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5.1 Résumé des résultats principaux

Dans cette revue systématique, nous avons évalué l'impact de l'ajout d’adrénaline à un AL pour l'anesthésie régionale. Nous avons pu conclure que l'ajout d’adrénaline à l’AL en intrathécal augmente la durée du bloc moteur d’environ 60 minutes, la durée de l’analgésie d’environ 30 minutes et le temps de régression de 2 dermatomes de 20 minutes environ. Cependant, ajouter de l’adrénaline ne change pas le risque

d’hypotension artérielle. De même, l’ajout d’adrénaline à un AL pour un bloc loco-régional augmente significativement la durée d’analgésie d’environ 60 minutes.

Ajouter de l’adrénaline à un AL en péridural n’a aucun impact sur l’intensité de la douleur postopératoire et ne modifie pas le risque d’hypotension artérielle péri-opératoire, d’instrumentation pendant le travail de la femme enceinte ou de césarienne. Nous n’avons pas pu conclure quant à l’impact de l’adrénaline

administrée en péridural sur l’incidence de bloc moteur, d’hypotension artérielle ou de rétention urinaire, ni qu’elle a un impact sur l’intensité de la douleur pendant le travail ou sur l’incidence du bloc moteur postopératoire. De même, les données concernant l’impact de l’adrénaline sur l’analgésie du travail avec une anesthésie combinée péridurale/intrathécale étaient insuffisantes pour pouvoir conclure de son impact. Finalement, nos résultats suggèrent que l’ajout d’adrénaline à un AL est généralement sans danger.

5.2 Qu’est-ce que notre analyse ajoute de nouveau ?

L’intérêt de notre étude est d’avoir étudié l’effet de l’adrénaline ajoutée à un AL dans divers contextes tels que le travail lors de l’accouchement, la chirurgie ou l'analgésie postopératoire, et administrée par 3 voies différentes : péridurale, intrathécale et loco-régionale. Ceci a été possible parce que nous avons inclus plus d’études et par conséquence plus de données plus pertinentes que les revues

systématiques publiées auparavant sur ce sujet.21,22 Nous avons aussi effectué des analyses plus détaillées (des TSA) ce qui nous a permis d’estimer le nombre de patients (encore) nécessaires pour pouvoir tirer des conclusions définitives sur les avantages et les inconvénients de l’ajout d’adrénaline. Pour la plupart des résultats, la

quantité des informations disponibles était encore trop petite pour permettre de tirer des conclusions fiables.

5.2.1 Adrénaline en intrathécale

En ce qui concerne l’administration d’adrénaline par voie intrathécale, nos analyses ont confirmé certains des résultats précédemment rapportés et ont ajouté des

informations supplémentaires, par exemple que l'incidence de l'hypotension artérielle n'est pas affectée par l’adrénaline.

Une revue précédente comprenant 24 études (1271 patients), portait sur le rôle de l’adrénaline ajoutée à un AL en intrathécal.22 À l'instar de nos résultats, les auteurs ont conclu que l’adrénaline intrathécale prolongeait la durée de l'analgésie et du bloc moteur, le temps pour une régression de 2 dermatomes et le temps pour atteindre le bloc sensoriel maximal. Contrairement à nos résultats, ils ont également constaté que l’adrénaline intrathécale augmentait l'incidence de l'hypotension artérielle et des nausées et vomissements post-opératoires, en particulier avec des doses ≤100 μg. Ces divergences peuvent s’expliquer par le fait que ces auteurs ont également inclus dans leurs analyses des études comparant un opiacé avec un opiacé plus adrénaline, en l’absence d’AL. L’adrénaline diminuant potentiellement la clearance des opiacé en intrathécal, pourrait influencer leur propriété émétique et hypotensive.

A travers les études inclues, les doses d’adrénaline intrathécale présentaient la plus grande variabilité (15 à 500 μg) par rapport aux doses en péridural ou loco-régionale.

La question de la dose idéale d’adrénaline intrathécale à administrer reste encore en suspens.

5.2.2 Adrénaline en péridural

Concernant l’adrénaline administrée en péridural, nos résultats ne démontrent pas de bénéfice ni de risque évident en ce qui concerne l’analgésie postopératoire ou les parturientes en travail, ni pour une anesthésie chirurgicale. En effet, nos résultats de TSA indiquent soit une absence d’effet (« futilité »), soit un manque de patients (« unclear ») pour pouvoir tirer des conclusions sur nos outcomes primaires.

Le rôle de l'adjonction d’adrénaline à un AL lors d’une anesthésie péridurale a été abordé dans 1 revue systématique qui analysait 7 études (257 patients).21 Les auteurs

de ce papier ont conclu que le rôle de l’adrénaline dans ce contexte n’était pas quantifiable en raison du nombre limité de données.

La question de la pertinence de l’ajout d’adrénaline à un AL en péridural reste encore à élucider.

5.2.3 Adrénaline en loco-régionale

Enfin, notre méta-analyse est, étonnamment, la première à évaluer l'intérêt de l’adjonction de l’adrénaline à un AL lors d’une anesthésie loco-régionale, bien que cette méthode soit communément utilisée par les anesthésistes. Lorsque l’adrénaline est ajoutée à un AL lors d’un bloc sciatique, fémoral, poplité ou axillaire, la durée de l'analgésie postopératoire est susceptible d'être augmentée d’une heure environ.

Évaluer les risques et les bénéfices de l’adjonction d’adrénaline en loco-régionale reste primordial chez les patients à risque d’ischémie cardiaque ou sensibles aux lésions nerveuses suite à un diminution de flux sanguin secondaire à un diabète, à une chimiothérapie ou une athérosclérose.99

5.3 Faiblesses de notre étude

Cette revue systématique présente certaines limitations, la plupart sont dues aux faiblesses des études examinées. Premièrement, la majorité des articles originaux incluaient moins de 50 patients, risquant dès lors de de surestimer les effets bénéfiques de l’ajout d’adrénaline.100 Deuxièment, la manière de rapporter les résultats pour le même outcome n’était pas toujours similaire d’une étude à l’autre.

Cela suggère une absence d'un plan de recherche clairement défini. Troisièmement, nous avons combiné les résultats qui n'étaient pas nécessairement les issues primaires dans les études inclues. Bien que cela ait ajouté une certaine hétérogénéité à nos analyses, ça a également augmenté leur puissance et leur généralisabilité.

Quatrièmement, nous avons mélangé une grande variété d'AL , avec différentes propriétés vasoconstrictrices, ce qui peut influencer leur pharmacocinétique.101 Cinquièmement, bien que les doses d’adrénaline aient varié d'une étude à l'autre, nous n'avons pas pu établir de relation dose-effet. Finalement, bien que nous ayons adapté les niveaux alpha de signification statistique pour tenir compte des multiples tests effectués, il n'y a pas encore de consensus sur la méthode d'ajustement à utiliser,

et certains pourraient ne pas être en accord avec notre méthode pragmatique. De même, à des fins de clarté, nous avons maintenu les niveaux alpha ajustés pour effectuer les TSA. Le nombre de patients manquants pour arriver à des conclusions définitives peut donc être surestimé.

5.4 Implications cliniques

L’adrénaline est utilisée depuis de nombreuses années en tant qu'adjuvant d’AL dans le but de prolonger le bloc des nerfs sensitifs et de retarder l'absorption systémique de l'AL, réduisant ainsi le risque de toxicité anesthésique. Cette revue systématique suggère que la durée de l'analgésie est susceptible d'être prolongée d'environ 30 minutes lorsque l’adrénaline est ajoutée à un AL intrathécal, et d'environ 60 minutes lorsqu'elle est ajoutée à un AL en loco-régional. Ce degré d'efficacité doit être mis dans son contexte clinique. L'ajout de clonidine à un AL à action intermédiaire ou prolongée, pour un bloc de nerfs périphériques ou de plexus, prolonge la durée de l'analgésie d'environ 120 minutes,102 et son ajout à un AL en intrathécal prolonge l’analgésie d'environ 100 minutes.103 Les opioïdes ajoutés à un AL prolongent la durée de l'analgésie postopératoire encore plus, soit 120 minutes avec le fentanyl de courte durée d'action et plus de 8 heures avec la morphine.104 De plus, l'ajout de dexaméthasone ou de dexmédétomidine à un AL prolonge la durée de l'analgésie respectivement d'environ 4 et 7 heures.28,105 Ces données suggèrent qu'il existe des alternatives plus efficaces que l’adrénaline pour prolonger l'analgésie. La question demeure quant à savoir si l'adrénaline, utilisée comme adjuvant, réduit le risque de toxicité systémique aux anesthésiques locaux. Cependant, à moins que l’AL ne soit injecté à des doses très élevées, par exemple, avec de multiples infiltrations sous-cutanées, le risque de toxicité systémique aux anesthésiques locaux reste négligeable.

5.5 Perspectives

Les TSA ont suggéré que d'autres études sur l’adrénaline ajoutée à un AL en intrathécal ne sont probablement pas nécessaires puisque son impact semble bien établi. Cependant, dans le contexte de l'analgésie chez la parturiente en travail, lorsque l’adrénaline est ajoutée à un AL intrathécal ou péridural, les données disponibles ne sont pas suffisantes pour conclure à son impact concernant le bloc

moteur, l'hypotension artérielle ou le besoin d'instrumentation ou de césarienne. Par conséquence, des études randomisées et contrôlées sont nécessaires pour mieux caractériser l'impact de l'adrénaline ajouté à un AL dans un cathéter péridural pour le travail. Cette remarque s’applique aussi à l'analgésie post-opératoire qui manque de données concernant l’effet de l’adrénaline combinée à un AL en péridural. Enfin, la dose-réponse et la dose la plus adéquate d'adrénaline devant être administrée a encore besoin d’être définie.

5.6 Conclusions

L'ajout d’adrénaline à un AL en intrathécal ou loco-régional prolonge l'analgésie et le bloc moteur de 30 à 60 minutes. L'impact de l'adjonction d’adrénaline à un AL en péridurale ou à une anesthésie combinée péridurale/intrathécale demeure incertain.

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