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Chapitre 3 : Etude de l’écologie des communautés

3 Les communautés

3.5 Synthèse IDR

Les différentes versions de l’IDR sont le fruit d’un travail de collaboration avec

l’équipe d’Irstea Bordeaux qui a visé à élaborer, puis à optimiser un nouvel indice diatomique

dédié au contexte biogéographique de la Réunion. Il a tout d’abord été bâti en utilisant les

données de terrain et d’inventaires acquises lors de ce travail de thèse, puis conforté et

optimisé par la suite en étoffant le jeu de données initial avec des suivis de routine réalisés

dans le cadre des réseaux de surveillance 2011 et 2012. Le détail de la construction des

différentes versions de l’indice se retrouvent dans une succession de rapports et de notes

techniques ayant accompagné l’élaboration et l’amélioration de l’indice (Boutry et al. 2012,

2013). L’indice ayant été stabilisé dans une forme définitive fin 2013, ces travaux vont

maintenant faire l’objet d’une publication. Une synthèse de la démarche mise en œuvre est

présentée ci-dessous.

Les données utilisées pour l’élaboration de la première version de l’Indice Diatomique

Réunion (Boutry et al. 2012) sont légèrement différentes de celles utilisées pour l’arbre de

régression multivariable. Les données d’inventaires et de chimie émanant des réseaux de

surveillance 2011 et 2012 n’ont pas été incluses, en effet, elles n’étaient pas encore

disponibles au moment de son élaboration. Tous les inventaires diatomiques disponibles ont

été mis en relation avec les données environnementales de toutes les stations, soit 269. Pour

cela, les données abiotiques manquantes ont fait l’objet d’une reconstitution à « dire

d’expert ».

La figure 31 représente l’organigramme de la démarche d’analyse de données réalisée pour

l’élaboration de l’indice.

124

Figure 31. Organigramme des analyses statistiques menées pour l’élaboration de l’IDR

(Boutry et al. 2012).

La biotypologie a été réalisée à l’aide d’une technique neuronale non supervisée, la SOM

(Self Organizing Map ) (Kohonen 1982). Cette analyse a souvent été utilisée dans le domaine

de l’écologie et sur de nombreuses communautés-cibles, notamment les diatomées benthiques

des cours d’eau (e.g.Tison et al. 2005). Ses avantages sont de ne pas contraindre, par un

seuillage arbitraire imposé par des limites techniques de l’outil, le nombre des espèces prises

en compte pour étudier la structuration des communautés, et de permettre une visualisation

résumée dans un plan (le plan de la SOM) de la structuration multidimensionnelle des

assemblages et de la typologie. De plus, elle s’accommode d’une non-normalité de la

distribution des données et n’a pas besoin non plus d’hypothèse a priori à tester pour en

étudier la structure. Une transformation log(x+1) sur la matrice de données (xi = abondance

relative de l'espèce i) a été réalisée afin d'amplifier le message des espèces en faibles

abondances relatives par rapport aux dominantes. La distance mathématique utilisée est la

distance Euclidienne. Cette procédure a permis de définir 8 biotypes (Tableau 24).

125

Tableau 24. Les 8 biotypes diatomiques de La Réunion(Boutry et al. 2012)

Les deux analyses n’ayant pas mobilisé la même technique, ni tout-à-fait la même assise de

données, ne serait-ce que pour un problème pratique lié aux dates de réalisation et de

restitution contractuelle du travail, ni le même niveau de coupe (nombre de clusters), elles ne

peuvent pas donner exactement les mêmes résultats. Toutefois, les typologies convergent

assez fortement et on peut observer une bonne concordance entre les biotypes définis par la

SOM et ceux de l’ARM :

- le groupe diatomique 5 correspond aux groupes 15, 16 et 20 de l’ARM,

- le groupe diatomique 1 correspond au groupe 11 de l’ARM,

- le groupe diatomique 2 correspond au groupe 21 de l’ARM,

- le groupe diatomique 4 correspond aux groupes 4 et 5 de l’ARM,

Groupe diatomique Préférences abiotiques

1

Conductivité élevée (moyenne > 1000 µS/cm) + épisodes halins naturels. Eaux alcalines, calcaires, très carbonatées. Faible altitude moyenne (quelques m).

Groupe sous la plus forte influence anthropique, pollutions composites importantes (C. Org., formes de l'azote, PO4…).

2

Eaux fortement minéralisées (conductivités entre 250 et plus de 500 µS/cm), mais pas d'influence haline naturelle. Fortes teneurs en calcium, faible altitude moyenne (< 50m), altération organique modérée mais fort enrichissement en

azote inorganique, notamment nitrates

3 Eaux peu minéralisées de substratum volcanique (<100 µS/cm), peu carbonatées, altitude moyenne (150 à 300 m). cortèges plutôt d'eaux fraîches (hiver austral)

4

Eaux de conductivités moyennes (200 à 250 µS/cm), sous influence de roches carbonatées et de sources thermales, bien dotées en calcium et en carbonates altitudes moyennes (400 à 600 m). Conditions proches du groupe 8, mais cortèges

plutôt d'eaux fraîches (Côte Est, incursions à l'Ouest en hiver austral).

5 Eaux très peu minéralisées (<50 µS/cm) et acides, d'altitude importante (800 à 1000m), COD d'origine naturelle (tourbières)

6

Conditions proches des clusters 7 et 3 : Eaux peu minéralisées de substratum volcanique (<100 µS/cm), peu carbonatées, altitude moyenne (150 à 300 m), mais

flores un peu dégradées par des pollutions diffuses et organiques modérées

7

Eaux peu minéralisées de substratum volcanique (<100 µS/cm), peu carbonatées, altitude moyenne (150 à 300 m). Conditions proches du 3, mais cortèges plutôt

thermophiles (été austral)

8 Eaux moyennement minéralisées (environ 200 µS/cm) sous influence de roches carbonatées, altitudes moyennes (350-450 m), flores plutôt thermophiles

126

- les groupes 3, 6, 7 et 8 de la SOM se rapprochent des groupes 7, 8, 19 et 21 de l’ARM

Une ACP (Analyse en Composantes Principales) a été menée pour connaître la structure des

données abiotiques. Une première ACC (Analyse Canonique des Correspondances), dite ACC

complète, a été faite pour mettre en relation gradients abiotiques et réponses biologiques, avec

une prise en compte d’un large éventail de descripteurs abiotiques incluant les principales

variables abiotiques naturelles, ainsi que celles influencées par l’anthropisation. Cette analyse

exploratoire a servi à repérer les principaux forçages abiotiques et leurs répercussions sur la

distribution des espèces de la Réunion.

Une seconde ACC, dite « ACC restreinte », a ensuite été mise en œuvre sur la base de neuf

descripteurs abiotiques fortement influencés par l’anthropisation (déficit de saturation en

oxygène, matières en suspension, DBO5, DCO, azote Kjeldahl, ammonium, nitrates,

phosphore total et orthophosphates). Elle a visé, en s’affranchissant de la variabilité liée à la

structuration naturelle des communautés, à élaborer un gradient synthétique d’altération (le

GCMA) résumant le niveau d’altération anthropique au site et à la date, et à repérer le

positionnement de chaque taxon par rapport aux classes de qualité de l’eau découlant du

découpage de ce gradient. Un profil de qualité a été attribué aux taxons suffisamment

occurrents et abondants, pour qu’il soit possible de leur en calculer un, jugé suffisamment

fiable. L’élaboration à proprement parler de l’indice correspond à la méthode de prise en

compte du profil des espèces constitutives et à la formule de calcul. Son utilisation permet de

calculer les notes indicielles des sites aux dates d'étude à partir de la composition spécifique

des relevés.

Le fonctionnement de la première version de l’indice se base sur un jeu d’espèces sentinelles

utilisant les profils de qualité. Deux types d’espèces ont été définis, des espèces tolérantes

(Taxons indicateurs "-"), et les autres taxons considérés comme des taxons non synonymes

d'altération anthropique (Taxons indicateurs "+"). 172 espèces sont utilisées dans l’indice à

partir des 343 du jeu de données choisies. Tous ces taxons ont une occurrence supérieure ou

égale à 3. Les taxons indicateurs "-" sont au nombre de 48 et les restants sont les taxons

indicateurs "+".

La formule permettant le calcul de l’IDR pour un relevé est la suivante :

127

P %Q RR, RR(=

S∑ T>" + " ∗ > D=:? " + "/ WX − S∑ T>" − " ∗ > D=:? " − "/ WX K?D/100⁄

P RQ R= 100 + 2P 10%Q RR, RR(3

Avec :

- ∑ T>" + " : la somme des abondances relatives des taxons "+",

- ∑ T>" − " : la somme des abondances relatives des taxons "-",

- Tot. : la somme des abondances,

- > D=:? " + " : le nombre de taxons "+",

- > D=:? " − " : le nombre d'espèces "-",

- RS : la richesse spécifique du relevé c’est à dire le nombre de taxons différents

présents dans le relevé et faisant partie de l'assise de l'indice.

Cette première version de l’IDR a permis de donner un diagnostic relativement conforme de

la qualité de l’eau. Néanmoins, quelques problèmes restaient à résoudre :

- au Nord et au Sud, les zones de transition climatique, l’indice est instable sur certaines

situations de référence ou sans altération notable.

- Le niveau de saprobie naturellement plus élevé à la Réunion que dans le contexte

métropolitain. Cela peut s’expliquer par la production de matières fermentescibles (fruits,

pièces florales…) par les espèces végétales sauvages en bordure du cours d’eau, dans des

conditions de température favorables à leur altération rapide.

- La liste restreinte de taxons d’alerte avec un poids d’altération équivalent, repérés sur

quelques sites très pollués à l’aval de bassins versants, qui entraîne un manque de

progressivité de l’indice.

Depuis l’élaboration de la première version de l’IDR, de nouvelles informations sont

devenues disponibles, à savoir :

- les résultats d’analyses spécifiques de données présentés précédemment dans ce manuscrit,

- 76 nouveaux relevés acquis dans le cadre des réseaux de surveillance au cours des années

2011 et 2012.

Ces nouveaux relevés, ainsi que la connaissance formalisée de l’écologie des taxons et

assemblages présentée dans cette thèse, ont pu être intégrés dans une nouvelle version de

l’IDR (Boutry et al. 2013). Les profils écologiques de taxons sont bâtis sur quatre classes de

128

qualité au lieu de cinq dans la première version, à partir du gradient de valeurs du CGMA

(gradient composite multimétrique incluant un gradient abiotique d’anthropisation et un

gradient biotique basé sur la matrice-réponse des taxons dans la CCA restreinte).

Ce nouvel indice s’appuie désormais sur les profils de qualité de 191 taxons

constitutifs (annexe 7) :

- 11 taxons à l’écologie halophile, qui arrivent dans le cours d’eau du fait de l’influence

littorale et sans aucun rapport avec l’anthropisation, ne sont plus pris en compte dans l’effectif

du relevé participant au calcul d’indice et n’ont plus aucun statut interprétable, ni de « Taxon

+ », ni de taxon d’alerte dans l’indice.

- 125 taxons non pourvus d’un message écologique particulier au sens de l’altération

anthropique sont considérés comme « Taxons + ».

- 55 taxons sont considérés comme taxons d’alerte. Ils se ventilent désormais en 3 catégories :

17 Taxons 3-, 21 Taxons 2-, 17 Taxons-, chacune de ces catégories étant dotée d’une valence

d’altération différente et participant donc de façon différentielle au calcul de la note d’indice.

Le calcul du nouvel IDR se fait selon la formule :

( )

( )

( )

( )

( )

( )

( )

*( / )

1* *( / )

3* * ( / )

5* *( / )

site relative relative relative relative

Indice Ab NbrEsp RS

Ab NbrEsp RS

Ab NbrEsp RS

Ab NbrEsp RS

+ + − − −− −− −−− −−−

=

/ 20

(5*100)

* 20

(max( ) (5*100))

site site site

Indice

Indice

Indice

=

La création des classes d’anthropisation est élaborée selon le schéma illustré par la figure 32.

129

Figure 32. Création des classes d’anthropisation (Boutry et al. 2013). Domaine de

référence = percentile 75 des relevés de référence (Classe 5 : TBE). Division du reste du

gradient en 4 classes d’altération équivaleurs ( 4 : BE ; 1 : TM)

Les cartes de qualité obtenues avec le nouvel IDR sont illustrées en annexe 8. Elles sont

construites sur la base des niveaux de référence d’EQRs, avec 2 grilles différenciées :

- une grille s’appliquant sur la Zone Est,

- une grille s’appliquant sur la Zone Ouest, à laquelle se greffent les cours d’eau des

zones de transition Nord (Rivière St Denis, Rivière des Pluies) et Sud (Rivière Langevin,

Rivière des Remparts).

Figure 33. Grilles de classement de qualité des sites calée sur les deux grilles d’EQRs

(Boutry et al. 2013).

Le nouvel IDR, qui s’appuie sur une utilisation plus raffinée des profils de qualité des espèces

constitutives, apporte une notation de l’altération et des classifications d’état des relevés très

130

intelligibles et conformes aux référentiels de physico-chimie acquis pendant le programme de

recherche, ainsi qu’à l’avis des experts de terrain sur l’altération des sites.

132

Conclusions et perspectives

133

La flore des diatomées des cours d’eau pérennes de La Réunion n’avait été abordée

jusqu’alors que par quelques études et publications éparses qui ne prétendaient pas approcher

les flores dans leur ensemble, mais qui visaient à décrire des taxons découverts à l’occasion

de missions ayant permis la réalisation d’échantillonnages. De ce fait, la flore diatomique de

la Réunion restait encore très méconnue sur le plan taxonomique et plus encore sur le plan

écologique, faute de description des conditions abiotiques et notamment chimiques des

milieux permettant de cerner les préférences abiotiques précises des quelques taxons décrits.

En retenant un plan d’échantillonnage large caractérisé par 307 relevés répartis dans les

différentes HER de l’île et sur plusieurs campagnes de collecte lors des deux saisons

différentes, la recherche menée dans le cadre de cette thèse a permis de réaliser une étude

particulièrement approfondie de la flore de ces diatomées épilithiques. Les principales

informations acquises, de nature fondamentale et également appliquée sont :

- des connaissances sur la biodiversité de ces milieux très particuliers, marqués par des

régimes torrentiels alternés par des débits d’étiage qui peuvent être particulièrement

bas,

- des connaissances sur l’autoécologie des espèces et des précisions sur la sensibilité ou

au contraire la résistance des espèces selon les paramètres abiotiques,

- des connaissances sur leur répartition selon la variabilité naturelle, la Réunion étant

caractérisée par un grand nombre de conditions géochimiques et climatiques

différentes pour un si petit territoire,

- des connaissances sur les assemblages diatomiques caractéristiques des différentes

conditions rencontrées.

Ce travail de recherche a aussi servi de base à la mise en place d’un outil appliqué, l’IDR

(Boutry et al. 2012, 2013) dont la version finale, intègre la prise en compte de toutes les

données taxonomiques et autoécologiques disponibles pour sa réactualisation (calculs finaux

du 01-10-2013). Le travail de collaboration avec l’Irstea de Bordeaux a donc permis

d’expertiser et d’intégrer le maximum d’informations complémentaires utiles sur la

connaissance de l’écologie des taxons procurée :

- par les résultats d’analyses spécifiques de données réalisées dans cette thèse,

134

- par l’assise étendue apportée par les 76 nouveaux relevés acquis dans le cadre des réseaux

de surveillance, dont j’ai moi-même pris en charge l’échantillonnage et les

déterminations-comptages, au cours des années 2011 et 2012.

Le nouvel IDR (Boutry et al. 2013), qui s’appuie sur une utilisation plus raffinée des profils

de qualité des espèces constitutives (cf. Annexe 7 : trois catégories différentes de taxons

d’alerte dotées de scores graduels d’altération, non-prise en compte dans l’effectif du relevé et

en bio-indication des taxons halophiles), converge avec les avis d’experts-terrain et avec le

référentiel de chimie correspondant aux relevés. Le nouvel IDR se révèle donc sensible et

performant pour le diagnostic de pollution anthropique.

Cette méthode de bioindication sera utile aux gestionnaires pour appréhender la qualité

biologique des milieux lotiques de leur île et permettre le « reporting » au niveau européen.

De nombreuses espèces, notamment celles retrouvées sur les stations les plus

dégradées, sont quant à elles plus communes et correspondent à celles retrouvées en Europe

continentale. Un grand nombre de taxons sont caractéristiques des zones subtropicales ou

tropicales. Bien qu’un certain nombre d’entre eux restent à décrire, le plus souvent du fait

d’une faible présence dans les inventaires, ce travail a permis de définir une base sur laquelle

de futures études pourront s’appuyer. Certains taxons, notamment sur la Rivière des

Marsouins à Bébour, la Ravine de l’Etang à Grand Etang et le Bras des Lianes semblent

endémiques de l’île. Cinq d’entre eux, Kobayasiella bebourensis, Encyonopsis cilaosensis, E.

palmeti, Crucicostulifera bebourensis et Achnanthidium palmeti ont fait l’objet de

publications. Neuf autres considérés comme endémiques restent à décrire plus précisément.

Les espèces potentiellement endémiques sont nombreuses. Pour certaines, il ne manque que

des investigations au microscope électronique pour confirmer ou infirmer leur statut et

permettre une description plus précise. Pour celles qui sont assez rares dans les relevés, une

difficulté de plus pourra se poser, à savoir la nécessité d’accéder à une population suffisante

pour bien en décrire le type.

La surveillance des cours d’eau réunionnais se fait maintenant en routine dans le cadre des

réseaux et quelques études commencent à s’appuyer sur l’IDR, ce qui va permettre non

seulement de suivre la qualité globale des cours d’eau, mais aussi d’approfondir la taxinomie

des espèces rencontrées et de compléter les connaissances déjà acquises sur la biodiversité de

ces milieux.

135

L’ensemble des précautions appliquées durant la phase de prélèvement, nécessaire à la

reproductibilité des résultats d’une méthode de bioindication à application standardisée , a

certainement diminué la richesse en taxons recueillie lors de ce travail. Mais le but premier

n’était pas l’acquisition d’une connaissance exhaustive sur la flore diatomique Réunionnaise.

Cette connaissance taxinomique pourra aussi s’enrichir dans un deuxième temps par l’étude

de taxons liés à d’autres substrats des cours d’eau (épiphyton, épipélon…), ainsi que par

l’étude d’autres types de milieux aquatiques continentaux comme les plans d’eau ou les cours

d’eau intermittents (Barthes, thèse en cours).

Les diatomées de La Réunion étudiées lors de ce travail, comme d’autres flores spécifiques à

certaines régions, permettent d’amoindrir l’idée d’un cosmopolitisme des différentes espèces

par l’utilisation moins systématique des flores européennes (Hustedt 1927-1966, Krammer &

Lange-Bertalot 1986-1991), qui, d’une certaine façon, forçait la détermination des taxons par

des noms européens (Tyler 1996, Kociolek & Spaulding 2000).

De plus, des études détaillées semblent montrer que les espèces communes en eau douce sont

en fait des variantes régionales d’un même taxon (Kilroy 2007). Cette idée devrait se

développer de plus en plus avec les nombreuses recherches en biologie moléculaire. Une

étude récente (Kermarec 2013) a par exemple montré que Gomphonema parvulum, espèce

très répandue dans les eaux Européennes, et identifiée comme telle dans des relevés tropicaux

(Réunion, Mayotte) présente en fait des distances génétiques entre quatre clades en harmonie

avec des distances interspécifiques. Des expériences de croisement ainsi que d’autres souches

seront tout de même nécessaires pour conclure définitivement sur le niveau taxinomique de

ces différents clades. L’approche par la biologie moléculaire et le séquençage des espèces de

diatomées de La Réunion permettra aussi à l’avenir de préciser leur taxinomie ; ce travail a

déjà été initié par Kermarrec (2012). Il est envisageable que la biologie moléculaire devienne

une technique d’avenir à l’appui de problèmes rencontrés, permettant par exemple de

conforter un diagnostic d’espèce ou de différencier des espèces morphologiquement proches,

mais génétiquement différentes. Cependant, son emploi systématique et exclusif changerait

complètement le système de repères attaché à la notion d’espèce et nécessiterait une refonte

complète de la taxonomie des diatomées, forcément différente, mais pas forcément plus

pertinente. L’écologie associée aux taxons serait aussi complètement à réviser sur ces

nouvelles bases. Au final, la plus-value globale de ce chantier très lourd, qui modifierait tous

les repères et rendrait désuète toute la connaissance accumulée, n’est pas évidente et reste à

établir.

136

A l’appui de la détermination morphologique classique, Kilroy (2007) conclut que dans

pratiquement tous les cas, les taxons peuvent être séparés morphologiquement si les

précautions d’usage (microscopie électronique et comparaison au matériel type à partir

d’illustrations de bonne qualité ou observation du matériel type) ont été prises.

Enfin, il reste à signaler que la notion d’endémisme, considérée pour l’instant au niveau

d’espèces décrites sur critères morphologiques, pourrait aussi avoir une déclinaison sur la

base d’autres critères. Outre l’aspect génétique pré-évoqué, il est envisageable que des taxons

à morphologie similaire rencontrés en des endroits très différents du globe soient considérés

dans la même espèce sur cette base, mais soient dotés d’une écologie franchement différente

(elles peuvent avoir été sélectionnées sur place depuis longtemps dans un cortège de forçages

environnementaux très différents et ne plus avoir la même écologie, ce qui est aussi un critère

de spéciation non automatiquement associé à des différences morphologiques).

C’est dans ce contexte peu stabilisé qu’il a été jugé préférable dans ce programme de

recherche d’associer relevés taxonomiques locaux et conditions écologiques abiotiques

locales, ce qui constitue la meilleure garantie de pertinence biogéographique des référentiels

et des outils d’application générés.

Les analyses statistiques menées sur les données regroupées lors de ce travail ont permis de

définir les différentes communautés diatomiques présentes à La Réunion. L’Arbre de

Régression Multivariable (ARM), méthode utilisée notamment sur les plantes supérieures, est

un type de groupement sous contrainte. L’application de cette méthode a abouti à l’obtention

de 11 groupes selon le choix des paramètres abiotiques effectué. Une extension de la méthode

IndVal, l’IndVal « multipattern », a permis de sélectionner 95 taxons comme indicateurs.

L’ARM complétée par l’utilisation de l’IndVal « multipattern » montre une convergence de

typologie avec les communautés diatomiques trouvées lors de l’étude d’élaboration de l’IDR