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Améliorer la représentation des effets dominos

Récits de situations de crise ________________________________ 44

4.3 De l’ontologie à la géovisualisation

4.4.3 Améliorer la représentation des effets dominos

La méthode de représentation des relations de causalité doit donc être améliorée, de façon à permettre une lecture plus facile et plus efficace des processus complexes que sont les effets dominos. Parce que ces effets ne peuvent être perçus que globalement,une vue d’ensemble sur les relations de causalité manque. Une proposition en ce sens consiste à afficher, lors de la sélection d’un événement, l’ensemble de la chaîne de causes l’ayant provoqué (directement ou indirectement) et/ou de l’ensemble de sa chaîne de conséquences121. La Figure 39 illustre ce procédé : l’événement étudié est le deuxième, en partant du haut, dans la pile chronologique la plus à gauche. Il concerne les dommages sur un ouvrage d’art, dont on voit, en suivant les lignes rouges, qu’ils résultent de l’enchainement de quatre phénomènes naturels (deux sont placés dans l’encart cartographique en haut à droite de l’image), puis d’un premier incident portant probablement sur ce même ouvrage (existence du même symbole d’ouvrage d’art en haut de la pile chronologique, correspondant à la même localisation). Une analyse similaire peut être menée pour explorer la chaine des conséquences des dommages sur cet ouvrage en suivant les lignes noires.

En complément, une nouvelle vue dans l’interface (Figure 40), contenant un graphique en réseau représentant la chaîne de causalités entre les descriptions d’événements est proposée suite à une suggestion de participants à l’expérimentation.

121 Par rapport à la démarche décrite dans la section 4.3.7 où nous construisons des listes de causes et de conséquences, ici l’obtention des informations nécessaires repose sur l’extraction du sous-graphe des relations de causalité (prédicat idisfer:causes) dont l’événement observé est le centre, i.e. le sous-graphe est celui incluant uniquement les chemins qui mènent à cet événement ou qui en partent.

Figure 39 - Exemple d’affichage de l’ensemble de la chaîne de causalité menant à un événement et en partant

Figure 40 - Exemple d’un graphique en réseau pour chaîne de causalité menant à un événement et en partant

4.5 Synthèse et prolongements

Dans ce chapitre, nous avons exposé certains des travaux réalisés dans le cadre de la thèse de C. Saint-Marc [TH-4]. Pour ce qui concerne le domaine de la géovisualisation initialement au cœur de ces recherches, trois propositions innovantes ont été formulées :

- Premièrement, le concept de piles chronologiques d’événements, animées au cours du temps, permet de visualiser les événements superposés et de conserver une trace des scènes antérieures de l’animation, prolongeant ainsi la mémoire de travail de l’utilisateur dans sa démarche exploratoire notamment convoquée dans le cas d’un REX122. L’interactivité associée à la carte qui inclut ces

122 Dans sa thèse, C. Saint-Marc aborde en filigrane plusieurs pans de la cognition, à travers différents mécanismes, déclenchés dans des traitements « simples » de l’information, tels que la perception, ou mobilisés pour des traitements plus

piles est essentielle pour que l’utilisateur puisse réinterroger les événements et les filtrer selon ses objectifs.

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Deuxièmement, la carte donne à voir explicitement les relations de causalité entre événements, sous la forme de lignes qui lient les événements entre eux. En version non animée (visualisation à la demande, au clic sur un événement) ou animée (déroulé de toute la situation), la proposition permet aux utilisateurs d’explorer et d’analyser ces relations et leurs impacts, dans le processus d’endommagement des infrastructures notamment. Une visualisation de la chaine des relations de causalité permet d’en percevoir la nature de type « effet domino ».

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Troisièmement, la ligne de temps, déclinée en trois versions (à pas de temps régulier, à pas de temps proportionnel au nombre d’événements et synthétique), fournit une vue globale de la répartition et de la dynamique des événements sur l’ensemble de la période étudiée. Les trois formes sont complémentaires et permettent d’accéder à des temporalités différentes pour étudier la situation.

Concernant le domaine de la représentation des connaissances, une contribution de la thèse est l’ontologie IDISFER qui revêt à la fois une dimension de domaine par la représentation d’un système ferroviaire, une dimension métier par la caractérisation des incidents et mesures de réactions au cœur de l’action des services de la SNCF, et une dimension applicative dans la possibilité qu’elle donne de gérer l’information historique relative aux situations de crise ayant touché le territoire. Du fait de ces dimensions, l’ontologie est un outil qui, couplé aux propositions de géovisualisation précédentes, contribue potentiellement à augmenter la qualité des expertises de type REX, en donnant à voir différemment l’information. Les premiers tests menés dans le cadre de la thèse visaient à évaluer l’utilité et l’utilisabilité de nos propositions de restitutions géovisuelles des connaissances. Leur impact sur le raisonnement (humain) et le processus de prise de décision des experts reste selon nous à explorer. Je reviens sur ce point à l’occasion de la présentation des perspectives pour mes travaux de recherche (voir section 5.2).

Cette ontologie pourrait également servir à une autre forme de raisonnement (automatique) visant la simulation de situations de crise. Ainsi, en partant d’un phénomène naturel hypothétique, le parcours des relations de type effets dominos identifiées permet de connaître la chaîne des incidents auxquels s’attendre, les perturbations envisageables et les mesures de réactions qu’il faudrait alors prévoir, et ce, pour les différents objets du système ferroviaire. Néanmoins, aller vers un outil de simulation performant requerrait, bien sûr, de coupler la connaissance portée par IDISFER avec, notamment, d’autres sources de données et des raisonneurs spatio-temporels capables de tenir compte de la réalité du terrain et de la dynamique des phénomènes simulés. En prolongeant la réflexion sur ce sujet, je relève une certaine insuffisance dans l’expression des relations de causalité. En effet, avec les prédicats idisfer:involves et idisfer:mayCause (qui traduisent les relations de causalités théoriquement envisageables) et le prédicat idisfer:causes (qui dénote l’observation d’une relation de causalité lors d’une situation avérée), nous simplifions nettement la réalité en occultant les questions relatives au degré de certitude à accorder aux relations, ou encore relatives aux causes multiples intervenant dans des proportions différentes dans le déclenchement d’un événement. Il nous paraît alors pertinent de faire évoluer IDISFER sur ce point en évaluant l’intérêt d’approches exploitants des ontologies probabilistes, floues ou encore possibilistes (voir par exemple (Caglioni and Fusco, 2014) pour une revue de l’intérêt de ces approches pour la connaissance en géographie). Ainsi, les simulations de situations de crise pourraient être élaborées plus finement, sur la base de connaissances moins tranchées mais, au contraire, plus en adéquation avec la complexité des phénomènes spatio-temporels. Dans un but d’opérationnalisation, nous pourrions nous inspirer123, par exemple, des travaux tels que ceux décrits dans (Fusco, 2012). Ils reposent sur une approche probabiliste bayésienne qui permet de produire des modèles pour la création de scénarii de géo-prospection territoriale intégrant l’incertitude. Ce travail adopte une vision systémique du fonctionnement de l’aire d’étude au cours du temps et

élaborés de construction du sens. En cela, ces travaux émargent à l’Action Prospective Géovisualisation et Cognition du GDR CNRS MAGIS, animé par S. Christophe et moi-même.

123 Ces travaux ne reposant pas sur une ontologie pour la représentation des connaissances, une adaptation en ce sens est à prévoir.

prend en compte l’expression d’objectifs pour transformer le réseau bayésien en un graphe de décision.

Dans le cadre du travail de C. Saint-Marc, nous avons aussi formalisé des propositions sémiologiques sous forme de règles visant à constituer un premier cadre pour faciliter la réutilisation de nos propositions (pour, de manière immédiate, appliquer la même approche à la visualisation d’autres situations d’inondations répertoriées dans les archives de la SNCF, et, à plus long terme, l’adopter pour d’autres contextes). Ces règles constituent également un premier pas vers l’automatisation de la cartographie des événements spatio-temporels, à partir des récits instanciés dans l’ontologie IDISFER. Dans ce manuscrit, nous prolongeons ce travail en exploitant une approche complètement basée sur des ontologies pour exprimer des équivalents à ces règles. Nous proposons de construire, par une ontologie de matching dédiée, une représentation intermédiaire entre la représentation ontologique de connaissances thématiques (et par ce terme, nous couvrons les aspects domaine, métier et applicatif) et la représentation ontologique de ce qu’est une géovisualisation. Elaborée à partir des concepts de l’ontologie thématique IDISFER et de l’ontologie GEOVIS, l’ontologie GVR Matching vise à faciliter la mise à disposition des informations sous une forme adaptée en vue de l’implémentation.

L’ontologie GEOVIS, à peine ébauchée dans ce document, vise à organiser, à un haut niveau d’abstraction et de manière consensuelle, les concepts qui participent de la constitution d’un outil de géovisualisation, vu comme « un outil dynamique et interactif pour afficher des données

géographiques, des modèles de données, des cartes, des images, et des données externes géo-localisables, permettant à un utilisateur de raisonner spatialement et/ou temporellement sur ces représentations, et d'inférer des connaissances sur le territoire ou le phénomène représenté, en offrant la capacité d'interagir avec une ou plusieurs dimensions du phénomène. » (extrait de (Christophe,

2017), p5). Les principes d’élaboration de l’ontologie GVR Matching, présentés dans ce chapitre, ont été déterminés de manière empirique sur le cas de l’ontologie IDISFER. Ces propositions doivent donc être considérées comme un travail initial, presque exploratoire, que nous poursuivrons dans le cadre de nos futures recherches.