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Nous avons proposé, dans ce chapitre, une méthode couplant un modèle de connaissances et une méthode d’optimisation pour la recherche de scénarios dans le cadre de l’intégration de la conception de produits (ou systèmes) et de la gestion de projets. Un algorithme évolutionnaire classique a été adapté au problème de sélection de scénarios de projet en environnement multicritère, par l’injection de connaissances permettant un guidage et une accélération du processus. Le principal intérêt de l'approche proposée est l’intégration de connaissances expertes grâce à l’utilisation d’un modèle construit a priori pour aider la résolution du problème de sélection de scénarios. Les avantages d’une méthode abductive experte sont : i) d’une part, la possibilité de simplifier le modèle complet lié au problème en intégrant des connaissances de dépendance conditionnelle ou contextuelle entre les concepts représentés et des connaissances de généralisation et de pertinence entre ces concepts, ii) d’autre part, la possibilité de réutilisation de connaissances entre différentes instances du problème (projets) en adaptant la connaissance au contexte courant et en intégrant, au préalable, des connaissances sur les nouveaux éléments et leur intégration avec la

partie réutilisée. Le processus de réutilisation de connaissances permet ainsi de concentrer l’analyse des décideurs (et leur temps disponible) sur la recherche d’innovations et leur intégration dans les produits et modèles existants.

Nous avons défini une méthode de construction du modèle de connaissances permettant de saisir les connaissances exprimées en parallèle de l’analyse de décomposition proposée dans le cadre du projet ATLAS. Cette décomposition experte permet d’extraire les informations pertinentes à chaque niveau d’étude ou de décomposition. La réutilisation de ces informations, mises en forme puis capitalisées pour constituer de la connaissance, est basée sur une mesure de pertinence et guidée par un principe d’adaptation par contextualisation. Grâce à ce principe, l’expert exprime plus facilement sa connaissance par la mise en relation des situations différentes où apparaît un concept (c’est-à-dire les différents projets précédemment étudiés ou les analyses des scénarios particuliers). La méthode consiste alors à proposer aux experts différents niveaux d’analyse des contextes possibles : le contexte stratégique inter-projets (positionnement du projet), le contexte de chaque environnement (conception ou conduite), puis le contexte du couplage entre environnements et, pour finir, le contexte de la réduction du modèle pour l’optimisation.

Ce processus d’élaboration du modèle de connaissances aboutit à un modèle contextualisé représentant les décisions potentielles pouvant être prises, les objectifs définis pour le ou les projets ainsi que des concepts associés. Ce modèle représentant les connaissances issues des deux environnements analysés (Produit / Projet) permet d’obtenir un couplage équilibré entre les décisions des environnements de conduite et de conception. En effet, la représentation initiale décrite dans le chapitre 1 (graphe de projet) donnait un net avantage à l’analyse des décisions de conception représentées par les nœuds OU du graphe, tandis que les décisions de conduite représentées par les nœuds tâches étaient exprimées dans les différents contextes définis par les décisions de conception. En d’autres termes, la représentation évolutionnaire ne représente explicitement que la décomposition de conception. Le guidage par un modèle regroupant des connaissances issues des deux décompositions Produit et Projet permet de traiter les deux décompositions à égalité et donne la possibilité de réorganiser l’ordre a priori défini par les experts durant la recherche par un apprentissage en ligne avec des données adaptées au contexte.

Du point de vue de l’aide à la décision, le principal intérêt de notre approche est que l’utilisateur dispose à la fois d’un éventail de solutions possibles représentant la surface de compromis a posteriori entre les objectifs étudiés, mais également du modèle de connaissances utilisé pour guider la recherche ainsi qu’une évaluation de la pertinence de ce modèle selon la simulation effectuée. Le modèle est exprimé dans le même formalisme bayésien et utilise les mêmes termes et concepts que ceux utilisés lors de l’analyse experte a priori du problème courant (démarche de décomposition) ou lors de l’analyse des solutions effectivement réalisées (scénarios). Le modèle probabiliste bayésien permet de représenter de façon compacte et graphique les variables du problème en tenant compte de l’incertitude. Il permet de bénéficier des avantages de chaque source de connaissances disponible avec une structure fournie par les experts et un apprentissage paramétrique possible sur des cas précédents sélectionnés (hors-ligne) et/ou avec les individus issus de l’algorithme évolutionnaire (en ligne).

Une fois le modèle défini, le principe du processus de recherche supervisé ou guidé par le modèle est de combiner les avantages des deux processus : l’utilisation de connaissances contenues dans un réseau bayésien et la recherche par algorithme évolutionnaire. L’utilisation de connaissances doit accélérer la recherche en la guidant vers les zones supposées performantes. Étant donné que le problème étudié est relativement incertain et que la connaissance des experts est partielle et également incertaine, la recherche de solutions optimales ne peut être garantie par un échantillonnage aléatoire du modèle de connaissances. Le principe du couplage est alors d’utiliser un algorithme évolutionnaire pour optimiser la recherche de solutions dans l’espace de recherche défini par le modèle. Le modèle guidant la recherche ne doit pas être trop précis pour laisser un espace de recherche suffisant au processus de recherche. L’algorithme proposé, exposé dans la section 3.4., dispose de différents moyens d’injecter la connaissance contenue dans le modèle, au cœur du processus de recherche. Il s’agit de nouveaux opérateurs évolutionnaires et de capacités

d’adaptation de la connaissance en cours d’optimisation avec un lissage de probabilités ou un apprentissage en ligne permettant la mise à jour du modèle. Trois opérateurs évolutionnaires ont ainsi été modifiés :

 l’opérateur d’initialisation : cet opérateur permet l’injection initiale de connaissances, totalement guidée par le modèle, et correspond à une mutation orientée par la connaissance sur les gènes actifs et à une mutation aléatoire sur les gènes inhibés. Les individus sont répartis dans toutes les classes fictives données par le modèle afin d’explorer l’espace de recherche, limité par les connaissances ;

 l’opérateur de mutation : cet opérateur permet l’injection partiellement guidée par le modèle en cours d’optimisation. L’opérateur de mutation guidée par les connaissances proposé permet d’injecter la connaissance du modèle dans la population et d’explorer ainsi l’espace restreint défini par le modèle. Pour les problèmes de taille importante, l’injection initiale de connaissance lors de l’initialisation de la population ne permet pas d’introduire toute la connaissance du modèle dans un nombre restreint d’individus. L’opérateur de mutation guidée par les connaissances permet de poursuivre cette injection de connaissance tout au long du processus d’optimisation tout en maintenant la connaissance déjà injectée et en orientant la mutation pour qu’elle permette d’alterner entre différentes configurations potentiellement performantes dans l’espace restreint de recherche (ensemble d’instanciations cohérentes des gènes selon le modèle). Les gènes peu influents ou peu connus subiront un processus évolutionnaire classique puisque le modèle indiquera une probabilité uniforme de sélection du gène et de l’état. Enfin, nous avons défini deux stratégies de gestion des gènes inactifs pour évaluer leur impact sur le processus évolutionnaire ainsi qu’un opérateur d’injection totale où la sélection des gènes à muter est également réalisée en fonction du modèle de connaissance.

 l’opérateur de croisement : cet opérateur permet la recherche par combinaisons restreintes selon les connaissances du modèle et le partitionnement de la population sur les zones recherchées. Deux stratégies de sélection des parents sont proposées afin de contrôler le rapport diversification/intensification de l’algorithme de recherche à l’intérieur de l’espace restreint par les connaissances. L’opérateur proposé décompose l’opération classique de croisement en deux opérations de croisement unilatéral. Le croisement est accepté selon les connaissances du modèle et l’instanciation courante des gènes de l’individu, de sorte que les schèmes performants soient préservés et des éléments potentiellement intéressants de l’autre individu se voient intégrés. De même que pour l’opérateur de mutation, différentes stratégies de gestion des gènes inactifs et d’utilisation de connaissance structurelle ont été définies.

Deux opérations possibles pour modifier le modèle en cours d’optimisation ont été proposées : le lissage des probabilités et l’apprentissage en ligne du modèle avec le réseau bayésien a priori. La combinaison du lissage et du réapprentissage permet d’envisager une forme d’adaptation progressive des connaissances au contexte afin, dans un premier temps, d’accélérer la recherche, puis d’étudier progressivement l’espace de recherche à partir d’une zone performante. La méthode ainsi obtenue est très proche du principe d’évaporation de phéromones des algorithmes par colonies de fourmis tandis que le niveau de précision du guidage par le modèle (définissant l’espace dans lequel est confinée la recherche) peut être assimilé à un contrôle de la diversité ou des mouvements possibles.

Le chapitre suivant présente, dans un premier temps, la plate-forme de tests qui a été développée pour valider nos propositions, puis les différents tests et essais réalisés avec leurs interprétations. Ainsi, les différentes stratégies et modes de fonctionnement proposés seront décrits et leurs performances analysées.

Chapitre 4

Simulations et résultats

4.1 Introduction

Afin d'évaluer l'impact des différentes propositions et paramètres de la méthode définie dans le chapitre précédent, nous avons mis en place une plate-forme de validation de l’algorithme évolutionnaire, présenté dans le chapitre 3, pour optimiser la recherche de scénarios. La nouvelle plateforme, présentée dans la section 4.2, regroupe l’algorithme évolutionnaire « guidé par les connaissances », une interface de gestion des projets manipulant les données de projet (graphes et réseaux associés) ainsi que le logiciel Netica® de calcul d’inférence et d’apprentissage bayésien. A partir des différents modes (utilisation de connaissances structurelles, sauvegarde de la mémoire diploïde, etc.) et des paramètres à régler (paramètres évolutionnaires, paramètres d’apprentissage, etc.), nous avons défini un plan de tests, dont les résultats sont présentés dans la section 4.3. La principale difficulté que nous avons rencontrée concerne l’obtention de connaissances fiables pour guider la recherche pour de grandes instances. Pour les petits projets, une recherche exhaustive des solutions permet de simuler une connaissance « a priori », disponible dans un contexte donné. Nous avons utilisé ces exemples restreints pour tester la plupart des nombreux paramètres de la méthode. Puis, nous avons effectué plusieurs tests pour de plus grandes instances, en utilisant différentes méthodes pour simuler une connaissance « a priori » disponible.