Chapitre V : Synthèse, discussion générale et perspectives
1. Synthèse des résultats de la thèse
Mon travail de thèse repose sur plusieurs jeux de données acquis en amont ou au cours de la thèse :
- des données phénotypiques sur la collection « Aphanomyces » de 175 lignées de pois
obtenues en conditions contrôlées pour la résistance à deux souches d’A. euteiches de référence (Ae109 et RB84) en 2009 ;
- des données phénotypiques obtenues sur cette même collection au champ sur quatre années (2010-2013) et deux à trois sites par an pour la résistance à A. euteiches ; - des données phénotypiques sur la collection conjointe « Aphanomyces-Racines » de
266 lignées de pois (incluant les 175 précédentes) obtenues en conditions contrôlées
pour la résistance à une souche d’A. euteiches (RB84) en 2013 ;
- des données phénotypiques obtenues sur cette même collection de 266 lignées en
conditions contrôlées pour l’architecture de la plante en présence et en absence
d’infection par A. euteiches en 2013, respectivement à un et deux stades de développement de la plante,
- des données phénotypiques sur un sous-set de 15 lignées de la collection conjointe, obtenues au champ sur deux années (2014-2015) et un à deux sites, pour la résistance,
l’architecture de la plante et le rendement sur des parcelles faiblement ou fortement
infestées par A. euteiches ;
- des données génotypiques sur l’ensemble du matériel végétal précédemment cité,
obtenues à partir de la puce GENOPEA Illumina Infinium développée récemment (Tayeh et al. 2015a), incluant 13,2k marqueurs SNP couvrant l’ensemble du génome ; - des données génotypiques sur l’ensemble du matériel issues d’un génotypage KASPTM
de 953 marqueurs SNP développés récemment plus particulièrement dans les zones de QTL de résistance aux maladies précédemment identifiées chez le pois (Boutet et al. 2016).
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1.1. Variabilité génétique et corrélations entre variables de résistance à A. euteiches
et d’architecture racinaire de la plante chez le pois
Les jeux de données phénotypiques cités précédemment ont été exploités afin de comparer la variabilité génétique observée chez P. sativum pour la résistance à A. euteiches, l’architecture constitutive de la plante et son architecture induite en réponse à l’infection par A. euteiches. Une grande variabilité génétique a été mise en évidence pour la résistance à A. euteiches au champ et en conditions contrôlées, mais également pour plusieurs caractères d’architecture
constitutive et induite de la plante, au sein des collections étudiées. Bien qu’aucune nouvelle
source de résistance à A. euteiches n’ait été détectée, certains génotypes, issus du croisement
entre plusieurs sources de résistance identifiées dans des études précédentes, ont montré un niveau de résistance partielle supérieur à celui de leurs parents respectifs.
La comparaison des données phénotypiques de résistance et d’architecture de la plante montre
des corrélations entre notes de résistance et de caractères d’architecture constitutive de la
plante. Ainsi, les résultats ont permis de montrer qu’un système racinaire plus développé (en
longueur et nombre de racines) était corrélé à un niveau plus élevé de résistance partielle du pois à A. euteiches en conditions contrôlées.
La comparaison des données phénotypiques de résistance à celles d’architecture de la plante
obtenues en conditions inoculées et non inoculées a permis de mettre en évidence des corrélations élevées entre le niveau de résistance et la moindre perte de système racinaire, concernant notamment la longueur des racines, la biomasse racinaire, le nombre de racines latérales, la biomasse aérienne ou encore la part de la biomasse allouée au système racinaire. Certains génotypes, comportant des niveaux élevés ou non de résistance partielle, ont même présenté un système racinaire plus développé en conditions inoculées qu’en conditions non
inoculées. Ces résultats ont suggéré que l’architecture induite pourrait constituer un caractère
d’intérêt pour limiter les symptômes au niveau aérien et les pertes de rendement, en
permettant de conserver une certaine capacité de la plante à puiser ses ressources.
La comparaison des données phénotypiques d’architecture constitutive et induite de la plante
a montré généralement de faibles niveaux de corrélations, suggérant davantage une indépendance de ces deux types de caractères. Des génotypes présentant des systèmes
racinaires développés n’ont pas forcément préservé leur système racinaire en réponse à l’infection. Ceux ayant des systèmes racinaires constitutifs peu développés les ont le plus
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Architecture constitutive
Nombre total de locus GWAS 74 6 15 33 5 7 15 Chevauchant avec QTL de
résistance précédents (a)
56 5 10 25 4 4 12 Chevauchant avec QTL d’architecture précédents (b) 44 3 10 20 2 6 8 Variables Nombre total de locus GWAS
Nombre de locus détectés par GWAS Nombre de locus détectés par GWAS partageant au moins un SNP commun entre caractères de résistance
/architecture induite et d’architecture constitutive
(Nombre de locus chevauchants) Chevauchant avec les QTL
de résistance précédents (a)
Chevauchant avec les QTL
d’architecture précédents (b) Toutes variables 76 52 48 Nombr e de locus dé tec tés pa r GW AS pa rtage ant au moi ns un S NP comm un entr e ca ra ctèr es de r és is tanc e / ar chit ec tur e indui te et d’ ar chit ec tur e cons ti tut ive (Nombr e de locus c he va uc ha nts ) 9 (16) 0 (1) 2 (3) 3 (6) 1 (1) 1 (2) 3 (5) TProjArea 8 7 4 2 (3) 0 (1) 0 (1) 1 (1) 1 (1) 1 (1) 1 (1) RootDia 14 11 11 1 (3) 0 (1) 1 (2) TRootL 4 2 3 0 (1) 0 (1) NLatRoot 1 1 0 LatRootL 3 2 1 0 (1) 0 (1) RootB 10 5 8 0 (1) 0 (1) ShootB 26 15 16 2 (5) 1 (1) 1 (2) 0 (1) 0 (1) ShootL 13 9 9 1 (2) 0 (1) 1 (1) TB 9 8 5 2 (4) 2 (3) 0 (1) RootB:TB 2 1 1 1 (2) 1 (1) 0 (1)
TProjArea : aire projetée totale ; RootDia : diamètre moyen des racines ; TRootL : Longueur total de racine ; NLatRoot : nombre de racines latérales ; LatRootL : longueur moyenne des racines latérales ; RootB : biomasse racinaire ; ShootB : biomasse aérienne ; ShootL : hauteur de plante ; TB : biomasse totale ; RootB:TB : % de biomasse allouée au système racinaire ; INR : indice de nécrose racinaire ; IDA : indice de dépérissement aérien ; coll_175 : collection de 175 lignées ; coll_266 : collection de 266 lignées. (a) QTL de résistance décrit dans Hamon et al. (2011) et Hamon et al. (2013) ; (b) QTL d’architecture décrit dans Bourion et al. (2010)
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1.2. Cartographie comparée des locus de résistance à A. euteiches et d’architecture
racinaire de la plante
La diversité génétique observée au sein des collections étudiées, pour les caractères de
résistance et d’architecture mesurés ainsi que le génotypage dense de l’ensemble de ces lignées ont permis d’effectuer des études de génétique d’association génome entier en
utilisant un modèle multi-locus, pour l’ensemble de ces caractères. Ces études ont montré que
la résistance à A. euteiches et l’architecture de la plante chez le pois étaient des caractères
fortement polygéniques, contrôlés par un grand nombre de locus. Au total, 74 et 76 locus ont
été détectés par GWAS pour l’ensemble des variables étudiées, respectivement, de résistance ou d’architecture induite, et d’architecture constitutive de la plante (Table V.1).
L’étude comparative de ces locus identifiés par GWAS, avec les QTL détectés dans les études
précédentes pour la résistance et l’architecture (respectivement, Hamon et al 2013 et Bourion
et al 2010), a montré de nombreuses régions chevauchantes entre résistance et architecture (Table V.1). Dans cette étude, parmi les 76 locus détectés pour l’architecture, 52 sont
chevauchants avec des intervalles assez larges de QTL de résistance identifiés précédemment (Hamon et al. 2011; Hamon et al. 2013). Parmi les 74 locus détectés dans cette étude pour la résistance et l’architecture induite, 44 sont chevauchants avec les intervalles assez larges de
QTL d’architecture détectés précédemment (Bourion et al. 2010). L’analyse de génétique d’association, utilisant un génotypage dense et exploitant des recombinaisons historiques, a
permis de diminuer les intervalles de confiance des QTL. Ainsi, la comparaison de l’ensemble
des locus identifiés par GWA dans cette étude pour toutes les variables de résistance et
d’architecture étudiées, a montré que seuls 16 d’entre eux ont été détectés à la fois pour la
résistance et l’architecture, dont 9 partagent au moins un marqueur en commun (Table V.1).
Seul l’un des 16 locus a été détecté avec le même marqueur à la fois pour la résistance ou
l’architecture induite et un caractère d’architecture racinaire constitutive. Ces résultats ont
montré davantage d’interdépendance entre le déterminisme génétique de la résistance et celui de l’architecture induite qu’avec celui de l’architecture constitutive.
Les travaux réalisés pendant la thèse ont donc permis (i) de préciser les intervalles de confiance des QTL de résistance à A. euteiches et d’architecture aérienne et racinaire chez le
pois ; (ii) de mettre en évidence des relations génétiques entre allèles de résistance et
d’architecture, en relation avec les niveaux de corrélations modérés et élevés entre données de résistance et, respectivement, d’architecture constitutive et induite; et (iii) d’identifier des
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L’impact de l’architecture constitutive et induite de la plante, en combinaison ou non avec la
résistance, pour limiter les symptômes aériens et pertes de rendement a été étudié dans un sous-set de 15 génotypes contrastés pour les différents caractères étudiés. Les résultats
d’évaluation de ces génotypes au champ ont montré un impact significatif de la maladie sur l’architecture de la plante et le rendement en conditions fortement infestées par rapport aux
conditions faiblement infestées. Néanmoins, certains génotypes, sélectionnés pour leur niveau de résistance et/ou leur architecture constitutive et/ou induite défavorable(s) à la maladie en
conditions contrôlées n’ont pas montré de valeurs significativement différentes entre
conditions faiblement et fortement infestées, pour plusieurs variables d’architecture racinaire et de composantes de rendement. Ce constat peut s’expliquer par la résistance mais également potentiellement par l’architecture chez les génotypes ne présentant pas des niveaux élevés de résistance en conditions contrôlées (classe 3). Le niveau de perte de rendement dans les parcelles fortement infestées est apparu donc dépendant : (i) du niveau de résistance intrinsèque de la lignée de pois ; (ii) de l’architecture constitutive du système racinaire produit (biomasse et longueur de racines en conditions saines) ; et (iii) du niveau de réponse induite
de l’architecture du système racinaire face à l’infection, pour un même niveau de résistance
ou sensibilité initial.