• Aucun résultat trouvé

2-1-2 SYNTHÈSE « BOTTOM UP » PAR CROISSANCE DE GERMES

Cette procédure permet de réguler pas à pas la croissance des nanoparticules et

d’orienter ce développement dans une direction privilégiée de l’espace par dissociation des étapes de nucléation et de croissance. Cela permet l’obtention de AuNPs dont la taille mais aussi la forme sont rigoureusement contrôlées. Elle se déroule en deux étapes (schéma 22) :

• La première étape est similaire à celle de la synthèse in-situ et correspond à un processus de nucléation et aboutit à la formation de clusters individualisés de nanoparticules d’or de très petite taille par réduction du sel d’or aurique Au3+ en or

métallique Au0. Ces clusters sont appelés germes.

• La deuxième étape correspond à une phase d’expansion dirigée et contrôlée. La suspension de germes est ajoutée à une solution de croissance contenant des sels d’or HAuCl4 ainsi que des agents réducteur et stabilisant. Schéma 22 : Synthèse des AuNPs par la méthode « bottom up » en utilisant la stratégie de croissance de germes. Le contrôle en taille et en forme est assuré par :

• L’utilisation de réducteurs de force différente. La préparation des germes est effectuée en présence d’un réducteur fort alors qu’un réducteur plus doux est utilisé dans la phase de croissance. Les nouveaux atomes d’or Au0 formés lors de la deuxième étape ne pourront pas générer de nouveaux germes car la réduction se fera à la surface du germe qui agit comme catalyseur ce qui permet d’obtenir une croissance homogène et continue à partir d’un nombre fixe de germes. Le germe sert de support pour le développement de la future nanoparticule d’or. • L’utilisation, lors de la phase de croissance, d’un agent réducteur et stabilisant qui oriente la synthèse dans une direction de l’espace. Le citrate trisodique, l’acide ascorbique, l’hydroquinone ainsi que le bromure d’hexadecyltriméthylammonium (ou CTAB) sont couramment utilisés dans la synthèse par croissance de germes (figure 23).

HAuCl4

Réducteur R1

Formation des germes

HAuCl4 Réducteur R2 Stabilisant Croissance Au3+ Au0 Germe de AuNPs Stabilisant

Atome d'or nouvellement réduit à la surface du germe

Figure 23 : Structure de différents réducteurs et stabilisants couramment rencontrés dans les stratégies de synthèse des AuNPs par croissance de germes « bottom up ».

C’est en 1990 que Nathan(80) et son équipe ont proposé la première synthèse de

nanoparticules d’or sphériques via la procédure de croissance de germes afin de préparer des suspensions colloïdales de AuNPs de grande taille (100 nm) et présentant un caractère monodisperse. Les germes furent obtenus en présence de NaBH4 et de

citrate trisodique. Le borohydrure de sodium permettait la réduction des sels d’or en or métallique et le citrate stabilisait les germes ainsi formés. Ces germes furent ensuite mis au contact de la solution de croissance contenant des sels d’or et un réducteur doux comme le citrate ou l’hydroxylamine. Cependant, les AuNPs ainsi obtenues présentaient une anisotropie de forme avec une population de AuNPs sphériques mais également une population de AuNPs en forme de bâtonnets ou nanorods (AuNRs). De nombreux groupes de recherche ont alors étudié cette stratégie de synthèse et modifié certains paramètres afin d’obtenir des populations homogènes de AuNPs avec une isotropie de taille et de forme et présentant un caractère monodisperse. Sous l’impulsion de Murphy(81) en 2001, le citrate trisodique fut remplacé par de l’acide

ascorbique et en 2006, l’équipe de Liz-Marzan(82) a décrit la première synthèse par

croissance de germes permettant la formation d’une population monodisperse de AuNPs sphériques et d’un diamètre moyen de 200 nm.

Pourtant, le caractère anisotropique des nanoparticules d’or obtenues par cette voie de synthèse a également été largement exploité afin de préparer des suspensions de nanoparticules avec des formes variées : nanobâtonnets, nanocubes, nanohexapodes, nanorubans, nanocages creuses ou nanobranches (figure 24)(83) (84). O OH HO O OH HO acide ascorbique NaO ONa O O OH ONa O citrate trisodique OH OH hydroquinone N Br CTAB

Figure 24 : Images obtenues par microscopie électronique à transmission illustrant le caractère anisotrope des AuNPs. A) Formation de AuNPs en étoiles(85) ; B) Formation de AuNPs en bâtonnets ou

nanorods d’or(86) ; C) Formation de nanocages(87) ; D) Formation de AuNPs en cubes(88) ; E) Formation de

AuNPs en triangle(88).

Parmi ces formes anisotropiques, la plus étudiée est la forme bâtonnet ou nanorod (AuNRs). Cette structure est particulièrement attractive car, de par sa structure asymétrique et contrairement aux nano-sphères, elle présente deux bandes d’absorption plasmonique de surface : une bande d’absorption vers 525 nm, associée à la composante transverse et une seconde bande d’absorption dans le proche infra-rouge (IR), à partir de 680 nm, associée à la composante longitudinale (89). L’existence de cette bande d’absorption dans le proche IR suscite un fort intérêt pour son application en nano-médecine et plus précisément dans les techniques d’imagerie in-vivo car cela permet de s’affranchir de l’absorption intrinsèque des tissus qui devient négligeable dans ce domaine de longueur d’onde. En effet, le corps humain est transparent à 820 nm.

Depuis plusieurs décennies, la préparation des AuNRs était réalisée par des techniques de réduction électrochimique ou photochimique à l’aide de support matrice nanoporeux. Cependant, les travaux de Murphy et al.(90) en 2001 puis de El Sayed et al.(91) en 2003 ont permis l’élaboration d’une méthode de synthèse chimique via la

stratégie de croissance de germes selon un processus séquentiel. Les sels d’or aurique Au3+ sont réduits en présence de citrate et de NaBH4 et servent de germes. Une première

séquence consiste à ajouter ces germes à une solution de croissance contenant des sels d’or (précurseur de Au3+), du CTAB (agent de surface permettant une expansion

orientée) et de l’acide ascorbique (agent réducteur). Après quelques minutes d’exposition au repos, des AuNRs de première génération sont obtenus et serviront à leur tour de germes pour la formation de AuNRs de seconde génération (schéma 23)(83).

Schéma 23 : Application de la stratégie « bottom up » à croissance de germes pour les synthèses de nanorods (AuNRs). III-2-2 AUTRES STRATÉGIES DE SYNTHÈSE ET DE STABILISATION DES AuNPS La stratégie « top down » utilise de l’or à l’état massique sous forme de film ou de pastille. Celui-ci est alors fractionné par des processus physiques au sein de matrices ce qui permet de contrôler la taille et la forme des AuNPs. Les procédés physiques les plus largement utilisés sont la lithographie par faisceau d’électron et l’ablation laser introduite par Cotton(83) en 1959. La lithographie électronique aboutit à la formation de

AuNPs présentant des formes variées et avec un contrôle de précision de la taille limité à une dizaine de nanomètre. L’ablation laser permet d’obtenir des AuNPs sphériques de taille contrôlée, peu dispersées et directement fonctionnalisées.

D’autres voies de synthèse mettant en œuvre des procédés physiques ont également été proposées : l’irradiation UV ou dans le proche IR, la sonication à 200 kHz, la radiolyse par γ-irradiation, la thermolyse, la photolyse ou encore l’ablation laser. L’engouement pour les procédés de chimie verte et de biosynthèse a abouti à l’utilisation de micro-organismes et de biomolécules pour la synthèse in-situ des AuNPs. De nombreux extraits naturels tels que la gomme arabique, l’Aloès Véra, l’huile de castor, … possèdent des fonctions carboxyliques, carbonyles, hydroxyles ainsi que des groupements phénoliques. Ces fonctionnalités chimiques permettent à la fois de réduire les sels d’or aurique Au3+ en or métallique Au0 mais également de stabiliser les AuNPs

ainsi produites.

De même, les micro-organismes tels que les bactéries, les levures et les champignons possèdent un arsenal enzymatique capable de mettre en œuvre des réactions d’oxydo-réductions et l’abondance des groupements électronégatifs permet d’assurer la stabilisation des AuNPs ainsi obtenues(83).

La stabilisation des AuNPs peut également être réalisée à l’aide de micelles polymériques ou de micelles inverses au sein de microémulsions. Il s’agit d’un système

HAuCl4

Na3 Citrate, NaBH4

Formation des germes

HAuCl4 Acide ascorbique CTAB Croissance Au3+ Au0

AuNRs de première génération HAuCl4

Acide ascorbique CTAB

Croissance

AuNRs de deuxième génération Germe de AuNPs

Stabilisant

Atome d'or nouvellement réduit à la surface de la nanostructure

biphasique où un surfactant va permettre la formation de micelles créant un microenvironnement favorable à la synthèse des AuNPs et assurant l’extraction de l’ion métallique depuis la phase dispersante vers l’intérieur de la micelle. De plus, ces micelles serviront de matrice et permettront d’obtenir un contrôle de la taille et de la forme des AuNPs par variation du ratio Surfactant/Au(60).

De façon assez similaire, les AuNPs peuvent également être stabilisées par des dendrimères ou des polymères tels que la polyvinylpyrrolidone (ou PVP) ou le polyéthylène glycol. Le plus souvent il s’agit d’une synthèse in-situ des AuNPs au sein des matrices de polymères par réduction des sels d’or aurique Au3+ dissous dans la

matrice ou obtenus après évaporation du précurseur au contact de la surface chauffée du polymère. Mais il peut également s’agir de la polymérisation de la matrice autour des AuNPs bien que cette stratégie soit beaucoup moins utilisée. Cette méthode permet de stabiliser les AuNPs et d’éviter l’agrégation par l’utilisation du nombre d’or de Toshima(60). Ce nombre d’or correspond au nombre de mg de polymères nécessaires

pour prévenir l’agrégation des AuNPs lors de l’addition d’1 mL d’une solution aqueuse saline à 10%. Cette agrégation est marquée par le virage de coloration de la solution de rouge à violet. Plus ce nombre d’or est bas, plus le polymère possède un pouvoir protecteur élevé. III-3 STABILISATION DU COLLOÏDE, SURFACTANT ET MONOCOUCHE AUTO- ASSEMBLÉE III-3-1 STABILITÉ DU COLLOÏDE ET SURFACTANT : QUELQUES NOTIONS GÉNÉRALES

Depuis les travaux de Turkevich(63), de nombreuses procédures mettant en

œuvre la réduction chimique de sels d’or HAuCl4 ont été développées afin d’obtenir des

suspensions colloïdales de nanoparticules d’or. Toutes ces voies de synthèse ont en commun l’utilisation d’agents de surface, également appelés agents surfactants ou tensioactifs qui empêche le phénomène de coagulation et assure la stabilité de la suspension colloïdale.

En effet, la stabilité d’un colloïde en phase aqueuse est régie par la théorie DLVO ou Derjaguin-Landau-Verwey-Overbeek qui suggère que l’énergie libre totale d’interaction entre deux particules résulte de deux composantes : l’énergie libre liée aux interactions de Van der Walls et celle liée aux interactions électrostatiques selon l’équation suivante :

G = GVan der Walls + Gélectrostatique

Les forces de Van der Walls entre deux particules identiques sont attractives. En revanche, les forces électrostatiques issues du chevauchement des nuages électroniques sont répulsives. L’intensité de la répulsion électrostatique est corrélée au potentiel présent à la surface de la particule. L’équilibration de ces deux forces permet d’assurer

la stabilité des particules en solution en générant une barrière énergétique qui prévient la coagulation (figure 25).

Cependant, ce modèle DLVO est insuffisant pour expliquer la stabilité du colloïde lorsque la distance inter-particulaire atteint l’échelle nanométrique car il ne prend pas en compte les interactions entre les particules et le milieu dispersif, notamment les forces stériques, hydrophobes et de solvatation.

Ainsi, l’interaction entre deux particules peut être exprimée par cette équation DLVO modifiée(92):

G = GVan der Walls + Gélectrostatique + Gforces non-DLVO

Figure 25 : Représentation simplifiée des forces attractives (Van der Walls) et répulsives (électrostatique) qui s’exercent à la surface de deux nanoparticules d’or en interaction. Représentation de la résultante de ces forces en fonction de la distance inter-particulaire. En l’absence de tout surfactant, la réduction chimique des sels précurseurs d’or en or métallique Au0 entraine la formation de nanoparticules non électriquement

chargées et non encombrées. Les forces électrostatiques et stériques sont donc nulles et l’attraction de Van der Walls prédomine ce qui conduit à l’agrégation des AuNPs et à la destruction de la suspension colloïdale.

Inversement, l’utilisation d’agent de surface comme le citrate de sodium (Turkevich(63)), le TOAB (Brust-Schiffrin(93)(79)) ou le CTAB (Nikoobakht(91)) permet de

créer à la fois une charge ainsi qu’un encombrement stérique à la surface de la nanoparticule. Les forces répulsives deviennent alors prépondérantes et la coalescence n’a pas lieu.

De plus, le choix de l’agent de surface est important car son caractère hydrophobe ou hydrophile conditionne le comportement des AuNPs au sein du milieu dispersif. Ainsi, des AuNPs recouvertes de citrate exhiberont un caractère hydrosoluble alors que celles entourées de CTAB ou de TOAB pourront être dispersées dans des solvants organiques. C’est d’ailleurs cette propriété qui est utilisée dans la synthèse biphasique de Brust-Schiffrin afin de permettre le transfert de phase des ions auriques Au3+ depuis

la phase aqueuse vers la phase organique où aura lieu la réaction de réduction. En effet, le CTAB est une molécule amphiphile caractérisée par une chaine alcane de 16 atomes de carbone apolaire et lipophile et par la présence d’un ammonium quaternaire hydrophile. Ainsi, la partie hydrophile du CTAB s’organise et s’oriente autour du cation Au3+ hydrosoluble tandis que la queue hydrophobe est dirigée vers le milieu apolaire.

Ce transfert des ions auriques ne pourra être effectué que lorsque la concentration en surfactant sera supérieure à la concentration micellaire critique ou CMC. Pour des concentrations inférieures, le CTAB forme un film à l’interface Eau/Toluène avec la tête hydrophile de la molécule dirigée vers la phase aqueuse et la queue hydrophobe vers la phase organique. Lorsque la concentration en CTAB atteint la CMC, l’interface Eau/Toluène est saturé en surfactant. C’est pourquoi, pour des concentrations supérieures à la CMC, le tensio-actif se retrouve dispersé dans la phase aqueuse et peut alors jouer son rôle d’agent de transfert de phase (schéma 24).

Schéma 24 : Représentation du mécanisme d’action moléculaire des agents tensioactifs permettant le transfert de phase des ions auriques Au3+ depuis a phase aqueuse vers la phase organique où aura lieu la

réduction en Au0.

Ces agents de surface interviennent dès le stade de la nucléation afin de protéger les germes de l’agglomération. De plus, en fonction de la structure nanocristalline du germe, le surfactant peut présenter un tropisme pour certains plans cristallographiques et engendrer un abaissement localisé de l’énergie libre et donc une réactivité diminuée. Cette propriété est notamment exploitée dans le processus de synthèse par croissance de germe afin d’obtenir des AuNPs présentant une forme anisotropique(94). N Br N Br Au3+ H2O Toluène Polaire Hydrophile Apolaire Hydrophobe Au3+ N Br Br NBr N N Br N Br TOAB CTAB N N N N N NaBH4 Polaire Hydrophile Apolaire Hydrophobe