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Système d’Information Géographique et géomatique

Le développement des techniques de cartographie durant le XXe siècle est étroitement associé à l’apparition des systèmes de calcul automatisé, des ordinateurs et des procédures computationnelles. Celles-ci prennent progressivement la forme de logiciels, de langages de programmation, de techniques de stockage et de structuration de bases de données. Ces développements sont soutenus par différents programmes nationaux notamment en Amérique du nord à travers des financements militaires et cette géodésie naissante est issue pour partie de la guerre froide (Desbois 2016). Dès les années 50, par exemple, le projet SAGE (Semi-Autonomous Ground Environment), compose un système de défense à travers la constitution d’un réseau de radars, censé détecter automatiquement un mouvement aérien hostile, centraliser les informations pour commander et coordonner une réponse militaire. Un des volets du dispositif établit une représentation cartographique en temps réel de la position des forces aériennes. Dans les années 1960, l’un des premiers Système d’Information Géographique (SIG) est développé au Canada. Le Canada Geographic Information System (CGIS) nait d’une collaboration entre services gouvernementaux et entreprises privées, il a notamment pour objectif d’établir un inventaire des ressources naturelles du pays. Il donne lieu à la mise au point de techniques de relevé laser, de vectorisation des images ou de stockage des informations numérisées. A l’université d’Harvard, le Laboratory

for Computer Graphics and Spatial Analysis (LCGSA) est fondée en 1965 par Howard

Fisher (1903-1979). Celui-ci travaille au programme SYMAP (SYnagraphic MAPping) dont la caractéristique repose sur la possibilité, non seulement de représenter le territoire à travers une décomposition de ces composantes, mais également de manipuler ces variables dans un même environnement graphique. Cet outil facilite ainsi les activités de conception, en construisant des représentations nouvelles, en permettant des traitements graphiques, en élaborant des visualisations stratégiques. La représentation visuelle des données devient centrale dans les activités de planification urbaine, paysagère et architecturale (Monchaux 2016). En 1969, l’un des membres associés du LCGSA, Jack Dangermond (1945-), fonde le Environmental System

Research Institut (ESRI) qui reste aujourd’hui encore un acteur majeur de l’édition des

logiciels géographiques. Progressivement des standards de description sont établis et des sociétés savantes s’organisent. Durant les années 70-80 plusieurs campagnes de relevé sont financées par les gouvernements nord-américains et européens (Waters 2017).

Le terme de géomatique est proposé par Bernard Dubuisson, géomètre et photogrammètre français, il décrit avec ce néologisme l’intégration des techniques informatiques et des sciences de la géographie, pour acquérir, stocker, traiter et diffuser des informations à références spatiales. La description des activités humaines et des phénomènes naturels s’appuie sur la manipulation d’informations. Celles-ci font l’objet de traitement de deux types. L’un sémantique, il offre une description des attributs de l’objet, et l’autre géométrique, il permet de spécifier une forme et une localisation. Initialement intégré à des systèmes centralisés de production et de gestion de l’information, les méthodologies SIG se trouvent depuis la fin des années 1990 associées à des pratiques participatives (Public Participation in GIS (PPGIS)). Ces approches se caractérisent par des démarches moins quantitatives et elles mobilisent les habitants dans la cartographie de leur cadre de vie. Depuis le début des années 2000, ces pratiques cartographiques se renforcent avec l’activité de cartographes volontaires rassemblés en communautés de passionnés ou d’utilisateurs. L’information géographique proposée par un volontaire (Volunteered Geographic Information (VGI)) se démocratise avec l’usage des outils de cartographie en ligne (web-based mapping), comme OpenStreetMap, OpenImageMap ou Google Earth, avec les techniques de géolocalisation (Global Positioning System, (GPS)) ou avec l’informatique en nuage (cloud computing) (Waters 2017). Une forme de cartographie ou de néo-géomatique émerge en s’appuyant sur les techniques de communication et d’information. Nous distinguons les outils de cartographie en ligne (webmappping), des web SIG. Les premiers limitent leurs fonctionnalités à des opérations d’affichage de données géo-référencées et distribuées via le réseau internet et proposent une interface web de consultation. Les web SIG sont des solutions plus riches permettant d’acquérir, d’analyser et d’afficher des données, ces outils intègrent certaines des fonctionnalités des logiciels SIG traditionnels, en s’appuyant sur un fonctionnement en réseau et en exploitant les langages de programmation du web (javascript par exemple). D’autres expérimentations proposent des outils participatifs en s’appuyant sur les fonctionnalités des modeleurs paramétriques et exploitent les fonctionnalités d’interaction avec les données urbaines pour envisager un processus d’urbanisme participatif (Schulz et al. 2018).

3.1.3. La graphique

Pour compléter la délimitation de la notion de cartographie, il nous paraît nécessaire de faire référence à Jacques Bertin (1918-2010), fameux représentant de la sémiologie graphique. Jacques Bertin fonde en 1957, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris (EHESS), le Laboratoire de Cartographie, qui deviendra rapidement le Laboratoire de Graphique. Acteur majeur des recherches en matière de visualisation des données, il synthétise ces travaux dans un ouvrage intitulé Sémiologie Graphique (Bertin 1967). La graphique constitue une science de la représentation visuelle des informations, elle se distingue du graphisme. Elle « utilise les propriétés du plan pour faire apparaître les relations de ressemblance, d’ordre ou de proportionnalité entre des ensembles de données45 ». La graphique s’intéresse principalement aux relations de ressemblance, d’ordonnancement et de proximité entre des signes. Elle est un système de signes qui constitue des diagrammes, des réseaux ou des cartes. Nous précisons cette typologie.

Une carte géographique reproduit la disposition d’éléments à la surface de la terre. Ce rapport analogique présente un double avantage, il fournit une information de proximité et il constitue une forme de référence. La carte permet ainsi d’introduire une information externe qui facilite l’interprétation et la décision.

Les diagrammes caractérisent la mise en relation de plusieurs ensembles d’éléments, sans nécessairement conserver des relations de proximités géométriques. Les relations construites entre les éléments d’un seul ensemble construisent quant à eux un réseau (Bertin 1977).

Les cartes, les réseaux et les diagrammes sont des moyens privilégiés de découvrir des structures et des organisations au sein des ensembles de données. Nous reviendrons dans le chapitre intitulé techniques de cartographie sur les apports de la graphique à la mise en forme de l’information, en considérant un ensemble de règles, contraintes, intérêts et limites formulés par Bertin pour guider la réalisation d’une représentation visuelle.