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PARTIE IV : M ATERIAUX MONOLITHIQUES ET EFFETS PLASMONIQUES

I. R APPELS BIBLIOGRAPHIQUES SUR LES NANOPARTICULES METALLIQUES

2) Synthèse de bipyramides d’or

Les premières synthèses de bipyramides datent de 2001. Elles ont été considérées au début comme des bâtons atypiques174 ou en petite quantité comme impureté dans la synthèses de bâtonnets146. Malgré des publications croissantes sur le sujet, force est de constater au bout de dix ans que les rendement restent moyens (de l’ordre de 50 % en général, 80 % dans les meilleurs cas175,176) mais surtout que la pureté finale est moyenne, particulièrement si l’on se base sur les spectres des solutions, car comme pour les bâtonnets d’AR faible, il est difficile de séparer bipyramides et sphères.

Ces objets allongés avec une structure de bipyramide pentagonale légèrement déformée possèdent trois propriétés très intéressantes :

- des pointes très fines comme celles des étoiles, qui les rendent extrêmement sensibles à leur environnement avec des effets de pointes particulièrement intenses177

- une résonance aisément ajustable jusqu’à l’infrarouge dépendant de l’AR et de la troncature des pointes175

- une finesse inégalée de la bande plasmon (largeur de l’ordre de 50 nm à mi-hauteur pour des bandes de résonance plasmon aux environs de 800 nm) et donc une résonance très aiguë176.

Les conditions de synthèse des bipyramides sont variables dans la littérature à part sur l’utilisation d’acide ascorbique comme réducteur et la présence d’argent indispensable (Tableau 17) :

Groupe Conditions des germes Milieu de croissance Rendement max.

Jana et al.174 NaBH4/Citrate de sodium 4h avant utilisation

CTAB 80mM

acétone 2 % cyclohexane 2,5 % AgNO3/Acide ascorbique

50-60 %

Liu et al.146 NaBH4/ Citrate de sodium 2h avant utilisation

CTAB 100mM

AgNO3/Acide ascorbique

30-50 %

Geitner et al.177

NaBH4/CTAB 200mM Stocké une nuit à 30°C

CTAB 400mM

AgNO3/Acide ascorbique frais

30-50 %

Kou et al.176 NaBH4/ Citrate de sodium 2h avant utilisation

CTEAB 100mM

AgNO3/Acide ascorbique

60-70 % Navarro et al.175 NaBH4/CTAB 100mM 7 jours de murissement CTAB 100mM AgNO3/Hydroquinone 70-80 %

Tableau 17 : Récapitulatif des différents procédés existants pour la réalisation de bipyramides d'or.

Les « rendements » sont sujets à caution car basés uniquement sur les clichés de TEM, mais à la vue des spectres UV-Vis en solution, les travaux de Kou et al. et Navarro et al. semblent être effectivement meilleurs. On voit que soit les germes réalisés en milieu CTAB après vieillissement, soit les germes au citrate de sodium sont utilisables. Des germes d’or polycristallins pentamaclés typiques de la réduction en présence de citrate de sodium146, comme le montre la photo ci-contre (Figure 71), serait donc préférables, ce qui serait cohérent avec la forme des bipyramides et les observations en DRX montrant le caractère polycristallin de ces objets. Le vieillissement des germes CTAB tend à rendre les germes polycristallins, ce qui va dans le même sens.

Ces groupes ont essayé de trouver des paramètres clés pour caractériser les bipyramides obtenues. Trois paramètres sont généralement retenus :

- la longueur pointe à pointe et la largeur au centre de l’objet : leur rapport donnant l’AR

- le rayon de courbure de la pointe, ou l’angle formé par la pointe.

Contrairement au cas des bâtonnets où l’AR est le critère clé

Figure 71 : HRTEM de germes préparés par voie citrate. L'encart montre la répartition en germes monocristallins (s), pentamaclés (t) et non-déterminés (u). Reproduit de Liu et al.146

Figure 72 : Schéma d'une bipyramide d’or idéalisée.

pour définir la position de la bande plasmon, le cas des bipyramides est plus complexe, et la bande plasmon varie en fonction de l’AR mais surtout en fonction de la troncature et les deux paramètres sont intimement dépendants. Des longueurs d’ondes de l’ordre de 1200 nm ont été atteintes pour la bande plasmon longitudinale. On peut noter que Jana et al. lors de leur synthèse des bipyramides par inadvertance avaient réussi à atteindre environ 1500 nm mais avec un rendement très faible et une grande polydispersité174.

3) Mécanismes de croissance en présence d’ions Ag

+

Les bipyramides et les bâtonnets sont des particules très voisines de par leur morphologie essentiellement 2D mais également de par leur croissance cristalline. Dans les deux cas, la croissance s’effectue principalement selon la direction [110] ou selon l’axe [100] en présence d’argent. Les mécanismes détaillés, même pour la formation des bâtonnets, sont encore assez mal compris, et plusieurs hypothèses subsistent.

Tout d’abord, on a vu précédemment le caractère crucial de la polycristallinité des germes pour les bipyramides. Mais nous n’avons pas explicité ce paramètre dans le cas des bâtonnets. La raison est que ces derniers existent aussi bien en forme monocristalline (bâtonnet de forme octogonale) qu’en forme polycristalline (forme pentagonale pentamaclée enroulée autour de l’axe [100]) comme le montre la Figure 73.

Toutefois, cette dernière forme n’est observée en quantité significative que dans les protocoles sans argent, dans le cas des bâtonnets de grand AR. Dès que l’argent est présent, on observe la formation d’autres particules comme les bipyramides173,146.

Dans le cas des bâtonnets monocristallins, le mécanisme privilégié est le dépôt d’argent (sous forme d’AgBr complexé avec le CTAB ou d’argent métallique par UPD (Under-Potential Deposition) selon les mécanismes considérés178,179) sur les faces [110] des particules durant leur formation, orientant la croissance selon l’axe [100]. Les analyses de surface réalisées sur les bâtonnets et les bipyramides par les différents groupes cités précédemment, montrent la présence d’argent, d’ions bromures et de chaines cétyltriméthylammonium en surface des particules. Ces ne permettent donc pas de conclure sur le mécanisme exact, mais permettent d’affirmer la présence d’argent (métallique ou ionique) en surface

des particules et donc son rôle fondamental dans ces synthèses. Toutefois dans le cas des bipyramides (Figure 74), le mécanisme est plus délicat : comme la forme est enroulée autour de l’axe [100], on observe une croissance en escalier avec apparition de

« marches » sur les faces [100]146 . Ces marches sont

thermodynamiquement instables mais en présence d’argent ce dernier les stabiliserait en se déposant au fur et à mesure de leur formation. Ceci confirmerait que l’argent est un des points clés dans la transition bâtonnets pentacristallin/bipyramide.

Récemment, Tran et al.180 ont vu que les pointes des bipyramides affichaient une forme pentagonale parfaite, ce qui montre un lien direct avec les bâtonnets polycristallins (Figure 73 et

Figure 73 : Structure cristalline des bâtonnets (a) monocristallins (b) pentacristallins. Reproduit de Smith et al.173

Figure 74 : Structure d'une bipyramide selon Liu et al.146

Figure 75). Leurs résultats au niveau de la morphologie sont concordants avec ceux de Navarro et al. et leurs clichés de diffraction identiques à ceux de Liu et al. malgré les conditions de synthèse radicalement différentes (milieu PEG, en présence d’argent et de palladium).

Figure 75 : A gauche, clichés MEB de bipyramides obtenues par Tran et al. et schéma de leur structure. L'encart dans le cliché MEB montre la pointe pentagonale des particules. A droite, clichés de bipyramides obtenus par tomographie

électronique reproduits de Navarro et al.

On peut donc en toute logique, voir les bipyramides comme des cousins des bâtonnets d’or polycristallins dont la croissance se fait préférentiellement au niveau des joints de grains mais où l’argent met en exergue ce phénomène en forçant littéralement les faces à se réduire de plus en plus. La zone la plus réactive située à l’interconnexion des cinq joints de grains, devient donc la zone de croissance la plus rapide, et résulte en la formation d’une particule présentant deux pointes.