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2.2 L’optimisation combinatoire

2.2.2 Critères de sélection d’une méthode de recherche

Le choix de la méthode de résolution dépend des caractéristiques et de la représentation adoptée pour le problème traité. Ces caractéristiques concernent : la complexité du problème (nombre et combinatoire des paramètres à explorer), la fonction d’évaluation (coût de l’évaluation, optimisation multiobjectif), la présence de contraintes, le résultat souhaité (nombre et caractéristiques des solutions), les conditions d’obtention de ce résultat (temps imparti, interactions avec l’utilisateur, etc.). L’ensemble de ces informations permet la sélection de la technique à employer parmi la multitude existante. Dans les deux sections suivantes, nous allons détailler deux aspects importants pour le choix d’une méthode : la complexité et l’aspect multiobjectif.

2.2.2.1 Complexité combinatoire et temps de résolution

Pour de nombreux problèmes industriels complexes, le nombre de solutions potentielles croît exponentiellement avec la taille du problème. Les méthodes de résolution exactes deviennent rapidement inutilisables pour des instances de grande taille. De nombreux systèmes, dans des domaines comme la production, la logistique ou la finance, sont trop complexes pour être modélisés avec une formulation analytique. Leurs performances ne peuvent alors être évaluées que par simulation [Talbi, 2004].

C’est également le cas lorsque le temps imparti pour effectuer la recherche est trop court. Par exemple, dans le cas d’une gestion de projet, il est parfois nécessaire de replanifier les activités quotidiennement pour prendre en compte les aléas et changements survenus rendant ainsi inutile l’obtention d’une solution optimale qui peut rapidement s’avérer caduque dans un environnement dynamique [Michalewicz, 2007]. Dans notre cas, nous souhaitons que l’utilisateur (expert projet / produit) puisse accéder de manière conviviale et rapide à un ensemble de solutions regroupant les meilleures opportunités selon plusieurs critères. Un modèle de connaissances lié à cet ensemble va permettre à l’expert d’analyser les conséquences des décisions liées aux choix de conception et de conduite et, le cas échéant de relancer l’algorithme avec de nouveaux paramètres (changement de poids des objectifs, nouvelle sélection de décisions, etc.). L’algorithme de recherche doit donc s’exécuter de manière rapide pour que l’expert puisse tester différentes configurations et confronter ses connaissances avec la simulation des scénarios de projet. Il existe différentes façons d’accélérer la recherche de solutions : la conception d’un algorithme spécifique au problème, la décomposition du problème en sous-ensembles que l’on peut résoudre de façon simultanée et l’utilisation de connaissances génériques ou extraites en cours de résolution.

De manière générale, un algorithme spécifiquement conçu pour résoudre un problème particulier (connaissances spécifiques inclues directement dans l’algorithme) est plus performant qu’un algorithme générique. Cependant en pratique, il n’existe pas toujours d’algorithme spécifique pour certains problèmes notamment pour les problèmes trop complexes, lorsqu’on ne dispose pas de connaissances spécifiques au problème applicables de façon systématique ou lorsque les connaissances liées au problème sont incertaines et changeantes. Nous entendons ici par « connaissances » des règles applicables systématiquement dans un contexte parfaitement défini. Nous retrouvons ces trois aspects dans notre étude. D’une part, le problème fait intervenir les variables de deux domaines complexes différents (produit et projet) formant ainsi une augmentation considérable de l’espace de recherche. D’autre part, le problème comporte une part de connaissances spécifiques certaine et systématiquement disponible (le graphe de projet). Enfin, l’aspect projet implique une incertitude sur les connaissances manipulées, sur les solutions retenues ainsi que leur réalisation, un projet ne se déroulant jamais exactement de la manière prévue.

Le problème de la sélection de scénarios, de même que tous les problèmes de planification de manière générale, n’est pas décomposable en sous problèmes indépendants que l’on pourrait résoudre indépendamment les uns des autres. Les décisions et leurs conséquences sont interdépendantes et l’évaluation de leurs performances ne peut être réalisée que de façon globale compte-tenu du fait que les tâches à planifier peuvent faire appel aux mêmes ressources. Il est néanmoins possible de distinguer certaines catégories générales de décisions ou de solutions partageant des caractéristiques communes. Cette propriété implique que l’espace des solutions peut

être partagé en différentes zones auxquelles on peut associer des groupes de variables permettant de les atteindre (par exemple les paramètres permettant d’atteindre la zone des meilleures solutions par rapport à un objectif). Nous nous appuyons sur ce constat dans le chapitre 3 pour améliorer la recherche de solutions pour chaque zone de l’espace de recherche.

Enfin, le dernier type de parade couramment utilisé face à la complexité d’un problème est l’utilisation soit de connaissances génériques, soit de connaissances extraites en cours de résolution (connaissances valables pour une instance du problème (ici un projet) ou un groupe d’instances mais pas pour l’ensemble du problème). Ce point est étudié plus en détail dans la section 2.3 et correspond à l’utilisation de techniques dites heuristiques, métaheuristique, de méta-modélisation, et de manière générale toutes les techniques avec modélisation de connaissance directe ou indirecte.

2.2.2.2 Aspect multiobjectif

De nombreux problèmes complexes requièrent la prise en compte simultanée de plusieurs objectifs. Les objectifs ne sont pas forcément tous équivalents et certains peuvent être considérés comme plus importants que d’autres. De plus, ils s’expriment dans des dimensions différentes qui ne sont pas toujours comparables.

Il existe trois types d’approches multiobjectif illustrées sur la figure 2.3 :

 les méthodes a priori : le compromis entre les différents objectifs est ici réalisé avant l’optimisation par agrégation des objectifs. L’optimisation est ensuite réalisée sur la fonction agrégée comme en optimisation mono-objectif. Le compromis étant figé lors de l’optimisation si le résultat ne satisfait pas l’utilisateur, il doit modifier le compromis puis relancer l’optimisation,

 les méthodes progressives : il s’agit ici de méthodes interactives où le compromis est réalisé conjointement avec l’optimisation en interaction avec l’utilisateur. Elles sont peu intéressantes car elles monopolisent l’attention de l’utilisateur durant tout le processus de résolution,

 les méthodes a posteriori : ces méthodes recherchent une collection complète de solutions représentatives des zones intéressantes de l’espace de recherche. Cet ensemble de solutions est fourni à l’utilisateur qui peut alors choisir les solutions les plus intéressantes pour être appliquées.

Certaines méthodes combinent plusieurs types telles que les méthodes à préférence a posteriori. L’utilisateur saisit rapidement ses préférences avant l’optimisation qui lui fournit un ensemble de solutions, parmi lesquelles il peut choisir la solution à appliquer.

Les méthodes multiobjectif se répartissent en deux groupes inspirés de deux théories différentes : les méthodes d’aide à la décision issues de la théorie de la décision [Roy et Bouyssou, 1993] et les méthodes issues de la théorie de l’utilité multi-attribut [Keeney et Raiffa, 1993].

Dans la théorie de la décision, les méthodes cherchent à reproduire le processus de sélection des décideurs en sélectionnant des solutions parmi l’ensemble des décisions possibles. Les paramètres sont triés par ordre de préférence pour chaque objectif. Une fois les solutions déterminées, une phase d’analyse de sensibilité et de robustesse permet de vérifier la fiabilité du résultat [Colette, 2002]. Parmi les méthodes d’aide à la décision, nous citerons les méthodes ELECTRE (I, IS, II, III, IV et TRI) et PROMETHEE (I et II). Ces méthodes d’aide à la décision s’avèrent difficilement utilisables lorsque le problème à résoudre possède un grand nombre de décisions et d’objectifs.

Figure 2.3. Les différents modes de résolution multiobjectif

Dans la théorie de l’utilité multi-attribut, les préférences du décideur sont modélisées en postulant que chaque décideur cherche à maximiser ou minimiser une fonction d’utilité ou fonction d’évaluation.

Y. Colette dans [Colette, 2002] distingue quatre types de méthodes multiobjectif :

 les méthodes scalaires : Ces techniques utilisent différentes « astuces » pour transformer le problème multiobjectif en un problème mono-objectif. La plus connue est la méthode de pondération des objectifs qui demande à l’utilisateur de déterminer un poids pour chaque objectif afin d’agréger les fonctions objectif en une unique fonction à optimiser.

 les méthodes interactives : ces méthodes, issues de la famille des méthodes progressives, permettent de déterminer une unique solution finale en prenant en compte les préférences de l’utilisateur en cours d’optimisation. Elles ne permettent pas de déterminer la surface de compromis entre objectifs particulièrement intéressante dans notre étude.

 les méthodes basées sur la logique floue : La logique floue permet d’agréger les objectifs de manière simple pour se ramener à un problème mono-objectif. Elle est souvent utilisée pour traiter de façon plus naturelle l’incertitude et l’imprécision de la connaissance humaine (par exemple la pondération des objectifs pour une méthode scalaire).

 les métaheuristiques : lorsqu’on ne veut pas faire appel à une méthode « a priori » ou interactive, l’espace de recherche est beaucoup plus important. De la même façon qu’en mono-objectif (voir section suivante), les métaheuristiques fournissent alors une alternative très intéressante pour gérer la complexité de la recherche. Pour chaque métaheuristique présentée dans la section suivante, nous donnerons des exemples d’applications multiobjectif.

A. Berro distingue trois catégories de méthodes dans [Berro, 2001] : les méthodes agrégées, les méthodes non agrégées, non Pareto et les méthodes Pareto. Les méthodes non agrégées, non Pareto procèdent objectif par objectif soit de manière progressive, soit en optimisant chaque objectif en parallèle (sous ensembles de solutions courantes associées à chaque objectif).

Compte-tenu de ces considérations sur le choix d’une méthode d’optimisation, nous retenons les points suivants comme des « exigences » que la méthode proposée doit satisfaire:

 Le temps de calcul doit être restreint ce qui conduit à privilégier un algorithme performant du point de vue de la vitesse de convergence.

 Le seul processus de recherche ne suffisant pas, la méthode choisie doit pouvoir utiliser des connaissances sur le problème à résoudre pour accélérer la recherche et, plus particulièrement, utiliser des connaissances génériques adaptées au cas traité.

 La modélisation des connaissances doit être compatible avec la manipulation de l’incertitude. En outre, elle doit permettre une exploitation des résultats en interaction avec l’utilisateur (pas de modèle de type « boîte noire ») ;

 Du point de vue multiobjectif, la méthode doit permettre de fournir un ensemble de solutions à l’expert au sein desquelles il va pouvoir sélectionner « a posteriori » la ou (les) solution(s) retenue(s) pour l’étude détaillée.