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Les résultats statistiques des sections précédentes, bien que limités par la qualité des données, sont parfois contradictoires en fonction des données utilisées. En effet, l’humidité des sols (trois premières couches de sols) des réanalyses ERA40 ne montrent aucune sensibilité à l’excès de précipitations (en synchrone) et donc pas de persistance en termes d’anomalies. Au contraire, le SWI et la couche profonde des réanalyses NCEP-DOE AMIP-II (et, dans une moindre mesure, la couche de sol supérieur) suggèrent l'existence d'un effet mémoire associé aux anomalies de précipitations tombées lors de l'automne boréal. L’utilisation des réanalyses ERA40 amène donc des résultats en cohérence avec les études de Douville et al. (2007) et Shinoda et Yamaguchi (2003) qui montrent que les anomalies d’humidité des sols ne peuvent perdurer au-delà d’un mois et demi. Toutefois, d’une part les conclusions de Shinoda et Yamaguchi (2003) sont uniquement tirées d’une étude locale (Magou, 13°07’N, 1°44’E), menée sur un seul type de sol (sableux). D’autre part, les humidités des sols ERA40 présentent l’inconvénient de n’être alimentées que par des précipitations modélisées et non rappelées à la pluie estimée, comme les réanalyses NCEP-DOE AMIP-II. Ainsi, même

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si le SWI et l’humidité des sols NCEP-DOE AMIP-II présentent des biais potentiels liés au filtrage temporel pour le SWI, et la possible trop grande épaisseur de sol des réanalyses américaines (voir Li et al. 2005), il semble que leur utilisation permette de capter un signal de mémoire interannuelle capable de modifier les conditions initiales de la mousson suivante.

Les analyses composites sur les indices d'humidité des sols (SWI et couche profonde des réanalyses NCEP/DOE-AMIP II) ont révélé que des anomalies positives de précipitations automnales (« année 0 ») amenaient des teneurs en eau plus importantes des sols jusqu'aux mois d’« avril+1 » et « mai+1 », respectivement, pour les zones sahéliennes et soudaniennes. Cette persistance est à même de changer drastiquement les gradients horizontaux d'énergie dans les basses couches et ainsi de modifier les conditions initiales de la mousson d'Afrique de l'Ouest suivante. Typiquement, après des conditions automnales particulièrement arrosées, des anomalies de signes inverses apparaissent dans les flux verticaux de chaleurs sensible (anomalies négatives) et latente (anomalies positives), perceptibles jusqu’au mois d’avril en zone soudano-sahélienne.

La fin de la saison des pluies est donc cruciale, aussi bien pour les conditions de surface (humidité des sols, végétation) que pour les paramètres dynamiques de la mousson et les précipitations associées. Ces conclusions soulèvent cependant certaines questions. D’abord, celle de la capacité pour les écosystèmes semi-arides de bénéficier d’un surplus pluviométrique, disponible sur plusieurs mois ; ensuite, celle qui concerne la chaîne des processus liant conditions de la surface continentale et dynamique de mousson en Afrique de l’Ouest.

Le premier point a fait l’objet de récentes investigations par Schwinning et al.

(2004) et Martiny et al. (2005) au travers de l’indice de différence normalisée de la végétation (notée par la suite NDVI). Ces auteurs disent clairement qu’il existe une mémoire de la végétation par rapport aux précipitations tombées précédemment. Ils indiquent également que l’humidité des sols favorise la germination, la production végétative ainsi que l’abondance foliaire, tandis qu’une infiltration accrue, un ruissellement limité et les cycles biogéochimiques facilitent la croissance végétative.

La seconde question (forçage des dynamiques de la mousson pendant le printemps boréal) implique l’existence de variations lentes des paramètres de surface (végétation) à une échelle sous-continentale et d’une rétroaction positive rapide entre l’humidité des sols superficiels et les flux verticaux de chaleur à une échelle locale. Or,

Chapitre 2 : La question d’une mémoire interannuelle en Afrique de l’Ouest

la couverture végétale (en termes de densité et de nature) change la rugosité et l’albédo de surface mais limite et diffère l’évaporation directe en maintenant une certaine humidité dans les basses couches de l'atmosphère. Cette humidité exerce deux types de forçage dans la basse troposphère. À l’échelle locale, elle renforce les gradients verticaux d’énergie statique humide et, par-là même, l’instabilité verticale. À l’échelle régionale, elle influence les dynamiques de la mousson, en réarrangeant les gradients horizontaux d’énergie statique humide (Emanuel 1995 ; Eltahir et Gong 1996 ; Zheng et Eltahir 1998 ; Fontaine et Philippon 2000), et les cumuls de précipitations associés à ces dynamiques (Philippon et Fontaine 2002). Même si, comme l’ont montré Thorncroft et Blackburn (1999), dans les modèles numériques, de tels gradients ne sont pas capables de reproduire la structure observée du JEA, ils organisent tout de même le flux de mousson (contenu dans les basses couches) et peuvent contribuer à la dynamique du JEA via les gradients méridiens thermiques et d’humidité des sols (Cook 1999).

Les données atmosphériques de réanalyses et les observations montrent qu’au printemps le relâchement des gradients continentaux d’énergie statique humide (orientés vers le sud) est lié à la migration vers le nord du système de mousson. Il apparaît aussi, qu’avant une année anormalement humide, l’échauffement thermique au-dessus du Sahel, qui entraîne la convection dans les basses couches et les ascensions adiabatiques dues au relâchement de chaleur latente dans la haute troposphère, tendent à se renforcer (Fontaine et al. 2002). Une telle situation est donc particulièrement propice, à la fois, à la circulation de mousson ainsi qu’à sa pénétration septentrionale sur le continent. Ces processus ont des impacts sur la dynamique de la mousson à l’échelle régionale à travers la génération de gradients thermiques et hygrométriques qui affectent, à la fois, l’amplitude des précipitations et leur saisonnalité.

Ainsi, nous n’affirmons pas qu’il y a un lien direct entre précipitations automnales de l’« année 0 » et la qualité de la saison des pluies « +1 » (en termes quantitatifs) en zone soudano-sahélienne. Nous pensons que, localement, il y a un forçage continental de plus petite échelle, via le cycle de l’eau et les flux radiatifs. Si l’Afrique de l’Ouest est une des seules régions au monde à avoir cette sensibilité à la persistance des conditions de surface (Koster et al. 2004) c’est parce que la zonalité de la végétation fait que les contrastes méridiens d’humidité fixent les gradients d’énergie, donc la mousson et les précipitations qu’elle engendre. En outre, l’absence de hauts reliefs impose également à la mousson ouest-africaine une forte sensibilité aux états de surface. De ce fait, la modification des conditions initiales de la mousson de l’« année

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+1 » est à même d’engendrer l’intensification des flux verticaux de chaleurs sensible et latente ayant des répercussions positives sur les précipitations (de «janvier +1 » à « mars +1 », puis en « juillet +1 », « août +1 » et « septembre +1 » principalement au sud de 10°N).

Chapitre 3 : Modulations intrasaisonnières des précipitations ouest-africaines

Chapitre 3 : Modulations intrasaisonnières des