’entre eux ont leur corps cellulaire dans le plexus sous-muqueux. On distingue 2 types de neurones sécrétomoteurs, ceux qui libèrent de l’acétylcholine, et ceux qui libèrent le VIP [174, 175] (Figure 12).

Figure 12: Innervation entérique intrinsèque (adapté de Brierly et al. [176]).

Les neurones intrinsèques ont à la fois leurs corps cellulaires et leurs projections dans l’intestin. Parmi eux, les IPANs (Neurones Intrinsèques Primaires Afférents) vont pouvoir détecter toutes sortes d’informations émanant de l’environnement intestinal pour les relayer à l’ensemble des neurones du SNE, dont les interneurones. Il existe 2 types d’interneurones, les interneurones ascendants (se projetant vers la bouche) et les interneurones descendants (se projetant vers l’anus). Ces derniers sont connectés aux effecteurs. Il s’agit soit des cellules musculaires lisses, on parle alors de motoneurones, soit des glandes, des vaisseaux ou des cellules immunitaires, on parle dans ce cas-là de neurones sécrétomoteurs. Les motoneurones sont surtout retrouvés dans le plexus myentérique et sont soit excitateurs soit inhibiteurs de la motricité intestinale. Concernant les neurones sécrétomoteurs, la plupart d’entre eux ont leur corps cellulaire dans le plexus sous-muqueux. Ainsi, l’ensemble de ces neurones entériques forment un réseau autonome qui contrôle la motilité, la sécrétion et la vasodilatation des vaisseaux sanguins indépendamment du SNA.

Ach : Acétylcholine ; VIP : Vasoactive Intestinal Peptide ; NO : monoxyde d’azote.

c) Les autres populations cellulaires du SNE

Comme nous l’avons évoqué, les cellules gliales font parties du SNE. Celles-ci sont 4 fois plus nombreuses que les neurones entériques [177], et présentent beaucoup de similitudes avec les astrocytes du SNC [178]. Elles sont majoritairement retrouvées au niveau des ganglions des plexi nerveux entériques, mais sont aussi situées le long des fibres inter-ganglionnaires, et des nerfs extrinsèques [179]. Ces cellules gliales possèdent de multiples rôles au niveau du SNE, et plus

largement au niveau intestinal. Tout d’abord, il a été observé qu’une ablation des cellules gliales entériques chez des animaux transgéniques, entraînait une dégénérescence neuronale, suggérant donc leur implication dans la survie des neurones entériques [180]. Ceci serait permis, entre autres, par l’approvisionnement de ces derniers en nutriments [178], et par la production de facteurs neurotrophiques comme le Glial-Derived Neurotrophic Factor (GDNF) [181]. A côté de cette fonction protectrice vis-à-vis des neurones, les cellules gliales jouent également un rôle dans la neurotransmission entérique. Par exemple, dans le cadre de la transmission nitrergique, la L-arginine (le substrat nécessaire à la synthèse de NO par les NOS) a exclusivement été détectée dans les cellules gliales. Dès lors, elles représentent la seule source de L-arginine pour les neurones entériques synthétisant du NO [182]. Enfin, plus récemment, il a été montré que ces cellules gliales entériques interviennent également dans le maintien de l’intégrité de la barrière épithéliale intestinale, ainsi que dans la réponse immunitaire intestinale via la sécrétion de cytokines [178, 183].

Enfin, les Cellules Interstitielles de Cajal (CIC) sont des cellules spécialisées, jouant un rôle déterminant dans le contrôle neuronal de la contraction musculaire intestinale. Il existe 2 grands groupes fonctionnels de CIC. Celles qui sont situées au niveau du plexus myentérique, il s’agit de cellules « pacemakers » générant des ondes lentes de propagation de la motricité intestinale (voir point IV-3)) [184]. La seconde population de CIC est située dans les couches musculaires intestinales, et sont fortement innervées par les motoneurones entériques excitateurs et inhibiteurs [184]. Des données récentes montrent que la transmission nerveuse motrice implique peu de synapses directes entre les neurones entériques et les cellules musculaires lisses intestinales [185]. En revanche, étant donné que les CIC intramusculaires établissent d’un côté des connections avec les terminaisons nerveuses de ces motoneurones, et de l’autre des gap jonctions avec les cellules musculaires lisses, celles-ci serviraient d’intermédiaire crucial dans cette neurotransmission intestinale [185]. A titre d’exemple, une mutation de c-kit (un marqueur clé des CIC) chez la souris, est associée à une forte diminution de la réponse inhibitrice nitrergique [186]. Il a depuis été montré que le récepteur du NO (la guanylate cyclase soluble) était exprimé dans les CIC, démontrant clairement que ces dernières constituent un relai dans la transmission neurone nitrergique-cellule musculaire lisse intestinale [184, 187].