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Chapitre 5 : Résultats des approches expérimentale et numérique du transport de

5.4 Synthèse sur les expérimentations batch et colonne

La cinétique des réactions observées lors des essais en batch décrit des réactions de dissolution/précipitation assez lentes pour les éléments traces mesurés dans les trois déchets étudiés. En effet, la basicité du milieu réduit la mobilisation des métaux (Fe, Mn, Zn, Cu) dans le crassier. Ils forment alors pour la plupart des liaisons peu solubles avec les silicates, les carbonates et les oxydes basiques. En conséquence, le caractère alcalin du technosol rend indisponible les métaux plus nuisibles qui se dissolvent alors très faiblement à l’exception du calcium qui en tant qu’hydroxyde se dissout partiellement dans les eaux d’infiltration. Ceci

0 2 4 6 8 0.01 0.1 1 10 100 1000 10000 V o lume t o tal d e part ic u les (%)

Diamètre des particules (µm) M1 L2 L3 a) 0 2 4 6 8 0.01 0.1 1 10 100 1000 10000 V o lume t o tal d e part ic u les (%)

Diamètre des particules (µm) M1

L2 L3

152 explique le faible taux de relargage des éléments traces métalliques lors des essais en batch et en colonne et donc un risque de contamination faible pour les eaux de la nappe phréatique. De plus, les métaux contenus dans la phase primaire des laitiers et ceux piégés dans les réseaux cristallins sont difficilement mobilisables.

D’un point de vue qualitatif, les lixiviats des laitiers de fusion se caractérisent par une teneur élevée en calcium, souvent au-dessus de 100 ppm, ce qui s'explique par la grande instabilité et la dissolution rapide des minéraux de haute température du laitier. Cela impose un pH élevé, autour de 12, qui conditionne le comportement des autres éléments : les teneurs sont élevées (dans la gamme 0,1–5 ppm) en silicium et aluminium et, pour les éléments susceptibles de former des oxyanions, le chrome et le molybdène (ions chromates et molybdates). Elles sont par contre très faibles (1–10 ppb) dans les éléments tels que Fe, Mg, Cu, Zn, qui sont présents en solution sous forme surtout cationique et précipitent comme hydroxydes ou tendent à s'adsorber aux surfaces favorables en particulier les hydroxydes de fer.

Ces caractéristiques sont typiques des lixiviats et plus généralement des lixiviats basiques comme le démontre Cornelis, et al. (2008). Ils se sont intéressés aux mécanismes contrôlant la lixiviation des espèces métalliques et métalloïdes oxyanioniques dans les déchets solides à pH très basique. Il ressort que les mécanismes d’adsorption et la formation de solutions solides associés au pH basique réduisent probablement les concentrations lixiviées des oxyanions et surtout des métaux cationiques en-dessous de la solubilité des phases pures.

La solubilité du Cr III étant très faible en milieu basique, le chrome présent à haute teneur dans les lixiviats est nécessairement, en grande majorité, sous forme oxydée Cr VI. La présence de chromate est d'ailleurs confirmée par les analyses en chromatographie ionique. Il faut, à pH 12, des conditions réductrices extrêmes pour que les espèces chromiques (Cr III) aient une part significative dans la spéciation du chrome, et on peut considérer que de telles conditions ne peuvent être réalisées dans le milieu poreux relativement ouvert qui nous intéresse. Le fer est abondant dans le laitier de fusion. Il est, dans la wustite, à l'état ferreux (Fe II), mais il est à l'état ferrique dans le matériau altéré. Son oxydation va en grande partie consommer l'oxygène apporté par l'eau infiltrée et imposer des conditions relativement réductrices. Cela peut évoluer avec le vieillissement du laitier et la neutralisation progressive du matériau ferreux réduit.

Pendant les expérimentations, il a été remarqué qu’une injection en continu d’une suspension de déchets (< 63 µm) sur des substrats tamisés peut entraîner la mobilisation de particules en sortie des colonnes aussi bien dans les zones saturée et non saturée. Environ 20 % des particules injectées ont été récupérées en sortie sur 1,5 volume des pores. Toutefois, d’autres essais sur des durées plus longues sont nécessaires pour confirmer cette tendance. L’effet de l’augmentation de la force ionique sur la mobilisation des déchets sidérurgiques reste difficile à prouver. Pour les essais de pluies simulées sur des matériaux non tamisés, c’est le déplacement des interfaces air-eau qui mobilise les particules dans la zone non saturée à la fin des cycles d’infiltration d’eau et au début du drainage. Les essais de répétabilité réalisés sur un laitier de fusion et un mélange révèlent une mobilisation aléatoire de particules présentes dans

153 le système pour des modes opératoires identiques. L’hétérogénéité de composition chimique et granulométrique des déchets semble être à l’origine de ces observations.

La simulation des apports de pluie successifs sur deux mois avec temps de pause, montre une légère diminution du pool de particules potentiellement mobilisables qui tend à se stabiliser à mesure que les essais sont prolongés. La fraction particulaire, mobilisée lors de ces apports de pluie, a une granulométrie moyenne de 200 µm. L’analyse de la distribution des trois déchets M1, L2 et L3 avec le granulomètre laser montre que leurs courbes ont des allures similaires. Peu de particules fines (< 63 µm) ont été mesurées avec une proportion moyenne en-dessous de 1 % (rapporté au volume total par lixiviat). Les quantités de particules mobilisées avoisinent 500 mg.L-1 des lixiviats. Des teneurs dépassant 1 000 mg.L-1 ont parfois été mesurées dans le mélange 1 qui renferme plus de fractions fines. Le tableau ci-dessous résume les simulations d’apports de pluie en colonnes expérimentales (conditions non saturées) et les proportions de particules mobilisées.

Tableau 5.5 : Récapitulatif des simulations d’apports de pluie et évaluation qualitative des particules mobilisées

Type de pluie pluviométrique Intensité expérimentales Conditions Matériaux mobilisées Particules

Infiltration régulière et

ponctuelle 0,78 cm.min-1

Infiltration (eau équilibre) et drainage sur 3 Vporal

M1 + +

L2 +

Infiltration régulière et

successive 0,78 cm.min-1

Infiltration (eau équilibre) et drainage sur 7 Vporal

M1 + + +

L2 +

Infiltration régulière, successive puis intense

et répétée

0,78 cm.min-1

et 1,31 cm.min-1

après 5 Vporal

Infiltration (eau ultra pure) et drainage sur

7 Vporal

M1 + + +

L2 + +

L3 +

Légende : +++ : forte mobilisation ; ++ : mobilisation moyenne, + : faible mobilisation Comparativement aux laitiers L2 et L3, les substrats constitués avec le mélange 1 mobilisent plus de particules en sortie, quel que soit le type de pluie simulée, et ce, compte tenu de leurs teneurs en fractions fines qui sont relativement plus élevées. Une infiltration régulière et successive favorise le détachement des particules éluées dans le cas du mélange 1. Seule une augmentation des intensités pluviométriques entraîne une hausse des teneurs en particules mobilisées pour le laitier 2 et est sans influence significative sur le laitier L3.

D’un point de vue contamination, l’intensité de la pluie associée à un temps de pause plus long favorise une hausse des quantités de métaux relarguées. Comme attendu, ce sont les laitiers de fusion qui semblent relarguer le plus d’éléments (Cr, Al, Mo) et ceci au regard de leurs teneurs en éléments métalliques qui apparaissent plus élevées que celles des laitiers d’affinage. Ces éléments mobilisables ont également été mis en évidence dans les études du programme Physafimm. Parmi les trois déchets sur lesquels ont porté les expérimentations en colonne, c’est le laitier L2 qui présente le risque le plus élevé de relargage en éléments traces et principalement en chrome. Le laitier de fusion L3 relargue des quantités moins importantes de métaux en comparaison avec le laitier le plus ancien, L2. Le vieillissement naturel de ce

154 dernier facilite à terme la lixiviation de certains éléments notamment le chrome. Pour le mélange M1, des teneurs élevées ont été constatées en Mg et ponctuellement en Fe, Si, Al, Mo puis dans une moindre mesure en Cr. Le calcium reste l’élément le plus facilement lixiviable.

Les eaux d’infiltration au contact du crassier libèrent les ions Ca2+ par dissolution des silicates calciques et de la portlandite. Baciocchi, et al. (2009), ont montré que dans les conditions ambiantes, la température est le paramètre qui influence le plus cette dissolution des silicates calciques. Les ions Ca2+, une fois libérés, et en présence du CO2 atmosphérique, forment de la calcite (CaCO3) sur les couches supérieures du crassier suivant les réactions :

CO2, aq + H2O → CO32−+ 2H+ R17

Ca2++ CO32−→ CaCO3 R18

Cette carbonatation superficielle constitue une "couche de protection" temporaire sur la surface du minéral et ralentit son altération mais n’empêche ni l’infiltration en profondeur de l’eau dans le crassier ni le vieillissement progressif de celui-ci. Elle réduit également la lixiviation des minéraux alcalins et, en parallèle, le relargage de certains éléments nuisibles comme Cr(VI) et V (Navarro, et al., 2010).

5.5 Résultats de la modélisation du transport en colonne avec