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Analyse sociétale - Impacts externes dus à la congestion du trafic routier . 21

sur la question du changement climatique ont confirmé le besoin de développer une approche d’ACV pour le domaine de la construction des bâtiments (Kohler2012). Au niveau mondial (Peuportier et al. 2012), des travaux sur l’application de l’ACV au bâtiment ont été menés principalement au Canada, en Australie, en Nouvelle Zélande et aux USA (IEA 2004). Au niveau européen, le projet REGENER (Peuportier et al.

1997) a permis de proposer les grandes lignes d’une méthodologie commune pour l’application de l’ACV aux bâtiments. La plupart des outils, développés en Grande Bretagne, en Finlande, en Suisse ou encore en Autriche ont été comparés dans le cadre du réseau thématique PRESCO (Peuportier et al. 2005). Le projet ENSLIC Building a par ailleurs consisté à disséminer les résultats et à promouvoir l’ACV dans le secteur de la construction (Malmqvist et al. 2011). Finalement, l’action de coordination de la recherche LoRe-LCA (Low resource consumption buildings and constructions by use of LCA in design and decision making) a permis de mieux cerner les limites des pratiques actuelles et de proposer des actions de recherche ultérieures (Peuportier et al.

2011, Chevalier & Peuportier2012). Une norme (CEN 159782012) définit aujourd’hui une méthode et des indicateurs communs de manière à harmoniser l’application de l’ACV dans le domaine de la construction des bâtiments.

2.3 analyse sociétale - impacts externes dus à la congestion du tra-fic routier

2.3.1 Introduction

Comme précédemment mentionné, les impacts sociétaux du secteur de la construc-tion se situent à de nombreuses échelles avec des impacts positifs sur le développe-ment de secteurs essentiels comme le logedéveloppe-ment, la santé, l’éducation, et des impacts négatifs tels que la gêne aux usagers (augmentation du stress, sentiment d’insécurité) engendrée par les chantiers de construction et de maintenance, l’augmentation du nombre d’accidents, voire de décès sur les zones de chantier, etc. Dans le cadre de cette thèse, sont considérés comme impacts sociétaux les impacts dus à la congestion du trafic durant la vie en service de l’ouvrage. Ces impacts peuvent être en réalité perçus comme des externalités d’impacts économiques et environnementaux, mais ils sont cependant considérés dans une analyse propre dans le sens où la congestion du trafic et son impact sur la société sont des problématiques majeures pour un ges-tionnaire d’ouvrage. Par ailleurs, il sera supposé dans l’étude que la construction de l’ouvrage se situe sur un nouvel itinéraire (sans perturbation des usagers lors de la construction) et qu’un ouvrage de substitution est déjà construit lors de la démolition de l’ouvrage, donc sans gêne majeure également sur les usagers de l’itinéraire rou-tier/autoroutier. Le terme analyse sociétale correspondra donc, par abus de langage, aux externalités liées à la gêne à l’usager uniquement durant la phase de vie en service (la gêne à l’usager étant nulle durant la phase de fabrication et de fin de vie).

En particulier, en lien avec les ouvrages d’art, il apparaît que les conditions de circu-lation au voisinage d’un ouvrage peuvent être fortement impactées par les différentes actions sur l’ouvrage, telles que les actions de maintenance/réhabilitation (dans le cas où des fermetures des voies ou la limitation de la vitesse de circulation sont néces-saires). Ces changements de condition de circulation entraînent des phénomènes de congestion ou de perturbation du trafic qui ont à la fois des impacts sur les usagers et sur l’environnement (Adey2002, Adey et al.2003). D’un point de vue économique

et même si ces impacts sont difficilement directement quantifiables, le coût aux usa-gers peut être très grand dans certains projets où le volume de trafic est très élevé. Thompson et al. (1999) observent que le coût aux usagers peut excéder jusqu’à cinq fois le coût au gestionnaire (cf. paragraphe2.1). Seuls les impacts négatifs sont pris en compte dans ce chapitre et cette thèse.

2.3.2 Phénomène de congestion du trafic

Les impacts sociétaux dus à la congestion du trafic sont fortement liés au retard dans les zones de travaux. En théorie, le temps mis pour parcourir un tronçon de route correspond au cas où un conducteur peut atteindre la vitesse maximale de sécurité compatible avec les limites de vitesse applicables et les géométries de la route. Dans la réalité, la route est partagée entre l’ensemble des conducteurs, et le temps de parcours augmente avec le volume du trafic. Dans des conditions normales sans aucun obstacle et pour un faible volume de trafic, le retard est négligeable. Toutefois, quand le volume du trafic augmente et dépasse la capacité, ou lorsque des obstacles (tels que les zones de travaux) réduisent la capacité, le retard devient non négligeable et il faut considérer les impacts de la congestion sur les usagers.

Dans ce contexte, les deux paramètres les plus importants pour étudier la congestion de trafic sont la capacité et le volume du trafic :

– la capacité du trafic est définie comme le nombre maximal de véhicules pouvant être écoulé pendant un intervalle de temps de référence dans des conditions op-timales de circulation : circulation continue, loin des échangeurs, faible déclivité, chaussée sèche, sans incident, ...

– le volume de trafic est le nombre de véhicules mesuré durant un intervalle de temps. Ce nombre change selon la période dans la journée ou dans l’année. Un exemple très remarquable en zone urbaine est que le volume de trafic est très conséquent pendant les heures de pointe le matin et l’après-midi tandis que peu de véhicules circulent pendant la nuit.

Dans le domaine de la gestion des ouvrages d’art, il est important de pouvoir estimer le retard des usagers engendré par les actions de maintenance/réhabilitation. Globa-lement, il existe deux types de modèle pour le faire : (i) un modèle déterministe qui est largement utilisé (Abraham & Wang1981, Dudek & Richard 1982, Morales1987, Schonfeld & Chien1999) et (ii) un modèle considérant l’état de circulation proche de la zone de travaux comme des ondes de choc (Richards1956, Wirasinghe1978).

Le modèle déterministe est recommandé dans le manuel Highway Capacity Manual (HCM) (1994) pour étudier le phénomène de file d’attente dans la zone de travaux. Ce modèle se base sur une méthode de diagramme entre le nombre cumulé de véhicules et le temps (FIGURE2.3.1).

Tant que la courbe de capacité (en pointillés) et la courbe de demande (en trait continu) ont la même coordonnée y à un instant t donné, aucune file d’attente n’existe. Lorsque la courbe de la demande est supérieure à la courbe de capacité, il existe alors une file d’attente.

Pour un véhicule entrant dans la file d’attente à l’instant t, le retard est en fait la différence entre la courbe de la capacité et la courbe de la demande telle que mesurée le long de l’axe x. De même, le nombre de véhicules dans la file d’attente à l’instant t est la différence entre la courbe de la demande et la courbe de la capacité mesurée le long de l’axe y.

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Figure 2.3.1: Méthode déterministe pour étudier la file d’attente.

Le manuel HCM (1994) estime la longueur de la file d’attente de la manière sui-vante :

Dt = Lt×l

N (2.3.1)

où : Dt = longueur de la file d’attente à l’instant t (m), Lt = nombre de véhicules dans la file d’attente à l’instant t, l = distance moyenne entre les véhicules dans la file d’attente (m), et N = nombre de voies ouvertes avant la file d’attente.

En ce qui concerne les modèles basés sur l’analyse des ondes de choc, la méthode a pour but d’évaluer le trafic et la densité du trafic dans l’espace et dans le temps. Dans cette théorie, le flux de trafic se comporte comme un fluide :

– lorsque la demande dépasse la capacité, une onde de choc se forme,

– dans le cas où la demande et la capacité deviennent égales, l’onde de choc devient stationnaire,

– si la demande diminue en dessous de la capacité, l’onde de choc se déplace vers l’avant jusqu’à ce qu’elle se dissipe au goulot d’étranglement.

La zone de travaux est alors divisée en trois zones : (i) en amont, (ii) dans la file d’attente, et (iii) en aval. Par exemple, dans le cas d’une file d’attente existant à l’instant T1 avec le volume de trafic Q1, supérieur à la capacité Q3, la zone de la file d’attente est caractérisée par une densité K2. Après une période de temps, dt, la file d’attente est devenue plus longue et le taux de croissance de l’onde de choc S est représentée par l’équation suivante :

(Q3Q1) +S(K1) = S(K2) S = Q3Q1

K2K1 (2.3.2)

où S = vitesse de l’onde de choc (km/h), Q1 = volume de trafic (v ´ehicules/h), Q3 = capacité dans la zone de la file d’attente (v ´ehicules/h), K1 = densité du trafic dans la zone 1, K2= densité du trafic dans la zone 2.

La vitesse de l’onde de choc peut être négative ou positive, ce qui signifie que l’onde de choc se déplace contre ou dans le sens du trafic. La longueur de la file d’attente est alors calculée de la même façon que celle utilisée avec le modèle déterministe dans l’équation2.3.1.

Ce deuxième type de modèle permet de mieux décrire l’état du trafic autour de la zone de file d’attente, mais est cependant plus complexe à implémenter.

Parmi les modèles déterministes, Queue and User cost Evaluation of Work Zones (QUEWZ) est un modèle développé par Memmott et Dudek (1982) pour estimer le coût aux usagers vis-à-vis de la perte de temps et de l’usage du véhicule. La version la plus récente QUEWZ-98 (Benekohal et al.2010, Copeland 1998, Krammes et al. 1993) per-met de planifier et de programmer des travaux qui entraînent la ferper-meture des voies. Collura et al. (2010) ont comparé QUEWZ avec d’autres modèles via des études de cas et ont montré que ce modèle est en mesure de fournir des estimations raisonnables sur les files d’attente qui sont proches des observations faites sur le terrain.

Le modèle QUEWZ-98 analyse les conditions de circulation sur un tronçon d’auto-route avec ou sans fermeture de voie et fournit une estimation des coûts aux usagers. Le coût aux usagers (CU) calculé inclut le coût de perte de temps (CTempsperdu), le coût d’utilisation (Cutilisation) et le coût d’insécurité (Cins ´ecurit ´e) :

CU =CTempsperdu+Cutilisation+Cins ´ecurit ´e (2.3.3)

Ces coûts sont détaillés ci-dessous :

– le coût de perte de temps CTempsperdu est dû à l’augmentation du temps de dé-placement dans la zone des travaux. Il est influencé par de nombreux facteurs tels que le trafic actuel et futur, la capacité de trafic sur le pont, le calendrier des travaux, la durée et la fréquence des restrictions de capacité de trafic induites au niveau de la zone des travaux, et les coûts unitaires associés à la valeur du temps ; – le coût d’utilisation Cutilisation est lié à la perte de niveau de service causée par les opérations de maintenance sur les ouvrages routiers. La perturbation du tra-fic normal entraîne des réductions de vitesse, augmente les consommations de carburant et d’huile, engendre l’usure des pneumatiques et augmente le besoin d’entretien des véhicules ;

– le coût d’insécurité Cins ´ecurit ´e se traduit par le fait que la perturbation du trafic induit un impact négatif sur la sécurité routière. En effet, elle augmente le taux d’accidents, de décès dans les zones de travaux, du fait des conditions dégradées de circulations.

A titre d’illustration, les TABLEAUX3.3.23et3.3.24dans le paragraphe3.3.2donnent les valeurs unitaires, utilisées pour calculer les coûts CTempsperdu, Cutilisation et Cins ´ecurit ´e (SBRI 2013a).

La congestion du trafic génère par ailleurs des émissions en grande proportion de polluants dans l’atmosphère. Le modèle QUEWZ-98 prend en compte la quantité de carburant consommée et l’émission de polluants tels que :

– les hydrocarbures HC qui sont des produits de l’essence incomplètement brûlés ou évaporés. L’émission de ces substances augmente quand le véhicule ralentit et diminue dans le cas contraire ;

– le monoxyde de carbone CO issu des produits du fioul incomplètement brûlés. De la même manière, la concentration de CO augmente quand la vitesse diminue ; – l’oxyde d’azote NOx est le produit des moteurs à combustion interne à haute

compression. Contrairement aux composants HC et CO, la concentration de NOx est proportionnelle à la vitesse.

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