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CHAPITRE 1 : ÉTAT DE L’ART

3.1 Propriétés structurales et cristallographiques

3.3.6 Synthèse sans toluène

Une synthèse sans toluène qui n’est autre qu’un procédé simplifié de la méthode de Schlesinger est décrite dans des brevets de la société Dow Chemical datant de 1974 [52], [53].

La première étape de cette synthèse est identique à la méthode de Schlesinger, à savoir un mélange des réactifs LiAlH4 et AlCl3 dans des proportions molaires 4:1 suivi par une filtration

pour éliminer le chlorure de lithium (réaction 26). L’ajout de LiBH4 dans le mélange

réactionnel est toujours nécessaire. La solution réactionnelle est ensuite évaporée sous pression réduite à température ambiante entrainant la précipitation de l’alane éthéré, de LiAlH4 et de LiBH4.

L’alane α est ensuite obtenu par un traitement thermique sous vide du mélange solide contenant l’alane éthéré, l’excès de LiAlH4 et de LiBH4 (réaction 27). Il consiste à soumettre

le mélange à une température comprise entre 55 et 75 °C pendant une durée allant de 15 min à 24 h. 4 𝐿𝑖𝐴𝑙𝐻4 + 𝐴𝑙𝐶𝑙3 Et2O → 4 𝐴𝑙𝐻3∙ 𝑛𝐸𝑡2𝑂 + 3 𝐿𝑖𝐶𝑙 + 𝐿𝑖𝐴𝑙𝐻4 (26) 4 𝐴𝑙𝐻3∙ 𝑛𝐸𝑡2𝑂 + 𝐿𝑖𝐴𝑙𝐻4 + 𝐿𝑖𝐵𝐻4 55−75 °𝐶 𝛥 → 4 𝐴𝑙𝐻3+ 𝐿𝑖𝐴𝑙𝐻4+ 𝐿𝑖𝐵𝐻4 (27)

Enfin, un lavage avec de l’éther diéthylique permet d’éliminer l’excès de LiAlH4 et de LiBH4.

La phase γ de l’alane peut également être synthétisée par cette méthode en réalisant un traitement thermique à 35 °C pendant 1 h. Selon ces brevets, un changement de phase cristalline est observé au cours du traitement thermique. Dans un premier temps, la phase γ orthorhombique se forme, puis la phase β rhomboédrique apparaît et se transforme en phase α hexagonale qui est la plus stable. L’ajout de LiBH4 a pour but de réduire la température du

traitement thermique nécessaire à la formation de la phase α et d’améliorer son rendement en favorisant la formation de la phase β puis α. Afin de mettre en évidence ce changement de

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phase au cours du traitement thermique, des prélèvements sont réalisés toutes les heures pendant celui-ci et le pourcentage de chaque phase est décrit dans le Tableau 18.

Tableau 18 : Pourcentage des phases cristallines présentes dans AlH3 formé au cours du traitement thermique de l’alane éthéré [53]

Pourcentage de AlH3

Temps, h α-AlH3 β-AlH3 γ-AlH3

0 0 0 0 1 0 80 20 2 10 80 10 3 35 60 5 4 55 40 5 6 75 25 0

Dans la littérature, cette méthode est ensuite remplacée par la synthèse classique de Schlesinger utilisant la cristallisation dans un autre solvant organique, le benzène ou le toluène. La méthode de synthèse sans toluène ne réapparaît dans la littérature qu’en 2005 dans les travaux de Graetz et en 2013 dans ceux de Xu et al. [28], [54]. Graetz et al. utilisent un traitement thermique différent avec une température de 65 °C et une durée de 3 h pour former de l’alane α [28]. Un ajout de LiBH4 est aussi nécessaire comme dans la synthèse avec le

toluène mais en plus grandes proportions. En effet, dans la synthèse par cristallisation dans le toluène, le rapport molaire est LiAlH4/ AlCl3/LiBH4 : 4/1/1, alors que lors de la synthèse sans

toluène, le rapport molaire est 4/1/2. Il y a donc 2 fois plus de LiBH4.

Les phases α, β et γ sont ainsi obtenues par désolvatation de l’alane éthéré. Par cette synthèse sans toluène, l’alane éthéré AlH3·1,2 Et2O obtenu a cristallisé par évaporation de l’éther sous

vide à température ambiante suivie d’un traitement thermique en présence ou non de LiBH4,

ce qui va favoriser la formation de la phase cristalline α, β ou γ de l’alane. Aucune information n’est fournie par les auteurs sur la caractérisation utilisée pour déterminer l’indice de coordination de l’alane éthéré.

Dans le Tableau 19 sont regroupées les conditions opératoires utilisées par Graetz et al. pour la synthèse des phases α, β et γ [28].

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Tableau 19 : Conditions opératoires de synthèse des phases α, β et γ sans toluène [28]

Phases cristallines de l’alane α β γ

LiAlH4/AlCl3/LiBH4 mol/mol/mol 4/1/2 4/1/2 8/1/0

LiAlH4/AlCl3/LiBH4 g/g/g 3,41/3/0,98 3,41/3/0,98 6,82/3/0

Quantité d’éther pour 2 g de AlH3 200 mL 130 mL 260 mL

Conditions d’évaporation de l'éther 20 °C, pression réduite 20 °C, pression réduite pression 20 °C, réduite

Traitement thermique sous pression réduite d’environ 2,0 10-3

mbar 65 °C, 3 h 65 °C, 45 min 60 °C, 2 à 4 h

Les avantages de cette synthèse par rapport à la voie utilisant le toluène sont visibles dans le Tableau 20. La comparaison du prix (au niveau du laboratoire, tarifs de 2014) entre les deux synthèses est présentée dans le Tableau 21.

Tableau 20 : Avantages et inconvénients de la synthèse sans toluène

Avantages Inconvénients

Moins de solvant

Ex. pour 2 g AlH3: 200 mL contre 700 mL avec toluène 2 fois plus de LiBH4

Pas de distillation du mélange éther/toluène

Tableau 21 : Évaluation du coût en réactifs et solvants de la synthèse de 2 g d'alane environ avec et sans toluène (rendement estimé à 75 %)

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Sans toluène Avec toluène

éther (200 mL) 12,58 € éther (200 mL) 12,58 € LiAlH4 à 1 mol L-1 (90 mL) 25,20 € LiAlH4 à 1 mol L-1 (90 mL) 25,20 €

AlCl3 (3 g) 40,92 € AlCl3 (3 g) 40,92 €

LiBH4 (0,98 g) 9,35 € LiBH4 (0,49 g) 4,77 €

Toluène (500 mL) 32,15 €

Total 88,05 € Total 115,62 €

La réduction par plus de 3 de la quantité totale de solvant est le principal atout de cette synthèse permettant non seulement de réduire le coût de la synthèse de près de 25 % mais également de réduire le volume des réacteurs nécessaires à la synthèse.

Xu et al. utilisent des conditions opératoires différentes ; ils réalisent un traitement thermique à 65 °C pendant 6 h et conservent une proportion molaire des réactifs de AlCl3/LiAlH4/LiBH4 : 1/4/1 [54]. La morphologie de l’alane obtenu, présentée sur la Figure

34, met en évidence une structure en pavé droit d’environ 50-100 μm.

Figure 34 : Image MEB d’un cristal d’alane α obtenu par la synthèse sans toluène [54] La première différence notable dans cette voie de synthèse est l’utilisation de deux fois plus de LiBH4. En effet, le rapport molaire des réactifs AlCl3/LiAlH4/LiBH4 est de 1/4/2, sauf pour

Xu et al. qui utilisent toujours un rapport molaire 1/4/1 avec une faible température de traitement thermique, ce qui est en contradiction avec les conditions opératoires des brevets de Dow Chemical. La seconde différence est l’absence d’un deuxième solvant organique

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simplifiant la synthèse de l’hydrure d’aluminium. Ces brevets traitent donc d’une synthèse des phases γ, β et α sans l’utilisation d’un deuxième solvant tel que le benzène ou le toluène. À noter que la phase β est une phase intermédiaire qui se forme lors du passage de la phase γ vers la phase α pendant le traitement thermique.

Ce sont les conditions du traitement thermique (température et durée) et la présence ou l’absence de LiBH4 qui influenceront la formation de la phase cristalline γ ou α. Ces

conditions restent cependant très vagues allant de 55 à 75 °C pour la température du traitement thermique et de 15 min à 24 h pour la durée. Depuis 2005, même si la majorité des articles traite d’une synthèse avec toluène, un attrait pour la synthèse sans toluène semble malgré tout apparaître aux USA et en Chine.

3.3.7 Conclusion

Parmi toutes ces voies de synthèse de l’hydrure d’aluminium, la plus utilisée dans la littérature reste celle de Schlesinger avec une recristallisation de l’alane dans un second solvant organique ce qui permet d’obtenir uniquement la phase alpha qui est la phase recherchée pour les applications en propulsion. Cependant, depuis 2005, un regain d’intérêt semble porter sur la synthèse sans toluène, notamment pour sa plus grande simplicité de mise en œuvre, la réduction des quantités de solvant et pour la baisse du coût de production ainsi générée. Mais elle reste très minoritaire et les conditions opératoires utilisées restent floues. La nouvelle voie de synthèse thermochimique présentée par Dinh et al. est également très prometteuse [44]. Ces trois voies de synthèses seront étudiées au cours de ces travaux de thèse.

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Stabilité et stabilisation de l’alane

À 298 K, l’enthalpie de formation de l’alane selon la réaction 26 est négative et d’une valeur de -10 kJ mol-1.

𝐴𝑙(𝑠) + 32 𝐻2(𝑔) ⇌ 𝛼 − 𝐴𝑙𝐻3(𝑠) (28)

Toutefois, si sa décomposition est thermodynamiquement spontanée et autocatalysée par la formation d’ions Al3+

, la cinétique de cette réaction est lente. L’alane est donc un composé métastable [9].

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Cette stabilité relative est attribuée à la formation d’une couche superficielle d’oxyde qui agit comme une barrière cinétique contre la décomposition [55] (cf. 4.1). Toutefois, cette décomposition, même lente, est un problème pour un stockage sur une période relativement longue, d’autant qu’il s’agit d’une décomposition autocatalysée. En effet, la décomposition photochimique ou thermique de l’alane est causée par la formation initiale d’une paire électron - trou positif d’ion [9].

𝐴𝑙𝐻3 → 𝐴𝑙3++ 3𝑒−+ 32 𝐻2 (29)

Les ions Al3+ ou les électrons mobiles catalysent alors la décomposition de l’alane. Cet emballement de la réaction est un inconvénient majeur pour le stockage de l’alane. De nombreuses recherches ont été menées dans les années 70 afin d’augmenter la stabilité thermique de l’alane tout en conservant ses propriétés chimiques telles que sa réactivité et sa morphologie donc sa structure. Différents types de stabilisants ont été étudiés dans le but de garantir une longue période de stockage avec une décomposition minimale de l’alane sans interagir avec lui, c’est-à-dire sans modifier ses propriétés. Il est donc impératif d’augmenter sa stabilité et de contrôler sa décomposition.

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