Chapitre V : Synthèse, discussion générale et perspectives
2. Apports des résultats de la thèse en recherche et en sélection
Ce travail de thèse a permis de préciser l’organisation structurale des locus contrôlant la
résistance partielle du pois à A. euteiches et l’architecture de la plante, par rapport aux études précédentes (Bourion et al. 2010; Hamon et al. 2011; Hamon et al. 2013).
D’une façon générale, les résultats obtenus permettent d’apporter des connaissances sur :
l’interdépendance ou l’indépendance des QTL de résistance aux maladies et d’architecture, au niveau racinaire chez les végétaux ;
les hypothèses sur les fonctions sous-jacentes aux QTL de résistance aux maladies et
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la combinaison de caractères de résistance et d’architecture, et les marqueurs associés
potentiellement utilisables en sélection, pour la création de variétés de pois résistantes et/ou tolérantes à A. euteiches.
Ces connaissances sont primordiales pour l’utilisation de combinaisons d’allèles d’architecture et de résistance aux maladies en sélection, plus particulièrement dans le cas des
pathosystèmes racinaires, peu renseignés dans la littérature.
2.1. Relation entre architecture racinaire et résistance chez les pathosystèmes racinaires
L’analyse des relations entre caractères de résistance et d’architecture des plantes ont fait l’objet de peu d’études. Au niveau aérien, l’effet de l’architecture constitutive de la plante et
du couvert végétal sur le développement d’une épidémie a été le plus souvent rapporté (Tivoli et al. 2012b). Des caractères architecturaux influençant directement les symptômes de la maladie, en créant un environnement moins favorable au développement des épidémies ou en
permettant d’éviter les infections (échappement), ont été observés. Ainsi, chez les espèces annuelles comme le pois et la pomme de terre, la porosité et la hauteur du couvert, la surface
foliaire et la sénescence tardive des plantes ont été identifiées comme des caractères d’intérêt pour limiter les épidémies d’ascochytose (Richard et al. 2013) ou de mildiou (Zarzynska and Szutkowska 2013). Chez le riz, le nombre de talles et leur hauteur ont été corrélés à la résistance au virus de la panachure jaune (Albar et al. 1998). Chez les espèces pérennes, les portes-greffes nains ou l’élagage contribuent à la résistance aux maladies (Gainza et al. 2015; Simon et al. 2006). Des colocalisations génomiques entre QTL de résistance aux maladies
aériennes et QTL d’architecture ou de développement ont également été identifiées. Ainsi,
chez le pois, des QTL de résistance à D. pinodes ont été localisés dans les mêmes régions génomiques que des QTL de date de floraison, de hauteur de plante ou de taille de stipules (Giorgetti 2013; Prioul et al. 2004). Chez le haricot, des QTL de résistance à S. sclerotinium
ont été identifiés dans des régions comportant des QTL de tenue de tige, de hauteur de la
plante ou de longueur d’entre-nœuds (Miklas et al. 2013).
Au niveau racinaire, très peu de références sont disponibles sur la relation entre les maladies
et l’architecture de la plante. Les quelques études réalisées sur plusieurs pathosystèmes rapportent que la résistance aux agents pathogènes telluriques serait améliorée par des racines plus nombreuses et/ou plus longues (Bonhomme et al. 2014; Cichy et al. 2007; Dias et al. 2004; Graham et al. 2011; Hagerty et al. 2015; Laffont et al. 2015; Román-Avilés et al. 2004;
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épidémies aériennes et telluriques (notamment la dissémination) et des facteurs environnementaux les influençant. Dans notre étude, une corrélation entre différents caractères de « densité » du système racinaire et de résistance a été observée. Celle-ci peut
s’expliquer par le fait qu’un système racinaire plus développé peut être moins vite colonisé,
dès lors que des mécanismes de défense limitent la progression de l’agent pathogène, et peut
conserver une plus grande capacité à puiser ses ressources. Plusieurs colocalisations entre
QTL de résistance et QTL d’architecture constitutive ont été identifiées dans notre étude. Ces résultats pourraient être confirmés à des stades plus avancés de développement de la plante
dans l’hypothèse où l’architecture constitutive d’un génotype varierait avec le stade de la
plante. On peut également imaginer que d’autres caractéristiques constitutives des racines
peuvent impacter davantage le développement de la maladie. Chez M. truncatula, la
modification de la composition des parois cellulaires par l’accumulation de composés
phénoliques solubles a été observée chez un génotype résistant en réponse à l’infection par
A. euteiches (Djébali et al. 2009). Chez A. thaliana, la production par les racines de toxines, comme les glucosinolates ou la camalexine, participeraient à la résistance à Phytophthora brassicae (Schlaeppi et al. 2010) et Plasmodiophora brassicae (Lemarié et al. 2015).
Notre étude a également montré que la plasticité architecturale ou architecture induite de la plante pouvait constituer une caractéristique importante de la plante pour lutter contre les infections sur le compartiment racinaire. Par exemple, la capacité des racines à constituer des
organes de réserve pour les assimiler après l'attaque d’un agent pathogène a été démontrée
chez plusieurs espèces telles que le maïs, le ray-grass ou le peuplier (Costes et al. 2013). Par ailleurs, plusieurs exemples ont démontré que les racines ne sont pas seulement des récepteurs passifs de produits de stockage, mais peuvent changer leurs relations puit-source après infection par un agent pathogène (Erb et al. 2009). La vigueur racinaire en réponse à une infection, qui se traduit par un développement racinaire plus élevé en conditions infestées
qu’en conditions saines, est également une caractéristique de plasticité de la plante qui a été
observée chez des génotypes résistants de M. truncatula inoculés par A. euteiches
(Bonhomme et al. 2014) et de haricot infestés par Fusarium solani (Kraft and Boge 2001). Cette plasticité architecturale pourrait contribuer à une meilleure tolérance de la plante en