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Ce chapitre a présenté une application de l’analyse de cycle de vie à la question du dimensionnement de trois familles d’ouvrages de moyenne portée (famille A), de petite portée (famille B) et de grande portée (famille C) en considérant à chaque fois des variantes originales. Chaque famille de solutions constructives est en fait un pré-texte à l’étude d’un type de structure dont l’emploi est privilégié pour le franchis-sement considéré. La thèse étant liée au projet SBRI qui a regroupé plusieurs pays européens, les ouvrages ont naturellement été dimensionnés selon les Eurocodes en tenant compte des valeurs recommandées dans la partie commune.

Les cas d’étude considérés ont notamment permis d’illustrer comment les diffé-rents concepts économiques, environnementaux, et sociétaux peuvent représenter des enjeux conflictuels sur le cycle de vie. Une quantification du gain procuré par le choix de certaines solutions de dimensionnement originales a par ailleurs été effectuée tout d’abord par rapport aux choix des matériaux. Les matériaux constituent un élément important permettant d’agir sur les performances au cours des différentes phases de la vie d’un ouvrage. Ils peuvent contribuer à augmenter la durabilité, à diminuer la périodicité des opérations d’entretien ou encore à diminuer les quantités de matériaux mobilisés pour la construction de l’ouvrage. Ainsi, l’intérêt de l’emploi d’aciers à haute limite d’élasticité (HLE) a pu être mis en évidence. L’utilisation d’aciers autopatinables a par ailleurs été envisagée afin de se dispenser de la réalisation et des remplacements successifs d’un système anticorrosion. Le gain avec ce type d’ouvrages a pu être mis en évidence en ce qui concerne les coûts au gestionnaire sur le cycle de vie, même si le coût à la construction est légèrement plus élevé. Il a également été possible de montrer l’intérêt de ce matériau pour des ouvrages de petite portée franchissant un axe à forts enjeux, particulièrement sensible aux perturbations de trafic liées à la maintenance.

3.6 synthèse générale 133 Des améliorations liées à la conception des ouvrages ont également été analysées. Plusieurs options ont été considérées parmi lesquelles (i) remplacer les joints de chaus-sées par des appuis intégraux, supprimant ainsi une opération de maintenance lourde, (ii) privilégier la réalisation d’ouvrages à deux tabliers de sorte qu’un des deux soit toujours en service (pour des ouvrages de très grande portée), ou encore (iii) prendre en compte la transformation d’une bande d’arrêt d’urgence en voie de circulation pour véhicules légers et poids lourds en raison d’un accroissement futur de trafic (en consi-dérant ainsi un dimensionnement spécifique vis-à-vis des phénomènes de fatigue). Il a été observé que dans le cas où les améliorations impactent directement le trafic sur et sous l’ouvrage, les gains vis-à-vis des coûts aux usagers et des impacts environ-nementaux générés par la congestion sont significatifs. Il est également noté que le manque d’information sur l’ensemble des critères environnementaux n’a pas permis de mettre pleinement en évidence l’intérêt de certaines variantes vis-à-vis des impacts environnementaux (comme pour le cas des ponts avec des culées intégrales pour les-quels les données relatives aux joints de chaussée n’étaient pas disponibles dans cette étude).

Une analyse de l’évolution des scénarios de gestion a enfin été considérée et deux solutions particulières de surveillance et maintenance ont pu être analysées. Ces deux solutions de gestion particulières permettent de dégager des scénarios dans lesquels il est envisagé d’étendre la durée de vie en service, et également des scénarios plus pessimistes pour lesquels un manque de ressources financières est envisagé.

En ce qui concerne l’ACCV, la phase de construction a généralement le poids le plus important sur le cycle de vie (en valeur absolue), par rapport au coût de vie en service et surtout de fin de vie qui apparaît alors marginal. Cette conclusion est plus nuancée pour les ouvrages de moyenne portée pour lesquels la phase de vie en service a un poids plus important, ce qui peut s’expliquer par le choix des coûts unitaires de construction pour cette famille d’ouvrages dans le cadre du projet SBRI.

Pour l’ACV, la phase de construction a également un poids très important sur le cycle de vie (en valeur absolue, cf. AnnexeB), suivie par la phase de vie en service et celle de fin de vie. Les ouvrages de grande portée ont notamment la phase de vie en service avec le poids le plus important. Cette phase dépend en effet en grande majorité des actions de maintenance sur la couche de roulement qui est très étendue pour les ouvrages de grande portée. Enfin, pour toutes les familles d’ouvrages, les impacts environnementaux de fin de vie sont faibles par rapport aux deux autres phases car seul le transport des matériaux au centre de stockage est considéré (méthode des stocks).

Pour l’analyse sociétale, il est montré que des gains importants vis-à-vis de la congestion de trafic peuvent être obtenus avec des surcoûts maîtrisés à la construc-tion.

Une méthode d’analyse multicritère a finalement été présentée qui prend en compte tous les coûts dans l’analyse économique, les impacts dans l’analyse environnementale et les coûts aux usagers dans l’analyse sociétale. Ce type d’approche permet de com-parer différents cas d’étude bien que ces unités (coût, impact) soient très différentes les unes des autres. L’analyse multicritère est particulièrement intéressante dans le sens où l’évaluation d’une solution se fait souvent en considérant plusieurs critères à la fois. Il est donc important d’utiliser de telles méthodes pour fournir, in fine, un outil d’aide à la décision aux gestionnaires d’ouvrages d’art. Le TABLEAU 3.6.1propose une vue synthétique des avantages et inconvénients identifiées pour chaque variante par rapport à la variante de référence correspondante. Cette synthèse est proposée en

lien d’une part avec les comparaisons directes des impacts économiques, environne-mentaux et sociétaux, et d’autre part en considérant l’analyse multicritère (les nota-tions “=” et “N/A” sont utilisées lorsque les impacts sont égaux ou lorsqu’il n’y a pas assez d’information pour effectuer l’analyse, respectivement). De manière quali-tative, plus la variante est avantageuse par rapport à un critère, plus elle cumule de signe “+”. Inversement, plus elle est défavorable par rapport à un critère, plus elle cumule de signe “-”. De manière générale, les écarts les plus significatifs entre va-riantes ont été observés pour l’analyse sociétale durant la vie en service, et ce pour les familles d’ouvrages de petite, moyenne, et grande portée. Le gain où l’excédent de congestion de trafic peuvent donc peser significativement dans le processus déci-sionnel pour l’ensemble des familles d’ouvrages étudiées. Finalement, il est noté que l’analyse performantielle est sous-jacente dans ce chapitre dans le sens où le niveau de performance des ouvrages est jugé satisfaisant dans les conditions normales de dimensionnement, de construction, et d’entretien/maintenance. L’intérêt du chapitre suivant est de proposer des profils de performance évoluant avec le temps et tenant compte des diverses incertitudes inhérentes à la gestion des ouvrages. L’introduction de profils de performance est alors proposée en lien avec une méthodologie d’optimi-sation multiobjectif pour rechercher des stratégies de dimensionnement et de gestion optimales sur le cycle de vie.

AECV ACV ASCV Multicritère A0 Variante de référence A1 + + = ++ A2 ++ - - - = + A3 - - - - + +++ A4 - - + ++++ B0 Variante de référence B1 - N/A + -B2 - - N/A - - -B3 + N/A ++ + B4 - - - - N/A - - - -B5 - - - N/A - -C0 Variante de référence C1 – - + ++ C2 - + = +

Tableau 3.6.1: Synthèse des avantages (+) et inconvénients (-) des différentes variantes par rapport aux variantes de référence associées.

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D É T E R M I N AT I O N D E S T R AT É G I E S O P T I M A L E S D E

C O N C E P T I O N E T G E S T I O N

4.1 introduction

Le chapitre 3 a proposé une approche globale du dimensionnement et de la ges-tion des ouvrages d’art en accord avec des objectifs de développement durable. Les exigences techniques ont à chaque fois été prises en compte au travers du respect de règlements et de normes (européennes dans le cadre de cette thèse) pour la partie dimensionnement, et d’avis d’experts pour la partie gestion durant la vie en service. Des calendriers d’inspections et d’actions d’entretien/de maintenance ont notamment été utilisés pour estimer les différents impacts sur le cycle de vie. L’analyse multicri-tère a alors été utilisée pour classer les différentes solutions, et ce pour les différentes familles d’ouvrages considérées.

Ce chapitre se propose d’aller plus loin dans la notion de maximisation du bénéfice procuré par une variante particulière en essayant de minimiser l’ensemble des impacts associés qui peuvent toucher non seulement des aspects sociétaux, environnementaux et économiques, mais également des aspects techniques durant la durée de vie en service des ouvrages. L’objectif n’est donc plus de comparer différentes solutions de gestion déjà établies, mais de proposer un cadre théorique permettant de rechercher, à l’aide d’un programme d’optimisation mathématique, un ensemble de solutions optimales. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d’introduire des techniques de modélisation de la prise de décision, permettant d’une part de modéliser le niveau de performance des ouvrages sur l’ensemble du cycle de vie (pour satisfaire des exigences de fonctionnalité, stabilité et de sécurité), et d’autre part de minimiser un ensemble d’objectifs liés à différents types d’impacts traduisant des enjeux de développement durable.

En lien avec cet objectif, ce chapitre est organisé comme suit. Dans un premier temps, une analyse performantielle est proposée pour quantifier le niveau de perfor-mance des différentes parties d’ouvrages à l’aide d’indicateurs de qualité et prendre en compte l’impact des différentes actions de maintenance sur le cycle de vie. En particulier, deux modèles de dégradation basés sur la théorie des chaînes de Markov (nommés Ma1 et Ma2) sont introduits dans ce chapitre. Dans un deuxième temps, un cadre d’optimisation multiobjectif est considéré pour permettre de modéliser le processus décisionnel dans les méthodes de gestion des ouvrages d’art et déterminer des solutions optimales vis-à-vis d’un ensemble de critères pouvant être conflictuels. Cette approche est alors appliquée aux trois familles d’ouvrages de petite (famille B), moyenne (famille A) et grande (famille C) portées introduites dans le chapitre précé-dent, en recherchant cette fois-ci des stratégies de gestion optimisées sur le cycle de vie.

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