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Trajectoires de vie personnelles ______________________________ 33

3.5 Synthèse et prolongements

La collaboration à caractère pluridisciplinaire à l’origine de ces travaux vise, dans une dimension opérationnelle, à concevoir et développer un outil informatique support d’une approche d’observation des migrations urbaines et/ou péri-urbaines, d’identification des logiques de résidence et de déplacement, la mise en exergue des dynamiques métropolitaines, le tout à des fins d’aide à la décision dans les domaines de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. Il n’existe pas à ce jour d’outil à destination des habitants permettant de collecter, sur le mode participatif des données relatives à leurs trajectoires de vie. Il n’existe de fait pas non plus d’outils d’exploration avancée permettant, à des experts sociologues, urbanistes ou du domaine de l’aménagement du territoire, de visualiser et d’analyser, selon différentes dimensions (personnelles, professionnelles, socio-culturelles, etc.) ces données sur les trajectoires résidentielles. Conjuguer aisément contribution des habitants et analyse des experts dans le domaine des migrations urbaines est un des enjeux visés par l’approche que nous avons présentée. Les premiers développements allant en ce sens ont été évoqués dans ce document.

Par le biais d’une enquête visant à collecter des données auprès d’une trentaine d’individus, nous avons testé la bonne compréhension des propositions faites au niveau conceptuel pour « raconter » une trajectoire de vie à base d’épisodes, d’événements et de facteurs explicatifs. Le bilan évoque une appréhension aisée des concepts mais soulève la question de l’investissement demandé90 pour retracer toute une vie précisément, et d’autant plus qu’il y a d’épisodes et de facteurs explicatifs à évoquer et que ceux-ci nécessitent de remonter loin dans le passé.

Du point de vue de nos travaux de recherche, nous avons opté ici pour une description moins technique que ce fût le cas en comparaison du chapitre 2, mais l’ensemble des principes et de bonnes pratiques adoptés pour TSN et TSN-Change restent ici valables pour la construction d’ontologies dont la vocation est d’être publiées dans le Web des LOD. L’accent a été mis sur la proposition d’une démarche générique à base de patrons, qui, par applications successives de ceux-ci, permet de répondre à un objectif de représentation de connaissances relatives à des trajectoires sémantiques multidimensionnelles (i.e. pouvant être décrites selon différents points de vue) et annotées par des facteurs explicatifs de différentes natures (internes ou externes à une trajectoire personnelle, liés à d’autres événements ou à des caractéristiques d’épisodes de vie). Nous avons montré comment cette approche est supportée d’un point de vue méthodologique et logiciel afin de garantir sa mise en œuvre de manière relativement aisée. Ceci répond au cadre applicatif à l’origine de ce travail, qui implique des experts de disciplines telles que la sociologie ou l’urbanisme, pour lesquels un tel outillage vise à faciliter la collecte et l’exploitation de données pertinentes. Un des enjeux qu’on ne peut ignorer à ce stade relève de la capacité à collecter des données, de façon suffisamment massive pour que les analyses menées (que ce soit à des fins de recherche ou de prise de décision) soient probantes.

Il convient donc de s’attarder sur les moyens qui permettront de garantir l’alimentation du modèle. Ceci peut d’autant plus se révéler être une difficulté qu’on peut rapidement tendre vers une certaine complexité du modèle (en multipliant les thématiques, les attributs descriptifs de celles-ci,

etc.). A partir des développements réalisés pour acquérir des premiers jeux de données (voir section

3.4.2), nous avons aussi expérimenté que la logique avec laquelle les individus souhaiteraient pouvoir « raconter » leurs trajectoires diffère : le récit peut être orienté par la thématique (décliner toute sa vie personnelle, puis professionnelle, etc.), purement chronologique (voir ante-chronologique) ou encore suivre un cheminement que l’on pourrait qualifier de guidé par les facteurs explicatifs. On comprend ainsi aisément qu’une application d’acquisition des données peut rapidement ne plus être un simple cadre mais devenir un véritable carcan qui se révèle être un frein à la participation des contributeurs.

Deux pistes peuvent ici être suivies qui concernent la conception et le développement d’outils adaptés, simples et utilisables dédiés aux contributeurs. Au delà d’une réflexion sur les bonnes

propriétés des interfaces proposées (intuitive, efficace, etc.), une première voie est celle de la mise en exergue des paramètres qui susciteront la participation des contributeurs. Autrement dit, que faut-il apporter ou offrir à l’individu pour l’amener à participer ? Si, pour certains utilisateurs-contributeurs, la cause scientifique peut suffire à motiver la participation, d’autres ne seront enclins à participer que si un intérêt plus personnel est satisfait. Un travail exploratoire sera donc mené sur ce point, dans le cadre de notre collaboration avec des sociologues, pour dresser une typologie des attentes. Une des pistes à envisager est celle consistant à offrir aux contributeurs, en contrepartie de leur participation, des outils de scénarisation de leur propre trajectoire de vie. C’est, à titre d’exemple, le principe adopté dans le projet Memory Traces91 réalisé par le MIT Design Lab en partenariat avec le consulat italien de

la ville de Boston, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’unification de l’Italie. Des chercheurs du MIT Design Lab ont recueilli les souvenirs de personnalités de la communauté italo-américaine de la ville de Boston et ont mis à disposition 150 épisodes de vie qu’il est possible d’explorer via une application web et une application mobile in situ. Cette approche exploite l’intérêt trouvé par certains d’exposer publiquement leurs données personnelles, mais des propositions de diffusions des données scénarisées à des cercles privés pourraient être envisagées92.

Une seconde voie à suivre est également en lien avec ces questions de publication de données personnelles sur le web. Il s’agit d’exploiter l’interopérabilité avec les réseaux sociaux tels que

Facebook, LinkedIn, etc., car ceux-ci couvrent de fait des champs informationnels pertinents en

matière de trajectoire de vie. L’hypothèse formulée ici est que, si l’on est capable d’extraire et de formater automatiquement des éléments de trajectoires contenus dans les réseaux sociaux pour les rendre compatibles avec notre modèle, alors on réduit d’autant la charge incombant à un contributeur. Il est cependant ici encore évident que les questions de confidentialité des données et de la protection de la vie privée ne pourront être ignorées.

91Le site web dédié ne semble plus accessible mais une présentation du projet est visible à l’adresse https://design.mit.edu/projects/memory-traces

92 Aborder ces questions pourrait être l’occasion de réinvestir, dans le contexte du web des LOD, la question des modèles de contrôle d’accès que J. Gensel et moi avions abordé en 2002 dans le cadre du DEA d’Informatique de Mehdi Adda, intitulé Modèles de Sécurité pour les Systèmes d'Information basés sur le Web, DEA Informatique, Système et Communication de l'Université Joseph Fourier, Grenoble.