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Ontologie d’événements issus de risques et leurs effets dominos

Récits de situations de crise ________________________________ 44

4.2 Ontologie d’événements issus de risques et leurs effets dominos

4.2.1 Vue d’ensemble sur l’ontologie IDISFER

Cinq cas d’études d’inondations historiques98, issues de différents régimes hydro-climatiques, ont été retenus pour constituer un corpus documentaire à partir duquel identifier les concepts à intégrer dans l’ontologie. Au total, 801 documents de diverses natures ont été collectés sur les cinq inondations: rapports techniques des services ferroviaires, feuilles de budget, courriers échangés entre services ou avec des tiers, coupures de presse, photographies, dossiers de travaux, plans et cartes. Une synthèse par inondation a été produite dans un format tabulaire pour retracer le récit d’une inondation : chaque événement survenu pendant l’inondation est répertorié et décrit notamment par son type, par sa localisation, sa date, sa description, sa source documentaire, ainsi que la nature des imperfections éventuellement relatives à chacun de ces attributs99. L’analyse de ces données nous a permis d’aboutir à la proposition de l’ontologie IDISFER, dont la Figure 21 donne un aperçu de l’organisation générale.

Les classes principales de l’ontologie distinguent les concepts de railwaySystemObject qui correspondent à des éléments de l’environnement ferroviaire et de genericEvent qui visent à traduire des évènements susceptibles de se produire dans cet environnement. La suite des concepts n’est pas présentée dans des termes ontologies pour alléger le discours.

L’ontologie permet la représentation d’événements qui spécialisent genericEvent, de quatre natures : Phénomène naturel (idisfer:NaturalPhenomenon), Incident (idisfer:Incident), Perturbation

(idisfer:Disturbance) et Réaction (idisfer:Reaction). Un Phénomène naturel provoque (i.e. induit ou peut engendrer) un Incident subdivisé en deux catégories, suivant la typologie utilisée en interne dans

l’entreprise en Incident de 1er ordre et Incident de 2nd ordre (respectivement idisfer:OriginIncident et

idisfer:InducedIncident). Les premiers sont ceux qui peuvent être causés par un facteur extérieur au

système ferroviaire (donc un Phénomène Naturel), tandis que les seconds découlent uniquement de

98 Ces inondations font l’objet de monographies dans la thèse de M. Boudou (Boudou, 2015). Il s’agit de l’inondation du Tarn de mars 1930 (débordement de cours d’eau), l’inondation d’octobre 1940 dans les Pyrénées-Orientales (crue éclair), l’inondation de l’hiver 1947-1948 dans les Vosges (débordement lent amplifié par la fonte nivale), l’inondation de novembre 1999 dans l’Aude (crue éclair), l’inondation de 2001 dans la Somme (inondation lente par remontée de nappes phréatiques).

99 La thèse de C. Saint-Marc a également été l’occasion de travailler sur la notion d’imperfection et de contribuer à l’état de l’art par la proposition d’une nouvelle typologie. Ce travail est présenté dans (Saint-Marc, 2017), Annexe 3: Elaboration d’une typologie des informations imparfaites et dans (Saint-Marc et al., 2016).

dommages de premier ordre survenus au préalable. Les incidents ont un impact sur les objets du système ferroviaire, eux-mêmes subdivisés en quatre catégories (voir section 4.2.2). Les incidents induisent ou peuvent engendrer des Perturbations des circulations – seul type d’Objets de

l’exploitation concerné par les Perturbations, d’où leur mise en exergue dans la Figure 21. Les Perturbations induisent la mise en place de mesures de Réaction, qui agissent sur le système

ferroviaire et peuvent elles-mêmes engendrer d’autres Perturbations (e.g. la limitation des vitesses de circulation le temps de réaliser des travaux).

Figure 21 - Modèle simplifié de l’ontologie IDISFER

Adaptation d’un schéma de C. Saint-Marc, 2017.

Les différentes composantes de cette ontologie sont liées entre elles par des relations de causalité et/ou d’impact qui sont à la base des effets dominos. Cette ontologie décrit de telles relations en distinguant deux types : la relation induit (involves) est employée pour lier deux éléments tels que si le premier se produit, alors le second se produit obligatoirement ; la relation peutEngendrer (mayCause) correspond à une relation possible mais pas systématique. Présentées dans la Figure 21 à un haut niveau d’abstraction, ces relations sont définies pour les concepts qui participent à la représentation des connaissances relatives à chacune des cinq parties principales de l’ontologie. Les sections suivantes les présentent rapidement.

4.2.2 Aperçu des différentes parties de l’ontologie

4.2.2.1 Ontologie relative au système ferroviaire

Le système ferroviaire est décrit par une ontologie dont, la classe racine est railwaySystemObject, et qui compte quatre sous-ensembles dédiés à la représentation des concepts (voir, pour une présentation complète, (Saint-Marc, 2017), Annexe 2) :

- de l’infrastructure de la voie, représentée par 68 classes (voie, ouvrages d’art, signalisation,...), - de l’infrastructure de maintenance, comptant 8 classes (ateliers de maintenance, station

d’entretiens,...) :

- de l’exploitation ferroviaire, nécessitant 41 classes (circulations, trains, gares...)

- du système humain (représenté uniquement comme preuve de concept de l’intérêt qu’il y a à gérer cette information, par quelques classes relatives au recensement des informations sur les trajets domicile-travail des agents – voir 4.2.2.5)

Tous ces sous-systèmes sont susceptibles d’être impactés par les inondations sous des formes différentes : endommagement voire destruction pour les infrastructures et les autres bâtiments ou installations liés à l’exploitation, perturbation pour les circulations. Le quatrième sous-système témoigne d’un aspect organisationnel relatif aux agents en charge de la maintenance ou des circulations. Plusieurs situations ont été identifiées dans lesquelles, alors que l’infrastructure elle-même n’a pas été touchée par l’inondation, les circulations de train ont été perturbées à cause de la coupure des axes routiers empruntés par les agents dans leurs trajets domicile-travail.

4.2.2.2 Ontologie relative aux phénomènes d’inondation

La représentation des phénomènes naturels reprend pour l’essentiel les concepts de l’ontologie environnementale de haut-niveau SWEET100 (vocabulaire de la partie Phenomena essentiellement). Des phénomènes naturels spécifiques sont ajoutés : l’embâcle, la fonte des neiges, la marée, ainsi que des phénomènes d’inondation : le débordement (de cours d’eau ou de lac), la remontée de nappe phréatique, le ruissellement intense et la submersion marine, issus de la typologie présentée dans (Lang and Coeur, 2014)101. Au total, 6 classes de premier niveau se spécialisent en une trentaine de sous-classes.

Les phénomènes naturels peuvent être liés entre eux par des relations de causalité : par exemple, la pluie peut engendrer le débordement d’un cours d’eau ou une remontée de nappe phréatique, ou encore, la combinaison d’un vent fort et de la marée haute peuvent engendrer une submersion marine. 4.2.2.3 Ontologie relative aux incidents

Les incidents ferroviaires sont classés en deux catégories, conformément à la nomenclature en vigueur dans l’entreprise :

- les incidents de 1er ordre (aussi appelés incidents origine) sont causés par des phénomènes

hydro-climatiques (e.g. le ruissellement peut engendrer l’érosion d’un remblai) ;

- les incidents de 2nd ordre (ou incidents induits) sont causés par des incidents origines (e.g. le

gonflement d’un talus peut engendrer une déformation linéaire de la voie), et jamais directement par des phénomènes naturels.

Actuellement, 19 classes décrivent des incidents de 1er ordre, 16 classes représentent des incidents de second ordre, et 35 relations décrivent des effets dominos entre incidents (31 relations

peutEngendrer et 4 relations induit).

4.2.2.4 Ontologie relative aux perturbations

Les phénomènes naturels peuvent donc avoir pour conséquences des incidents qui peuvent eux-mêmes entrainer des perturbations dans la circulation des trains. Les perturbations peuvent être de trois types (3 classes dans l’ontologie) :

- défaut de sécurité qui représente une menace envers la sécurité du personnel, des voyageurs ou des marchandises convoyées ;

- défaut de régularité qui traduit un écart par rapport à l’horaire théorique prévu pour la circulation d’un train ;

- accident qui désigne tout dommage matériel subi par un train résultant d’un environnement de circulation anormal.

L’apparition d’un défaut de sécurité ou d’un accident induit la mise en place de mesures de réaction visant à rétablir le système ferroviaire dans son état d’origine.

100 https://sweet.jpl.nasa.gov

101 L’ouvrage « Les inondations remarquables en France » a été élaboré dans le cadre de l’application de la Directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation (Directive 2007/60/CE du 23 octobre 2007). Une partie des informations relatives aux 175 inondations décrites et qui couvrent une période de plus de deux cents ans, de 1770 à 2011, est issue de la Base de Données Historique sur les Inondations (BDHI). Il s’agit d’une application développée au sein de l’équipe STeamer et financée par le Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie (Direction Générale de la Prévention des Risques – DGPR). http://bdhi.fr/

4.2.2.5 Ontologie relative aux réactions

Les mesures de réaction sont consignées à l’aide de 11 classes, organisées en 3 types principaux, et peuvent consister en :

- une action sur les circulations : ralentissement, interruption, annulation ou retenue de trains en gare, mise en place d’itinéraires ou de modes de transports de substitution dans le cas des interruptions de longue durée,

- une action sur l’infrastructure, comme des travaux de régénération ou

- une action sur le système humain qui peut prendre la forme d’une délocalisation de l’activité des agents lorsqu’ils ne peuvent plus rejoindre leur lieu de travail habituel.

Parmi les mesures de réaction, les dispositifs de gestion de crise (hors du champ d’étude de la thèse de C. Saint-Marc) pourraient être décrits, en s’appuyant par exemple sur des travaux tels que (Bénaben et al., 2008).

IDISFER, en tant que qu’ontologie métier qui met à disposition la connaissance présentée dans cette section, est disponible au format RDF/OWL102. Elle contient près de 200 classes. Couplée avec des concepts permettant de représenter des événements réels recensés par le passé, elle devient un cadre formel de représentation pour les REX. Nous abordons ce point dans la section suivante.

4.2.3 Exploiter l’ontologie IDISFER pour représenter les situations passées

Les Phénomènes naturels, Incidents, Perturbations et Réactions sont décrits en toute généralité dans IDISFER, sous la forme de spécialisation du concept genericEvent, qui traduit des événements susceptibles de se produire. Il s’agit donc de représentations à un haut niveau d’abstraction (par rapport à des événements qui se sont réellement produits). Parallèlement, nous avons déjà évoqué l’ontologie LODE (Troncy et al., 2010) qui permet de caractériser un événement par différents attributs (une identification, une datation, une localisation, etc.). En considérant le nouveau concept

inCrisisEvent comme sous-classe des concepts genericEvent et lodeEvent, nous créons une structure

permettant la représentation des événements observés lors de situations de crises avérées (voir Figure 22). De manière immédiate à travers l’usage de la relation de subsomption, cette représentation : - d’une part, est conforme aux connaissances métiers portées par IDISFER dans ses 5 grandes

parties, et,

- d’autre part, permet, du fait du recours à LODE, l’identification, la localisation spatiale et temporelle (en autres) des occurrences de Phénomènes naturels, Incidents, Perturbations et

Réactions.

On note toutefois que les relations de type « effet domino » représentées à ce stade sont celles qui ont effectivement eu lieu. La distinction entre les prédicats induit (involves) et peut engendrer (mayCause) n’est plus pertinente ici. Aussi, pour représenter les relations de causalité avérées entre des instances e1 et e2 de InCrisisEvent, le prédicat causes(e1, e2) est utilisé tel que e1 est l’événement cause et e2 l’événement conséquence.

Figure 22 - Illustration simplifiée du concept InCrisisEvent dans IDISFER.

102 http://lig-membres.imag.fr/saintmar/ontology/IDISFER.html rdf:subClassOf rdf:subClassOf hasInCrisisEvent IDISFER: genericEvent lode:Event

CrisisSituation inCrisisEvent hasAttribute Attributes

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De plus, notre approche permet de prendre en compte la notion d’imperfection pour les attributs spatiaux et temporels notamment, grâce à une propriété aTypeImperfection pointant vers un terme issus d’une nouvelle typologie que nous avons élaborée à partir de l’étude des propositions produites dans le domaine des sciences de l’information géographique (voir (Saint-Marc, 2017), Annexe 3). Ces propriétés assurent la traçabilité des éventuels défauts de qualité présents dans les données (ce qui est assez fréquent dans l’exploitation d’archives). Lors du peuplement de l’ontologie IDISFER, lorsque les dates ou les localisations des événements sont imparfaites ou manquantes, des dates et des localisations possibles peuvent être déduites à partir du contexte des événements.

Le récit d’une inondation, conformément à cette approche, consiste donc à instancier tous les concepts de genericEvent selon leur type, en décrivant leurs propriétés par les valeurs adéquates et en établissant les liens de causalité inhérents à leur type et effectivement observés lors de la situation décrite. Deux inondations, l’inondation d’octobre 1940 sur la zone de la vallée du Tech (Pyrénées Orientales) et l’inondation de 2001 dans la Somme, issues de notre jeu d’étude initial et pour lesquelles un travail de préparation des données a été effectué (voir section 4.2.1), ont été instanciées pour vérifier la faisabilité de l’approche et la bonne couverture des situations à l’aide des concepts de l’ontologie. La Figure 23 illustre une partie de la situation décrite pour le cas de 1940.

Figure 23 - Illustration d’une instanciation de l’ontologie IDISFER sur l’exemple de l’inondation de 1940 dans les Pyrénées-Orientales

Les termes de l’ontologie (cadres en gris notamment) sont traduits et les indications sur l’implantation spatiale et temporelle des objets utilisent le formalisme MADS (Vangenot et al., 2002; Spaccapietra et al., 2007), ces formes étant plus adaptées pour la diffusion auprès de publics non experts des formalismes ontologiques. Source : Document pour la communication auprès des agents SCNF. Auteur : C. Saint-Marc, 2016.

Le travail réalisé dans le cadre de la thèse de C. Saint-Marc a donc été l’occasion d’aborder une autre démarche de conceptualisation exploitant une approche ontologique pour représenter, cette fois, l’évolution d’une situation. Dans cette présentation, les aspects techniques liés à la représentation des connaissances ont été peu détaillés volontairement. La complexité est moindre, dans l’ontologie IDISFER, pour ce qui concerne les concepts dédiés à la représentation de l’évolution dont nous avons fait notre fil directeur. En effet, l’évolution ne prend ici la forme « que » d’une succession d’évènements liés par des relations de causes à effets, s’appliquant en cascade. Pour autant, il ne faut pas négliger la complexité thématique du champ d’application qu’il fallait s’approprier pour produire cette ontologie. Ce travail, mené à partir d’une opération de collecte dans des fonds d’archives auquel a largement contribué C. Saint-Marc, était une condition sine qua none pour maîtriser le domaine et faire émerger toutes les relations de type « effets dominos » qui font la particularité de l’ontologie IDISFER. Les contributions de la thèse de C. Saint-Marc portent également sur des propositions en

VI/PROPOSITIONS DE VISUALISATION POUR EXPLORER RECITS DINONDATIONS ET CAUSALITES ENTRE EVENEMENTS

d’appliquer une symbologie homogène à des objets de géométrie variable, et d’autre part la symbologie doit représenter de façon lisible que ces objets sont de même nature.

Figure 4.1. Extrait d’instanciation de l’ontologie IDISFER sur l’exemple de l’inondation de 1940 dans les Pyrénées-Orientales. Les indications sur l’implantation spatiale et temporelle des objets utilisent le formalisme MADS (Vangenot et al., 2002; Spaccapietra et al., 2007)

Dans le cadre de ce travail, nous avons contourné ce problème en réduisant les entités à une granularité ponctuelle unique, que ce soit dans le temps ou dans l’espace (Figure 4.2).

Figure 4.2. Méthode de simplification des événements de granularités spatiales et temporelles hétérogènes

Au niveau spatial, les objets linéaires ou surfaciques sont réduits à leur barycentre (ou le point le plus proche situé à l’intérieur du polygone ou sur la polyligne) avant projection dans la carte. Au niveau temporel, nous avons réduits tous les évènements à des instants (c’est-à-dire des événements ponctuels dans le temps), en fragmentant les intervalles en un événement début (ex : « début des travaux de réparation ») et un événement fin (ex : « fin des travaux de réparation »). Les dates ont ensuite été harmonisées à la granularité de la journée, ce qui vaut

termes de géovisualisation dédiée aux données représentées dans l’ontologie. Dans la suite de ce chapitre, nous nous appuyons sur ces travaux mais nous prolongeons d’un point de vue méthodologique la réflexion amorcée alors.