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Des algorithmes au raisonnement inductif

Les techniques de l’intelligence artificielle mettent en œuvre et combinent des processus stochastiques ou des raisonnements basés sur des corrélations ou des statistiques, elles permettent de résoudre un problème complexe sans avoir à établir l’ensemble des règles de traitement. Dans le champ de l’architecture ces méthodes ont été principalement utilisées pour la génération ou la reconnaissance de formes, l’exploration de l’espace des solutions, l’optimisation ou la catégorisation des solutions. Aujourd’hui leurs usages s’élargissent aux domaines de la fabrication

robotisée, aux environnements interactifs, ou s’appliquent à des échelles urbaines.

Algorithme évolutionnaire :

Dans les années 1960-70, quatre familles d’algorithmes sont mises au point : Les

stratégies d’évolution, la programmation évolutionnaire, la programmation génétique

(Kosa et al. 1999; Coates 1996; Coates, Broughton, et Jackson 1999) et les algorithmes

génétiques (Holland 1992; M. Mitchell 1996). Leurs fonctionnements se calquent sur

la théorie de l’évolution naturelle formulée par Darwin, ils constituent des métaheuristiques d’optimisation, basée sur des processus stochastiques itératifs, ils sont utilisés pour résoudre des problèmes d’optimisation difficile. Ces algorithmes passent par une distinction entre le génotype, qui constitue la description encodée de l’individu, sur lequel s’opèrent les manipulations de croisement et de mutation, et le phénotype qui révèle la traduction du gène. Les objectifs à atteindre sont exprimés à l’aide de fonctions

objectifs. Les biomorph de Richard Dawkins présentent des premières illustrations de

génération de formes à travers des croisements et mutations successives (Dawkins 1986), Gero (Gero et Kasakov 1996) et Coates (Coates 2010) l’ont appliqué à la conception urbaine, Caldas (Caldas 2001) et Hensel (Hensel, Menges, et Weinstock 2010) à la génération de formes architecturales, l’auteur a proposé d’intégrer dans les boucles évolutionnaires des contraintes « solaires passives » (Marin, Bignon, et Lequay 2009) .

Une autre expérimentation de mise en œuvre d’un algorithme génétique est illustrée par les Figure 10 et Figure 11. Le travail porte sur la conception générative d’un verre à vin. Les caractéristiques du profil de la forme en révolution sont traduites à l’aide du dessin d’une courbe nurbs. Les positions des points de contrôle de la courbe évoluent à l’intérieur d’un intervalle prédéfini. Cette modification de la courbe génératrice transforme les qualités du récipient. Des fonctions objectives sont définies pour orienter l’exploration de l’espace des solutions et privilégier celles dont la morphologie est compatible avec la fonction du verre à vin : un volume de calice souhaité, une surface de contact entre le liquide et l’air, un volume du nez favorisant la diffusion des effluves. Une population ordonnée de verres est générée (Figure 11).

Figure 10. Principe de paramétrisation du verre pour la génération et l’optimisation à l'aide d'un algorithme génétique. a) éléments constitutifs du verre, terminologie du verre et dimensionnements du

Figure 11. Génération d'une population de verres à l'aide d'un algorithme génétique. Travaux de l’auteur, 2018

Au début des années 2000 les algorithmes génétiques interactifs (IGA) font leurs apparitions, ils intègrent dans le processus de sélection une interaction humaine qui

peut ainsi orienter l’évolution des populations dans une direction privilégiée. L’usage de ces outils au sein de processus de conception créatif a été notamment exploré par les équipes du laboratoire MAP 32 à l’occasion du programme de recherche Eco-Conception-Générative (Marin et al. 2012) (Figure 12). Ces travaux visent à développer des outils évolutionnaires interactifs pour caractériser les modalités de collaboration entre la machine et le concepteur dans une perspective de conception créative. Un second exemple récent d’IGA est mis en œuvre dans le projet Biomorpher (J. Harding et Brandt-Olsen 2018) il propose une solution intégrée à l’environnement de conception paramétrique Grasshopper, et permet de définir l’espace paramétrique à explorer, les fonctions d’optimisation à atteindre et offre des fonctionnalités d’interaction homme-machine pour guider et orienter les sélections et mutations des individus au fil du processus évolutionnaire.

Figure 12. Interface de l'outil de conception évolutionnaire Éco-Conception Générative, projet ANR, équipe du laboratoire MAP CNRS-MCC

Les réseaux de neurones

Un second groupe d’algorithmes constitue le domaine de l’intelligence artificielle, il rassemble l’ensemble des approches à base d’agents et notamment les réseaux de neurones. Ces algorithmes reposent sur la modélisation mathématique d’un réseau de neurones. Le neurone utilise des valeurs en entrée pour leur appliquer un poids et produire une somme qui à partir d’un certain niveau active le neurone. Ce fonctionnement constitue un model formel de neurone artificiel à seuil binaire, il est appelé perceptron, il définit un état synaptique en fonction de la somme pondérée des valeurs d’entrée (Figure 13 et Figure 14). L’évaluation de l’erreur en sortie devient une nouvelle entrée et constitue un feedback négatif, rendant le système adaptatif. Ce sont les poids des pondérations qui sont les paramètres ajustables, le but de l’apprentissage est de trouver les valeurs qui donnent les bonnes réponses dans la phase d’apprentissage, et qui pourraient convenir pendant la phase de test. La machine a la capacité de s’adapter de manière inductive sans avoir une connaissance des concepts et des représentations qu’elle manipule. Il n’y pas une programmation d’un modèle mais plutôt la constitution d’un réseau d’entités élémentaires dont les pondérations évoluent en fonctions des données en entrée et en sortie. Le système de représentation des données prend une forme purement numérique, celle d’un vecteur33, sur lesquels sont appliquées des calculs statistiques. L’apprentissage s’opère progressive de manière supervisée, en utilisant des informations annotées, ou de manière non-supervisée34

(Jackson 2018).

Ces démarches caractérisent une approche connexionniste qui envisage les activités de la pensée comme une forme de calcul parallèle de fonctions élémentaires. Celles-ci sont réparties au sein du réseau et les propriétés émergentes du système se constituent à travers ses interactions locales. Cette vision s’oppose au courant symbolique, fortement instigateur des systèmes experts, et qui privilégie les activités de calcul sur des symboles portant des valeurs sémantiques et permettant de manipuler des représentations de haut niveau (Cardon, Cointet, et Mazières 2018). Les chercheurs en intelligence artificielle, et particulièrement en matière de réseaux de neurones, ne programment pas les règles qui permettent de résoudre un problème mais utilise les

33 Nous utiliserons le terme de vectorisation pour faire référence à ces descriptions mathématiques du monde.

34 Différentes méthodes sont explorées pour réaliser ces apprentissages à partir d’importants corpus de données. Pour en citer quelques uns, ces algorithmes s’institulent Artificial Neural Network (ANN), Deep Neural Network (DNN), Generative Adversarial Neural Network (GANN), Recurent Neural Network (RNN).

fonctionnalités d’apprentissage des machines, pour progressivement constituer un programme capable de traiter intelligemment des quantités importantes de données. Les règles ne sont pas écrites, la procédure de traitement des données se construit progressivement à travers l’apprentissage de l’algorithme.

Figure 13. Modèle perceptron, activation de la synapse en fonction du résultat de la somme pondérée des valeurs d'entrée.

Figure 14. Réseau de neurones, perceptron multicouches, illustration de l'auteur

2.6 PREEMINENCE DU FLUX INFORMATIONNEL