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CHAPITRE II : Synthèse et caractérisation de nouveaux agents RAFT phosphorés

3. Synthèse de nouveaux agents phosphorés pour la technologie RAFT

3.3. Synthèse de phosphinocarbodithioates

A notre connaissance, les composés de type phosphinocarbodithioate de structure générale RS(C=S)PR1R2, non ioniques ou non organométalliques, n’ont jamais été décrits

dans la littérature. De plus, une telle structure >P-C(=S)-S- impliquant un atome de phosphore avec son doublet libre, est à rapprocher de celles des dithiocarbamates ou encore des

91 xanthates. En effet on peut prévoir en polymérisation RAFT un comportement analogue. La spécificité de telles structures est qu’elles mettent en jeu un système délocalisé, le doublet de l’hétéroatome étant pris dans la délocalisation avec la liaison C=S. Avant d’aller plus en avant dans cette partie, nous allons décrire les exemples de ligands phosphinocarbodithioates qui ont été reportés dans la littérature. Ensuite nous aborderons l’étude de la synthèse d’un diphénylphosphinodithioformate.

3.3.1. Bibliographie sur les ligands phosphinocarbodithioates

En effet des ligands phosphinodithioformates [a) Schéma 51] ont été préparés à partir de différentes phosphines secondaires, par addition de disulfure de carbone (CS2) en présence

d’une solution aqueuse basique. Ce type de ligand a été utilisé par la suite pour la synthèse de bis(chélates) de formule Ni(S2CPR2)2 dans lesquels l’anion est un chélatant par le soufre et le

phosphore.[166] La réaction de la diphénylphosphine sur du CS2 en présence de bases faibles

comme par exemple la triéthylamine ou le phénolate de potassium ont été étudiés et les sels de triéthylammonium, potassium et tétraphénylphosphonium ont été isolés et caractérisés (b).[167] D’autres phosphines secondaires sont également décrites (c).[168] Par ailleurs la synthèse d’un composé original de type ylidylphosphanyl dithioformate a été aussi reportée (d).[169]

92 Egalement des composés impliquant des éléments du groupe 14, à base de germanium et de silicium [e)Schéma 52] ont été obtenus par des réactions d’insertion du groupement CS2

dans la liaison métal-phosphore. Ces études ont été réalisées à partir des isomères géométriques du diméthyl-1,2 diéthylphosphino-1 sila (ou germa) cyclopentane. Les additions ont été effectuées sur des mélanges équimolaires de silyl-ou germylphosphine et les auteurs ont montré que l’insertion du fragment CS2 est très rapide, et procède de manière

stéréospécifique, avec rétention de configuration au niveau du centre silicié ou germanié.[170] Un composé germanié similaire (f) a été également préparé par ce même type de réaction à partir de la diéthyl(triéthylgermyl)phosphine.[171] Ces composés bien que présentant des structures intéressantes, avec des groupements R sur le soufre de nature à former des radicaux relativement stables, n’ont pas été encore étudiés en polymérisation RAFT.

Schéma 52. Exemple de ligands phosphinodithioformates à base de Ge et Si.

3.3.2. Essai de synthèse d’un phosphinocarbodithioate (Pn-RAFT)

Nous avons travaillé essentiellement à partir de la diphénylphosphine afin d’accéder à ce type de structure que nous nommerons Pn-RAFT. Tout dabord, la déprotonation de la phosphine par une base (n- BuLi) à basse température suivie par addition sur le CS2, conduit

bien au sel correspondant. Si l’on utilise du disulfure de carbone non distillé, la réaction d’alkylation suivante avec du 1-bromo-1-phényléthane, nous conduit avec un rendement quasi quantitatif au dérivé PS-RAFT déjà décrit. Le disulfure de carbone est en effet contaminé de soufre, et comme on l’utilise en excès, il y a sulfuration de la phosphine parallèlement à l’addition. Si l’on diminue l’excès et si l’on utilise du CS2 purifié, les changements successifs

de couleur, et le suivi par RMN du phosphore indiquent que l’on forme bien le sel correspondant, mais il s’avère que la réaction d’alkylation finale avec le 1-bromo-1- phényléthane n’a pas lieu (Schéma 53). Cependant, si l’on procède à une analyse plus suivie, par contrôles successifs rapprochés du milieu réactionnel, on met en évidence des proportions

93 variables des différents intermédiaires au cours du temps. Ceci est peut être lié à la présence d’équilibres en solution concernant l’addition du disulfure de carbone, comme cela a par ailleurs été décrit entre une phosphine tertiaire et CS2.[172] Par ailleurs, on peut envisager une

possible instabilité de la structure recherchée d’une part, ou encore une plus grande nucléophilie de la phosphine comparée à la fonction dithiocarboxylate lors de la dernière substitution nucléophile, qui nous donnerait un phosphonium. Nous avons d’abord essayé de voir l’effet sur la substitution nucléophile, en jouant sur l’halogène, par l’ajout d’un équivalent d’iodure de potassium, mais le résultat n’a pas changé. Le problème pourrait être dû au lithium, car les sels lithiés sont connus pour avoir parfois des réactivités difficiles, mais en passant au potassium et même aux sels d’ammonium la réaction n’a toujours pas lieu. Cette synthèse est donc à développer, en passant par d‘autres voies de synthèse que ces additions nucléophiles successives. Nous avons alors essayé de partir du PS-RAFT et du PO-

RAFT pour revenir vers la phosphine libre, par ajout d’un décomplexant de type hexaméthyl

phosphorotriamide (HMPT), en vain. Cette réaction est à approfondir, mais par manque de temps ce travail n’a pas pu être continué pour accéder au produit Pn-RAFT.

Schéma 53. Tentative de synthèse du Pn-RAFT

Toutefois, la synthèse de Pn-RAFT peut être envisagée en suivant plusieurs voies : tout d’abord en variant les substituants sur la phosphine de départ, on peut ainsi jouer sur les effets stériques et/ou électroniques, et défavoriser le phosphore dans une possible compétition nucléophile avec le soufre. On peut utiliser des cations plus volumineux et moins aléatoires que le lithium, en utilisant des sels de potassium, d’ammonium ou de phosphonium, comme ceux déjà cités auparavant [Schéma 51, (a,b)].

On peut également proposer une voie radicalaire, avec une réaction impliquant un composé diazoïque R1R2R3C-N=N-CR1R2R3 avec un dithionodisulfure (méthode décrite dans

la partie 2.3). [150] [151] L’accès au dithionodisulfure peut être également obtenu à partir des ligands cités plus haut [a) et b) Schéma 51] par réaction de couplage avec de l’iode

94 moléculaire suite à une synthèse magnésienne (Schéma 37). On peut enfin utiliser des réactions d’échange de groupes par voie radicalaire (méthode décrite dans le paragraphe 2.5) en utilisant par exemple les ligands à base de Ge ou Si déjà décrits dans la littérature [e,f) Schéma 52]. Les pistes d’accès à ces Pn-RAFT sont nombreuses et nécessitent une étude de synthèse plus développée. L’absence de structures, observée dans la littérature, indique par ailleurs, que cette entreprise n’est sûrement pas aisée.