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Chapitre 3. La surveillance populationnelle

3.2 Le système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec

La principale institution s’occupant de la surveillance au Canada est l’Agence de la santé publique du Canada (Agence).208 Hiérarchiquement, l’Agence fait partie de

Santé Canada, l’autorité fédérale en matière de santé au Canada.209 Au Québec, il

revient à l’INSPQ d’assurer les tâches de surveillance populationnelle. L’INSPQ relève directement du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

Contexte de la surveillance des maladies chroniques au Québec

Mondialement, ce n’est qu’au début des années 1990 que le concept de surveillance populationnelle s’est étendu à de nouveaux domaines comme l’environnement, la santé au travail, la prévention des blessures, les comportements à risque et enfin, les maladies chroniques.198 L’ensemble des fonctions de surveillance continue de

l’état de santé de la population québécoise, et de ses facteurs déterminants, s’effectue depuis dans le cadre de la Loi sur la santé publique210 et intègre six

objectifs spécifiques :1, 211, 212

1. Dresser un portrait global de l’état de santé de la population; 2. Observer les tendances et les variations temporelles et spatiales; 3. Détecter des problèmes en émergence;

4. Identifier les problèmes prioritaires;

5. Élaborer des scénarios prospectifs de l’état de santé de la population;

6. Suivre l’évolution au sein de la population de certains problèmes spécifiques de santé et de leurs déterminants.

Au Québec, le système de santé universel et le régime public d’assurance médicaments font en sorte que les données médico-administratives présentent une source précieuse d’informations continuelles,213 fiables et valides.214-216 Le 12

janvier 2010, une entente a été signée entre le Ministre de la Santé et des Services sociaux, la RAMQ et l’INSPQ à l’effet que ce dernier puisse exercer la fonction de surveillance des maladies chroniques dans le cadre du Plan ministériel de

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surveillance multi-thématique.217 Cette entente, impliquant la surveillance des

maladies chroniques grâce au jumelage de données médico-administratives provinciales, a été autorisée par le Comité d’éthique en santé publique du Québec218

et la Commission d’accès à l’information.211 Le Système intégré de surveillance des

maladies chroniques du Québec (SISMACQ) a été créé pour réaliser ce mandat.

Opérations du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec

Les opérations du SISMACQ sont possibles grâce à l’extraction et au jumelage des données de cinq fichiers médico-administratifs, où chaque citoyen québécois possédant une carte d’assurance maladie valide y est identifié par un code anonymisé (Figure 20, partie supérieure). Pour bien comprendre la nature des données médico-administratives, on doit garder en tête qu’elles sont avant tout destinées à des fins d’administration et surtout, de facturation. Ainsi, aucune donnée clinique n’est disponible (ex. : tension artérielle ou fraction d’éjection ventriculaire gauche), à moins d’y jumeler des dossiers médicaux de patients. La RAMQ envoie une mise à jour de ces fichiers annuellement1.

Les fichiers médico-administratifs du SISMACQ

Fichier d’inscription des personnes assurées

Dans le fichier d’inscription des personnes assurées (FIPA) figure l’éligibilité à l’assurance maladie et médicaments, quelques informations sociodémographiques et la date de décès, le cas échéant. L’indice de défavorisation matérielle et sociale, un substitut (proxy) écologique de la mesure du statut socioéconomique, y est intégré à l’INSPQ. Créé à l’INSPQ,29 cet indice regroupe six indicateurs provenant

du recensement canadien à l’échelle de l’aire de diffusion, la plus petite unité géographique de données censitaires. Ces indicateurs peuvent être assignés aux individus du FIPA grâce à un fichier de correspondance entre les aires de diffusion

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et les codes postaux présents dans le FIPA. Les six indicateurs sont divisés en deux dimensions:

1. Dimension matérielle (économique)

a. La proportion de personnes n’ayant pas obtenu un diplôme d’études secondaires;

b. Le rapport emploi-population; c. Le revenu personnel moyen; 2. Dimension sociale

a. La proportion de personnes veuves, séparées ou divorcées; b. La proportion de personnes vivant seules;

c. La proportion de familles monoparentales.

Fichier des hospitalisations

Le fichier des hospitalisations (Maintenance et exploitation des données pour l’étude de la clientèle hospitalière, MED-ÉCHO) contient des informations sur les séjours en centres hospitaliers québécois (lieu, provenance et destination au congé), les services fournis, les niveaux de soins engagés, les diagnostics (un diagnostic principal et plusieurs diagnostics secondaires) posés et les interventions reçues. Les diagnostics sont codés selon la Classification internationale des maladies (CIM), dont la dixième édition est utilisée depuis le 1er avril 2006. Les interventions sont

quant à elles codées selon la Classification canadienne des actes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicaux (CCADTC) avant le 1er avril 2006 c’est-à-dire en

association avec la CIM-9 et selon la Classification canadienne des interventions en santé (CCI) par la suite.219, 220

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Fichier des décès

Le ficher des décès contient la date de décès ainsi que les causes principale et contributive(s) codées selon la CIM. L’information provient du médecin ayant constaté le décès ou du coroner. Ce fichier fait exception à la mise à jour annuelle, puisqu’il présente des délais administratifs de quelques années par rapport aux autres fichiers.

Fichier des services médicaux rémunérés à l’acte

Le fichier des services médicaux contient de l’information notamment sur le type de professionnel ayant prodigué les soins (ou sa spécialité), le lieu du service, les codes d’acte ou d’intervention médicale ayant eu lieu, et optionnellement, un code de diagnostic associé au service médical. Parmi les limites de ce fichier figure d’abord le fait que le code de diagnostic soit optionnel pour qu’un médecin soit rémunéré par la Régie de l’assurance maladie du Québec, menant ainsi à une proportion de 18,8 % de services médicaux dont le diagnostic associé est manquant en 2014-2015 (données internes du SISMACQ). Par ailleurs, certains services médicaux rendus par des médecins qui ne sont pas rémunérés à l’acte, mais plutôt à salaire ou à « forfait » (24 % des médecins québécois en 2010-2011), dont les services médicaux sont fournis directement par le gouvernement fédéral et ceux fournis à l’extérieur de la province, ne sont pas comptabilisés dans ce fichier.1

Fichier des services pharmaceutiques

Le fichier des services pharmaceutiques contient des informations relatives aux demandes de remboursement de médicaments réclamés par les assurés du Régime public d’assurance médicaments, incluant les codes d’identification des médicaments, la dose et la quantité servie, le nombre de renouvellements autorisés, la date de service et la durée du traitement, la spécialité du prescripteur, etc. Bien

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que la majorité de la population québécoise âgée de 65 ans et plus y figure, ainsi que tous les citoyens n’ayant pas accès à une assurance médicaments privée (travailleurs autonomes, au privé ou sans emploi et prestataires de l’aide financière de dernier recours), en ce qui concerne le fichier des services pharmaceutiques du SISMACQ, il ne contient actuellement (automne 2017) que l’information sur les personnes âgées de 65 ans et plus assurés pas l’assurance médicaments publique.

Champs d’activités

L’équipe d’analystes et de statisticiens travaillant au Bureau d’information et d’études en santé des populations,221 l’une des directions de l’INSPQ, est en charge

d’accomplir les tâches du mandat de surveillance des maladies chroniques du Québec à l’aide du SISMACQ (Figure 20, partie centrale et inférieure). Outre la surveillance des maladies chroniques, il incombe à cette équipe d’analyser l’information médico-administrative du SISMACQ, de la diffuser aux décideurs et au réseau de la santé (via l’Infocentre) ainsi qu’au grand public (via Santéscope), d’analyser la santé sous l’aspect des inégalités sociales et territoriales (ex. : par des enquêtes populationnelles), de fournir un soutien méthodologique à l’ensemble des acteurs en santé publique, au Québec, etc. De façon détaillée, pour la surveillance des maladies chroniques, les thématiques étudiées sont les troubles mentaux et neurologiques, le diabète, les maladies ostéo-articulaires, les maladies respiratoires, les traumatismes, le suicide et bien entendu, les maladies cardiovasculaires.221 En

plus de ces grandes familles de maladies, la surveillance de la multi-morbidité et de la polypharmacie est aussi intégrée au mandat global de surveillance des maladies chroniques. Le Bureau d’information et d’études en santé des populations est un milieu accueillant des étudiants et stagiaires universitaires, qui contribuent par leurs travaux, à alimenter et bonifier le mandat de surveillance des maladies chroniques.

86 Activités exclues

En cohérence avec les grands principes de surveillance en santé publique,198 la Loi

québécoise sur la santé publique210 et le mandat ministériel de surveillance des

maladies chroniques,217 toutes les activités de recherche purement académique ou

de l’industrie sont exclues du SISMACQ. Actuellement, parmi les autres activités ne cadrant pas avec le mandat ministériel, se trouvent le jumelage de données financières permettant des analyses pharmaco-économiques, des analyses de performance du système de santé ou de ses composantes connexes, et l’émissions de recommandations quant à l’utilisation optimale des ressources dans le secteur de la santé, des tâches actuellement sous la responsabilité de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), voisine de palier gouvernemental de l’INSPQ.222 Enfin, bien que certains analystes et statisticiens du

Bureau d’information et d’études en santé des populations commencent à aborder la thématique, notons qu’aucune activité systématique de pharmacovigilance ne fait encore partie des activités régulières et officielles du mandat de surveillance des maladies chroniques.

Où se situe l’étude de cette thèse?

Les études qui seront présentées dans cette thèse rassemblent des activités de pharmacovigilance, un champ d’activité émergeant en surveillance populationnelle au Québec. Spécifiquement, le projet a permis d’évaluer et de détecter des signaux de pharmacovigilance en quantifiant l’utilisation des soins de santé (indicateurs) associés à la commercialisation des médicaments génériques (déterminant), cette commercialisation étant hautement encadrée par les autorités de santé (ex. : Santé Canada)13 et affectant potentiellement l’ensemble de la population à risque. À noter,

bien que les termes « recherche », « étude », ou leurs équivalents anglophones, « research », « study », soient utilisés pour décrire les activités ayant permis de réaliser le projet au cours de cette thèse, il s’agit bien d’activités conduites dans le cadre d’un mandat de surveillance gouvernemental.211

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Figure 20. Opérations du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec

Adapté de Blais C et al., 20141

Identifiant unique Services médicaux Services pharmaceutiques* Hospitalisations Décès Fichier d’inscription des personnes assurées

Extraction et jumelage des données médico-administratives

Analyses et production des déterminants et indicateurs Maladies ostéoarticulaires Multimorbidité et polypharmacie Troubles mentaux Maladies respiratoires Diabète Maladies cardiovasculaires

Interprétation, dépôt et diffusion des informations Indicateurs pour l’Infocentre de santé publique Publications gouvernementales Articles scientifiques

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