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Période sèche Période humide

Chapitre 5 : Impact des facteurs climatiques sur la présence saisonnière des principaux vecteurs du paludisme

5.3 Les dynamiques temporelles des densités vectorielles agressives

Les données issues de captures hebdomadaires à mensuelles sont ici analysées à l’échelle hebdomadaire en réalisant la moyenne par semaine des captures de moustiques de façon à ne pas donner plus de poids aux périodes pour lesquelles les captures ont été les plus fréquentes. De plus, comme le nombre de captureurs a évolué et fluctué au cours de la période d’étude, le nombre de captures a été divisé par le nombre de captureurs pour avoir un nombre de captures rapporté à une personne, toutes les données étant ainsi comparables entre elles. L’unité sera ici le nombre de captures par homme et par nuit, que nous appellerons par la suite nombre d’attaques par homme/nuit ou encore densité agressive par homme/nuit.

La Figure 65 montre l’évolution des attaques moyennes d’An. gambiae s.l. par semaine et par homme/nuit dans le village de Ndiop. Le nombre d’attaques n’est pas continu et est assez variable au cours du temps, dans le sens où ce paramètre semble conditionné par les saisons. En effet, chaque année, il se reproduit plus ou moins le même schéma avec une augmentation progressive du nombre d’attaques jusqu’à une valeur maximale annuelle qui est suivie par une décroissance de la densité agressive. Cette saisonnalité sera précisée et abordée plus en détail lors de la sous-partie portant sur la variabilité intrasaisonnière des

Chapitre 5 : Impact des facteurs climatiques sur la présence saisonnière des principaux vecteurs du paludisme en Afrique soudano-sahélienne (Ndiop, Sine Saloum, Sénégal) données entomologiques. Il existe une forte variabilité interannuelle des densités agressives

d’An. gambiae s.l. En moyenne annuelle, les valeurs vont de 1,5 attaque par homme/nuit à

plus de huit attaques par homme/nuit, avec un écart-type de 4,8. À l’échelle hebdomadaire, la variabilité interannuelle se caractérise principalement par la très forte augmentation du nombre de captures à partir de l’année 1999, les valeurs restant relativement fortes jusqu’en 2005. Cette nette et soudaine augmentation oppose les périodes 1993-1998, 2002, 2006-2007, pendant lesquelles les valeurs maximales annuelles oscillent entre cinq et vingt-huit attaques par homme/nuit, durant la période 1999-2005 (à l’exception de 2002), pendant laquelle les valeurs maximales vont jusqu’à quatre-vingt-six attaques par homme/nuit.

Figure 65 : Capture hebdomadaire moyenne d’An. gambiaes.l. par homme/nuit à Ndiop.

Période : janvier 1993 à octobre 2007.

Cette forte variabilité interannuelle du nombre d’attaques d’An.gambiae s.l. constatée au village de Ndiop nous conduit à nous poser cette question : le même phénomène se constate-t-il sur le nombre d’attaques d’An.funestus (Figure 66) ?

L’année 1999 marque là aussi une rupture extrêmement nette dans la série temporelle. En effet, à partir de cette date et ce jusqu’en 2004 (contrairement à ce qui était constaté pour

An. gambiae s.l., i.e. jusqu’en 2005, exception faite de l’année 2002), le nombre d’attaques

en moyenne par semaine et par homme/nuit dépasse fréquemment dix, alors qu’en dehors de cette période il n’atteint jamais la valeur de deux.

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Figure 66 : Capture hebdomadaire moyenne d’An. funestus par homme/nuit à Ndiop.

Période : janvier 1993 à octobre 2007.

Ce qui est étonnant, c’est l’importante augmentation constatée à partir de 1999. En effet, avant cette date, les faibles valeurs de densité agressive d’An.funestus sont logiques : la grave sécheresse qui a sévi en Afrique de l’Ouest, i.e. depuis le début des années 1970, a eu pour conséquence la quasi-disparition de cette partie de l’Afrique d’An. funestus, un des trois principaux vecteurs du paludisme en zone soudano-sahélienne (Mouchet et al. 1996). Le développement larvaire de cette espèce nécessite des étendues d’eau pérennes ou semi pérennes avec une végétation aquatique abondante (Diagne et al. 1994 ; Faye et al. 1995). Il s’agit donc ici d’un retour important de ce vecteur du paludisme en zone soudano-sahélienne. D’autres zones du Sénégal ont également connu ce phénomène en 1999 (Konate et al. 2001). Dès 1998, des An. funestus avaient été retrouvés dans le nord du Sénégal (commune de Richard-Toll; 16°47’N - 15°69’W), alors qu’ils avaient presque totalement disparu depuis le début des années 1970 dans cette région (Faye O 2002). D’autre part, une étude ponctuelle sur un transect nord-sud en zone sahélienne du Niger a également signalé son retour à ces latitudes en Afrique de l’Ouest lors de l’année 2003 (Labbo et al. 2004). La Figure 66 apporte donc une véritable confirmation de la re-colonisation par ce vecteur de la frange soudano-sahélienne au Sénégal à la fin des années 1990, et ce au moins jusqu’en 2004.

Chapitre 5 : Impact des facteurs climatiques sur la présence saisonnière des principaux vecteurs du paludisme en Afrique soudano-sahélienne (Ndiop, Sine Saloum, Sénégal) Comme c’était le cas pour An. gambiae s.l., An. funestus montre une certaine saisonnalité dans la densité de ses attaques, faisant alterner des périodes pendant lesquelles les attaques sont bien plus nombreuses que d’autres. Ces considérations seront précisées lors de l’étude entomologique au pas de temps intrasaisonnier. Remarquons enfin qu’An.gambiae

s.l. est l’espèce qui domine largement en termes de densité agressive pour l’homme sur la zone de Ndiop.

• Saisonnalité des densités agressives d’An. gambiae s.l. et funestus à Ndiop

Pour préciser les principales périodes d’attaques vectorielles dans le village de Ndiop, ainsi que leur saisonnalité, nous avons calculé les cycles annuels moyens des densités agressives de ces deux vecteurs sur la période 1993-2007 au pas de temps hebdomadaire (Figure 67). a/ b/ J F M A M J J A S O N D 0 5 10 15 20 25 30

moy par semaine et H/N

J F M A M J J A S O N D 0 5 10 15 20 25 30

moy par semaine et H/N

Figure 67 :Cycles annuels moyens des densités hebdomadaires moyennes à Ndiop a/ : des An

gambiae s.l.. b/ : An. funestus. Période 1993:2007.

Les attaques d’An.gambiae s.l. débutent, en moyenne, à la mi-juin pour se terminer à la fin de l’année (Figure 67 a/). Le nombre maximal d’attaques concerne la fin du mois de septembre et, plus généralement, s’étend de mi-septembre à mi-octobre. Il faut noter que, lors de la première semaine du mois de mai, la valeur moyenne est au-dessus de zéro. Toutefois, il s’agit d’une attaque très isolée (en 2001) et non récurrente chaque année. En conséquence, nous retiendrons ici que les premières attaques de ce vecteur se situent lors du mois de juin.

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La Figure 67 b/ montre le cycle annuel moyen des An.funestus à Ndiop. En moyenne, les premières attaques de ce vecteur débutent à la mi-août pour terminer à la fin de l’année. Il y a donc un retard dans l'évolution saisonnière de la densité agressive des An. funestus par rapport au complexe gambiae s.l.. Cela est dû au fait que les An. funestus ont besoin de collections d’eau plus importantes pour se reproduire et explique le retard des premières attaques par rapport au complexe gambiae s.l.. La densité agressive maximale n’intervient alors pas avant la mi-octobre.

Regardons maintenant quels sont les mois de l’année qui présentent une variabilité remarquable dans le nombre d'attaques vectorielles.

Figure 68 : Pour chaque mois, la « boîte-à-moustaches » donne pour la densité agressive

mensuelle des An. gambiae s.l. (a/) et funestus (b/) : la médiane (barre centrale rouge), la moyenne (carré vert), les premier et troisième quartiles (limites inférieure et supérieure de la boîte), et l’étendue du reste des données (« moustaches » et signes plus). Période 1993-2007.

La variabilité interannuelle des densités agressives mensuelles moyennes (Figure 68) est dominée par l'opposition entre les années à fortes et à faibles densités agressives. Pour An.

gambiae s.l., c'est le mois de septembre qui est le plus variable. La variabilité des mois de

juillet et d'octobre est à mettre en relation avec la variabilité du début et de la fin de saison des pluies qui conditionne la saisonnalité de la densité anophèlienne. La Figure 68 b/ est marquée par les années extrêmes, avec des individus qui s’écartent de la moyenne en août et septembre.

Chapitre 5 : Impact des facteurs climatiques sur la présence saisonnière des principaux vecteurs du paludisme en Afrique soudano-sahélienne (Ndiop, Sine Saloum, Sénégal) Une grande partie de l'intérêt de l'étude réside dans le constat de l’existence d’une forte variabilité interannuelle des densités vectorielles. Peut-on l’expliquer, au moins partiellement, à l'aide des paramètres climatiques ? Est-il possible de reproduire les observations à l'aide d'un modèle ?

5.4 Impacts des facteurs climatiques sur les densités vectorielles