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2 Construire ce dont on parle : la structure thématique

2.2. Marquage du thème

2.2.2 Syntaxe marquée

Mon étude du rôle de certaines constructions syntaxiques dans le marquage du thème a été considérablement inspirée par les travaux de trois chercheurs : T. Givón (1983), A. Davison (1984) et K. Lambrecht (1987). Le premier coordonne un ouvrage consacré au codage grammatical du thème dans diverses langues. L’objectif central de ces recherches est la caractérisation des "structural correlates of the functional domain of topic identification, topic maintenance and topic continuity in discourse" (Givón, 1983:9). Il y propose une échelle qui ordonne les constructions et les types de référents selon la facilité d’identification du thème. On y trouve, du plus accessible au moins accessible, les anaphores zéro (pronoms zéro en fonction sujet dans des langues comme l’italien ou l’espagnol), les anaphores pronominales non accentuées (clitiques du français), les

14 J’ai esquissé une définition dans le préambule, en termes de visée discursive, de relations entre participants et de canal. La notion de genre discursif sera le thème principal du chapitre 8.

anaphores pronominales accentuées, les syntagmes nominaux définis disloqués à droite, disloqués à gauche, thématisés, les constructions clivées, les syntagmes nominaux indéfinis. Il aborde également le rôle du passif et de la subordination.

A. Davison se focalise sur la syntaxe, et s’attache à montrer son rôle dans la signalisation du thème. Les langues ne semblent pas avoir de marques grammaticales spécialisées pour indiquer le thème (le wa du japonais, souvent cité dans ce contexte a également une interprétation contrastive), mais certaines relations syntaxiques peuvent faire l’objet d’une "exploitation pragmatique" pour signaler le thème : "Surface syntactic structure has properties which are perceived wben the sentence is related to discourse context" (Davison, 1984:801). Elle propose une échelle de constructions marquées où l’on retrouve le passif, les dislocations à droite et à gauche, la thématisation.

C’est aussi ce regard pragmatique sur la syntaxe qui motive les travaux de K. Lambrecht : certains choix syntaxiques ne s’expliquent qu’en référence à la structure d’information. K. Lambrecht se concentre sur le français parlé et ses écarts syntaxiques par rapport à la syntaxe canonique décrite par les linguistes. Il analyse finement les dislocations, les thématisations, les constructions présentationnelles et les clivées si typiques du français parlé. Ci-dessous quelques uns des exemples qui fondent son analyse (les conventions de transcription sont les siennes, j’ai souligné les constituants impliqués) :

– Dislocations à droite et à gauche :

(13) (Un mari à sa femme, se plaignant du contenu de son assiette) A— Ça n’a pas de goût, ce poulet

B— Le veau, c’est pire (1985, ex. 18) – Constructions présentationnelles :

(14) A l’heure actuelle, j’m’ plains pas, ya un camarade d’usine qui m’ramène en voiture (1985, ex. 6)

(15) Moi j’ai encore un formulaire que j’ai pas (1985, ex.9) – Constructions clivées :

(16) Tous ceux qu’ya dans le quartier, c’est moi qui leur a donné des bouts. (1985, ex. 2)

K. Lambrecht explicite les contraintes liées à la structure d’information qui font que ces constructions sont employées de préférence à la version "canonique" SVO correspondante. Le fait que ses travaux portent sur des constructions typiques de l’oral, dont certaines sont totalement exclues de l’écrit normé, n’enlève rien à la pertinence de l’approche. Et c’est dans cette optique que j’ai abordé l’analyse des constructions clivées et des passifs dans mes corpus.

• Constructions clivées

Les clivées constituent un groupe de constructions particulièrement intéressantes dans une perspective discursive sur la syntaxe dans la mesure où on ne peut s’expliquer le choix d’une clivée de préférence à une non-clivée, ni le fonctionnement de la clivée, sans faire appel à des considérations fonctionnelles dépassant le cadre de la phrase. Je ne m’intéresserai pas ici à la pseudo-clivée (ex. Ce qu’il me faut, c’est une bière bien fraîche), mais seulement aux clivées proprement dites, que plusieurs auteurs s’accordent à répartir en deux types selon le statut présuppositionnel de la proposition en QU. On a longtemps en effet considéré que celle-ci était obligatoirement présupposée. C’est le cas des clivées d’identification ou de contraste typiques de l’oral qui permettent en français d’éviter de placer un élément rhématique dans la position normalement dévolue au thème (cf. l’exemple anglais de 2.1, qui pourrait se traduire, en réponse à Tony saw the play yesterday : C’est John (et pas Tony) qui a vu la pièce hier). Elles semblent viser avant tout la "mise en

saillance" de l’élément introduit par le présentatif c’est, qui en fait le rhème de la première partie de cette phrase "divisée", avant qu’il devienne ensuite thème de la deuxième partie. Appelons-les clivées de saillance. On en trouve également des exemples à l’écrit :

(17) … on dit que l’opinion compare l’économie carterienne et l’économie reaganienne ; elle compare en réalité la récession reaganienne et la reprise reaganienne. C’est dans ce cadre, et dans ce cadre seulement, qu’il y a amélioration réelle.

Toutefois on recueille sans peine, à l’écrit tout au moins, des exemples de clivées dont la proposition en QU, comme certaines relatives appositives, ne semble pas présentée par le scripteur comme "connue" du lecteur. Comme pour les relatives appositives "informatives", elles sont présupposées dans le sens où elles ne sont pas assertées, mais pas dans le sens où elles sont traitées comme connues. On les appellera clivées d’information :

(18) Il y a deux mois encore, on ne connaissait à cette planète de gaz près de soixante-dix fois plus volumineuse que la Terre que cinq satellites (…) dont le dernier fut découvert en 1948.

En moins d’un mois, ce sont neuf autres qui sont identifiés sur les images envoyées par la sonde pourtant distante de la terre de trois milliards de kilomètres.

A. Borkin (1984) propose une intéressante analyse discursive des clivées : l’élément qui, au niveau de la phrase, détient le plus haut statut informationnel, se trouve dans les clivées occuper la position – en début de phrase – normalement associée avec l’élément connu. La proposition subordonnée, normalement présupposée, occupe elle la position finale, normalement associée au pic informationnel de la phrase. On a donc une construction dynamique où des forces opposées exercent une tension. Il en résulte, autant qu’une mise en valeur d’un élément dans la clivée, une mise en valeur de la clivée dans son contexte. On aurait donc, là aussi, comme on l’a vu pour certains circonstants thématiques, un élément saillant dans un segment de texte, et qui contribue ainsi à organiser l’ensemble.

Mes corpus étant limités en taille, et les clivées rares, le faible nombre d’occurrences analysées impose la plus grande prudence interprétative. Envisager d’aussi rares occurrences au niveau du groupe, alors que d’importants écarts existent d’un sujet à l’autre, n’est pas non plus sans poser problème. Les décomptes ne sont toutefois pas utilisés ici avec une visée généralisatrice mais uniquement comme contribution à un faisceau d’observations. Dans le corpus Étudiants, on est d’emblée frappé par la différence de fréquence des clivées entre les sous-corpus (tableau 2.2) :

fréquence

moyenne clivées de saillance d’information clivées

FLM (n=23) 1,77/texte 0 23

ALM (n=10) 0,67/texte 4 6

FLE (n=10) 0,67/texte 2 8

n = nombre total de clivées

Tableau 2.2: Clivées : Fréquence moyenne et par type(corpus Étudiants).

Les francophones utilisent ces constructions presque trois fois plus que les anglophones, qui les utilisent d’ailleurs aussi peu en anglais qu’en français. Une analyse en termes des deux types définis plus haut révèle que toutes les clivées des francophones se rangent clairement dans la catégorie des clivées dites "d’information", alors que les clivées des anglophones, quelquefois d’ailleurs difficiles à caractériser, se répartissent dans les deux catégories. L’analyse de A. Borkin m’avait amenée à attendre un effet de saillance, un rôle structurant de la clivée, qui dominerait un certain nombre de propositions. Ce n’est pas

du tout le cas pour les clivées du corpus FLM, qui sont presque systématiquement employées pour introduire des données extraites des tableaux statistiques du matériau Étudiants :

(19) En 65 et 70, c’est en France que le pourcentage est le plus bas, avec une très faible progression, mais régulière et qui se poursuit en 74 ; mais en 74, c’est l’Italie

qui détient le plus faible pourcentage, suivie du Japon : on peut noter que c’est le

Japon qui connaît la plus faible progression des pourcentages au fil des ans. (FLM-13 : 34-36)

Le fait que, comme dans l’exemple (19), ces clivées peuvent se succéder à très faible intervalle exclut la notion d’une mise en valeur d’une proposition dans le discours. Dans l’exemple (19), on semble avoir un effet de double structuration thématique : chronologique par le circonstant à l’initiale, puis géographique par le nom de pays dans la clivée. Il n’en va pas du tout de même dans les clivées des anglophones, particulièrement en L1. Elles se situent pour la plupart dans la dernière phrase d’un paragraphe ou du texte, quelquefois dans la première, et semblent avoir un rôle important dans l’orientation argumentative de ces textes. L’exemple (20) montre l’utilisation systématique de clivées pour conclure des paragraphes consacré à l’examen des différents tableaux statistiques :

(20) Table one shows the rate of scholarization (…). Compared with the US and Italy, (…), Great Britain’s percentage (…). In fact, of all the countries mentioned, it is

Great Britain which has the lowest percentage (…) in higher education.

The average age (…) is represented in table two. (…) The United States’ figures (…). However, Great Britain’s figures (…). So it is again the British education

system which seems to be contracting the most compared with the other countries. The average rate of annual increase of public expenditure on higher education is shown in table three. The figures clearly reveal (…). Again it is the British education

system which is contracting the most in view of the amount of money consecrated to it. (ALM-2)

L’exemple suivant, issu du corpus Reformulation, va dans le même sens. Il reproduit l’introduction, déjà présentée dans la section précédente, avec cette fois la conclusion de l’extrait dans les deux versions (on trouvera le texte complet en annexe) :

(21) Texte original

Leyford, town close to London, was a declining industrial town about twenty five years ago, but now our town is a beautiful thriving tourist and commercial centre. What made Leyford change so completely?

(…)

There were so many people in London that the government felt it necessary to decentralize overpopulated London.

Reformulation

A quarter of a century ago, Leyford, a small town situated close to London, was a declining industrial town. Now it is a beautiful and thriving tourist and commercial centre. What has caused Leyford to change so radically?

(…)

Eventually London became so overpopulated that the government felt it necessary to adopt a policy of decentralisation. It is this

decentralisation policy that has enabled Leyford to recover so successfully from the period of industrial decline.

Le reformulateur a ressenti la nécessité d’ajouter une phrase de conclusion, absente du texte original. Cette phrase fait le lien avec l’introduction et conclut ce paragraphe sur l’origine du changement survenu à Leyford au cours des vingt cinq dernières années. Il

s’agit d’une phrase clivée, qu’il est intéressant, pour en dégager la fonction, de contraster avec son "allophrase"15 non-clivée :

(22’) This decentralisation policy has enabled Leyford to recover (so) successfully from the period of industrial decline.

La clivée est perçue comme clôturant la portion de texte qui apporte une réponse à la question posée à la fin de l’introduction : What has caused Leyford to change so radically? Notons que l’intensifieur so, rappel de la question, doit être supprimé dans la version non-clivée, qui ne semble en effet pas pouvoir jouer le rôle de rappel et de clôture joué par la clivée. On a donc ici un fonctionnement qui semble correspondre à ce que percevait Borkin : plutôt que la mise en saillance d’un élément à l’intérieur de la clivée, la mise en saillance de la phrase en discours.

Si on reprend la distinction entre clivées de saillance et clivées d’information, il semble que les secondes soient exclues de l’effet de saillance discursive décrit par A. Borkin, et qui m’intéresse particulièrement sur le plan de l’organisation du texte. De nombreuses questions se posent. Les seuls cas de saillance discursive ont été observés en anglais. Cela indique-t-il un fonctionnement différent en anglais et en français ? Les clivées de saillance en anglais semblent fréquemment associées aux segments conclusifs, fins de paragraphes ou du texte. Peut-on systématiser cette observation ? Ce rôle de la clivée est-il le propre de certains genres discursifs ? 16.

• Passifs

A la suite d’un certain nombre d’auteurs (Givón, 1979; Werth, 1984), je me suis d’abord intéressée au passif en tant que moyen d’harmoniser structure syntaxique et structure thématique, puisqu’il permet de placer en fonction de sujet grammatical et dans la position initiale (ou proche de l’initiale) normalement associée au thème un élément connu qui, étant donné la structure argumentale du verbe, serait normalement en position de rhème. On verra aussi qu’une autre fonction du passif est la mise en valeur du rhème. Pour illustrer, trois exemples où des passifs attestés (colonne de gauche) sont mis en regard de leurs allophrases actives (colonne de droite) :

Version originale passive (22) Inculpation de deux responsables de la construction du télésiège de Luz-Ardiden

MM. Jean Berseille et Yves Estebenet, deux des responsables de la construction du télésiège de Luz-Ardiden, ont été inculpés vendredi 31 juillet d’homicide et blessures involontaires par M. Christian Mésière, juge d’instruction à Tarbes. (…)

Version active

Inculpation de deux responsables de la construction du télésiège de Luz-Ardiden

M. Christian Mésière, juge d’instruction à Tarbes, a inculpé vendredi 31 juillet d’homicide et blessures involontaires MM. Jean Berseille et Yves Estebenet, deux des responsables de la construction du télésiège de Luz-Ardiden

15 Le terme allosentences est repris par Lambrecht (1994) à Danes (1966) pour dénoter des paires de phrases qui, tout en étant équivalentes sémantiquement, diffèrent sur les plans formel et pragmatique. 16 J’ai repris ce thème de recherche récemment grâce à trois étudiantes de maîtrise. Le projet vise la mise en relation d’une description syntaxique de clivées en corpus (constituants après c’est, type de “relative”) avec la distinction entre clivée de saillance et d’information, et l’examen du fonctionnement en contexte des clivées par la comparaison systématique avec leur allophrase non-clivée.

(23) (…) Aden, cité maudite où, dit-il, "les affrontements de ces dix derniers jours ont sans doute coûté la vie à dix mille personnes". Ce très lourd bilan lui a été

communiqué par M. Abbas Zaki, le représentant local de l’OLP, homme très en vue et très introduit à Aden.

(…) Aden, cité maudite où, dit-il, "les affrontements de ces dix derniers jours ont sans doute coûté la vie à dix mille personnes". M. Abbas Zaki, le représentant local de l’OLP, homme très en vue et très introduit à Aden, lui a communiqué ce très lourd bilan

(24) The Editorial Board

Members of the Editorial Board are

appointed by the Committee of the Society (…). Two members are

nominated by the British Biophysical Society.

Normally a paper is read by at least two people: either by two members of the Editorial Board, or (…)

The Editorial Board

The Committee of the Society appoints members of the Editorial Board. (…) The British Biophysical Society nominates two members.

Normally at least two people read a paper: either two members of the Editorial Board, or (…)

Ces trois exemples, même peu contextualisés, devraient suffire à montrer que le choix d’un passif n’est pas gratuit sur le plan du texte. Les deux premiers sont extraits du journal Le Monde, le troisième d’une revue scientifique, le Biochemical Journal. En (22), les versions passive et active présentent deux organisations du récit, autour des inculpés (conditionnement habituel pour ce type de "brèves") ou autour du juge. En (23), le passif permet de mettre en fonction de sujet grammatical, fonction associée au rôle de thème, un groupe nominal résumant le rhème précédent (établissement d’un nouveau thème, référent connu), et l’auteur de la communication est présenté en position rhématique par rapport à ce thème. La version active rompt la continuité, et accorde à M. Abbas Zaki un rôle thématique, et donc une saillance discursive, que le reste du texte ne justifie peut-être pas. La version active de (24) présente un catalogue quasi prévertien d’agents au lieu d’être organisée par les objets appartenant au "frame" d’un comité de rédaction de revue scientifiques : "members, papers". Dans ces trois cas il est clair qu’il ne s’agit pas de variantes stylistiques "libres", mais que le choix d’une construction active ou passive oriente le texte de façon fondamentale.

J’ai procédé à une analyse détaillée des passifs du corpus Étudiants dans un triple objectif : parvenir à une meilleure compréhension du fonctionnement du passif en contexte, comparer le rôle textuel joué par le passif en français et en anglais, examiner dans quelle mesure des apprenants maîtrisent ce procédé de structuration thématique en français langue étrangère (Péry-Woodley, 1989; 1991a). Pour l’anglais, j’ai suivi la classification de E.L. Keenan (1985) et j’ai inclus :

– les passifs sans agent exprimé, ex. Expenditure on universities has been cut back ; – les passifs avec agent, ex. Expenditure on universities has been cut back by the government ;

– les passifs impersonnels (avec ou sans agent), ex. It is argued (by many) that there is a need to reduce expenditure.

Pour le français, on retrouve les deux premiers types, ex. D’autres pays ont été assez durement touchés (par la crise). En revanche, aucune occurrence de passifs impersonnels dans le corpus. Une construction proche a été incluse dans l’analyse, la construction dite "moyenne", ex. Un tel pourcentage aux USA peut peut-être s’expliquer par un moindre coût des études supérieures.

Après un bref aperçu comparatif de la fréquence du passif, j’illustrerai ses trois fonctions majeures dans le corpus, pour terminer sur un examen de fonctionnements propres à certains sous-corpus : passifs impersonnels en anglais, on comme équivalent du passif en français langue étrangère.

a) Fréquence

Le tableau 2.3 apporte une réponse quantitative nette à la question contrastive sur le rôle textuel joué par le passif en anglais et en français :

FRÉQUENCE moyenne par texte % unités syntaxiques avec passif FLM (n =20) 1,5 7,1% ALM (n =123) 8,2 31,1% FLE (n =11) 0,7 3,2% n = nombre de passifs

Tableau 2.3 : Fréquence des passifs dans les trois sous-corpus (corpus Étudiants). On ne peut que constater que si le choix du passif tient effectivement à des contraintes de structure thématique, c’est un procédé bien plus utilisé dans les textes en anglais que dans les textes en français, et on peut se demander par quoi les scripteurs "remplacent" en français ce procédé d’établissement et de continuation thématique. Le passif est encore plus rare dans les textes en FLE. Il y a lieu de s’interroger sur des écarts aussi marqués : autant qu’à une différence liée aux procédés régulièrement utilisés dans les deux langues pour marquer le thème, il se pourrait que ces écarts aient trait au fait que les trois groupes de textes sont assez distincts sur le plan de la visée discursive (cf. commentaire du tableau 2.1). Le passif pourrait être associé à la démarche argumentative surtout adoptée par les anglophones en ALM.

T. Givón (1979) insiste sur les variations de fréquence des passifs en fonction du genre discursif : il donne une fourchette allant de 4% des phrases dans le registre relativement informel des articles d’information et de sport du Los Angeles Times, à 18% dans un passage d’un ouvrage de N. Chomsky17. Ces analyses quantitatives soulèvent des questions méthodologiques intéressantes. Dans une approche fonctionnelle, et donc nécessairement sur corpus, l’analyse quantitative fait partie intégrante de la démarche. Il ne s’agit pas en effet de déterminer si une construction est grammaticale ou non, mais comment elle est utilisée en discours. Sa fréquence est un aspect essentiel de son utilisation18. Pour ce qui est des analyses contrastives, le chemin est semé d’obstacles. D’abord celui de la comparabilité des textes, évoqués plus haut. On voit ici que le fait de recueillir un corpus en situation expérimentale à partir d’un même instrument ne garantit pas la comparabilité entre les textes. Les sujets anglophones se sont en effet montrés moins capables de construire une argumentation en FLE qu’en ALM, et ont eu tendance à s’engluer dans les données