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Les définitions dans la structure du texte

5.3 La définition dans le texte

5.3.1 Les définitions dans la structure du texte

Je rappelle que le texte soumis à l’analyse est le chapitre 6, intitulé Commandes du programme d’interrogation du manuel du logiciel d’analyse de texte SATO. A l’intérieur de ce chapitre, nous nous sommes focalisées sur la partie 6.1, intitulée Analyseurs, les analyseurs constituant un type de commande. La figure 5.3 donne une représentation hybride de cette partie, hybride dans le sens où elle intègre deux analyses, l’une, descendante, en termes d’objets textuels, l’autre, montante, en termes de structure rhétorique. La première a été exécutée par E. Pascual sur la base de la mise en forme matérielle qui rend les objets textuels perceptibles. J’ai effectué la seconde selon la méthode interprétative de la RST. Les schémas RST résultant des relations rhétoriques sont donc étiquetés à la fois selon ce modèle en termes de propositions (numérotées) et de relations rhétoriques, et selon le modèle de l’architecture en termes d’objets textuels. Le mot partie est utilisée dans ce modèle comme un terme générique recouvrant chapitre, section, sous-section, etc. Lorsque ces parties coîncident avec des parties numérotées dans le texte, cette numérotation est préservée (partie 6.1, 6.1.1, etc.). Les parties non-numérotées dans le texte ont fait l’objet d’une numérotation dans le cadre de l’analyse en objets textuels (parties 26 à 31).

1-2 pré 1 élaboration 6.1.2 .3 .4 .5 .6 .7 .8 1 SE 2 élab joint 9 SR2 part 6.1 expl 1 ex 1 3 SR1'4-6 élaboration 3-6 pré 2 7-9 pré 3 10-32 part 26-31 part 6.1.1 part 6.1.1 (corps) élaboration élaboration élaboration élaboration 10-13 part 26 14-18 part 27 19-22 part 28 23-24 part 29 25-26 part 30 27-32 part 31 7-8 SR2 part 6.1.1 pré 2 pré 1 part 6.1.1 (corps) part 6.1.1: pré 3 et part 26-31 pré 3

Figure 5.3 : représentation RST/architecture52 • Des définitions enchâssées

Au tout début du texte, le présentatif 1 définit le terme « analyseur » comme une classe d’objets, qui sont énumérés dans la proposition suivante selon un schéma d’élaboration. Ce présentatif pris dans son ensemble fait lui-même l’objet d’une élaboration de même type, sous la forme des huit parties (6.1.1 à 6.1.8) qui reprennent tour à tour les différents objets énumérés pour les développer. Ce qui est frappant dans cette représentation, c’est que ce schéma noyau + satellite d’élaboration se reproduit ainsi à plusieurs niveaux d’analyse : on le retrouve lorsqu’on pénètre dans la partie 6.1.1, et ensuite dans la partie 25, et dans les parties 26 à 31 qui la constituent. En d’autres termes, on peut considérer que la partie 6.1, schéma d’élaboration, est une définition, constituée de définitions elles-mêmes constituées de définitions.

• Objets textuels vs. segments rhétoriques

Dans cette analyse, les objets textuels qui sont identifiés sur la base de la mise en forme matérielle (principalement disposition et ponctuation) correspondent tous à des

52 Les abréviations de la figure 3 correspondent aux objets textuels suivants : part : partie

pré : présentatif expl : explication ex : exemple.

segments RST. Ce qui découle de cette correspondance, c’est que les marques de mise en forme matérielle peuvent aussi signaler des segments RST. Or les auteurs du modèle de la RST, tout en indiquant que l’analyse peut être abordée de manière descendante aussi bien qu’ascendante, ne donnent aucune précision quant aux marques permettant l’identification de segments de haut niveau. En fait, toute analyse descendante ne peut que se fonder sur une prise en compte – intuitive et non explicite – de la mise en forme matérielle pour identifier ces segments. C’est précisément cet aspect de la production de sens dans l’interprétation des textes que le modèle de représentation de l’architecture textuelle cherche à rendre explicite.

Étant donné que structure rhétorique et architecture modélisent des niveaux distincts de la structuration des textes, on peut toutefois s’interroger sur la généralisabilité de la correspondance, totale dans le texte LOG1, entre segments rhétoriques et objets textuels53. On pourrait cependant supposer que c’est là que se rejoignent, ou devraient idéalement se rejoindre pour la lisibilité du texte, les composantes idéationnelle, interpersonnelle et textuelle. C’est peut-être bien ce qui est exprimé par les théories naïves du paragraphe qui l’envisagent comme une partie d’un texte portant sur un thème et réalisant une intention. Certainement, dans notre analyse, les segments RST, qui n’existent dans ce modèle que comme le lieu d’application d’une relation, acquièrent grâce à cette correspondance un statut sur le plan textuel : statut organisationnel – parties, énumérations, présentatifs, .… – , ou statut fonctionnel comme c’est le cas pour les définitions. Il existe par ailleurs des liens forts entre certains objets textuels et certaines relations rhétoriques : ainsi les schémas de définitions présentés en 5.2 sont systématiquement les noyaux de schémas rhétoriques d’élaboration. Mais toute élaboration n’est pas une définition : il s’agit, on l’a vu, de différents niveaux de fonctionnement. La relation rhétorique d’élaboration a bien trait à la composante idéationnelle : on élabore une proposition ou un ensemble de propositions (qui constitue(nt) le noyau de la relation) ; c’est en revanche sur le plan de la composante textuelle que l’objets textuel définition s’inscrit dans le texte et participe à son architecture. • Signalisation des segments vs. des relations

Les deux modèles du texte qui fondent cette étude s’opposent à première vue assez radicalement en ce qui concerne la signalisation : le modèle de représentation de l’architecture des textes accorde une place centrale à la mise en forme matérielle, trace du métalangage textuel, qui rend perceptibles les objets textuels ; la RST, au contraire, rejette tout lien systématique entre les relations rhétoriques et une quelconque signalisation 54. La position des auteurs de la RST nous semble légitime dans sa prudence, son souci de bien spécifier la nature sémantico-pragmatique des relations, et d’éviter des associations simplistes entre marqueurs et relations. Par ce dernier point elle n’est d’ailleurs pas si loin du modèle de l’architecture, qui définit le principe de fonctionnement de la mise en forme matérielle en termes de contraste, et non pas de codage régulier. La double originalité du modèle de l’architecture est de poser théoriquement la présence d’une signalisation, et d’ouvrir la notion de signal de manière à inclure les marques visuelles, qui font pleinement partie de la panoplie de moyens linguistiques pour créer du texte. Nous faisons par ailleurs l’hypothèse que des régularités peuvent sans doute être identifiées à condition de découper la "population" – les textes – en termes de critères pertinents. Dans cette étude, les textes sont regroupés en fonction du domaine et du genre discursif. S’il y a isomorphie dans ce corpus entre objets textuels et segments RST, il serait donc possible d’utiliser des marques de mise en forme matérielle pour identifier des segments ou des relations rhétoriques (à

53 Des travaux plus récents sur l’énumération (Luc et al. 1999) mettent d’ailleurs en cause cette correspondance.

54 “The applicability of a relation definition never depends directly on the form of the text being analyzed; the definitions do not cite conjunctions, tense, or particular words. RST structures are, therefore, structures of function rather than structures of forms.”(Mann & Thompson, 1987:19).

l’intérieur d’une même configuration genre/domaine). On a évoqué les liens qui semblent unir la définition et la relation d’élaboration, ou l’énumération et cette même relation. En fait on voit que c’est ici un objet textuel, tel l’énumération, repérable par ses propriétés de mise en forme matérielle, qui signale la relation dont il est le satellite. Inversement, les schémas de définitions résument les propriétés de mise en forme matérielle des noyaux de relations d’élaboration qui constituent des définitions.

C’est donc ici la borne initiale du segment définition qui a été modélisée. Cette borne signale par la même occasion la relation d’élaboration dont elle est le noyau. On se rend compte que la signalisation n’est pas du même ordre fonctionnel pour la structure rhétorique et pour l’architecture : marqueurs de relations pour l’une, de segments pour l’autre. Mais la distinction n’est peut-être pas pertinente : déjà dans un précédent travail sur la définition (Daniel et al., 1992; chap. 4), je montrais que la relation d’élaboration pouvait être réalisée par l’expression par exemple suivie d’une énumération, ou bien simplement par une énumération. Le marqueur lexical par exemple représente l’explicitation "discursive" de la relation ; un pendant visuel pourrait être les deux points. En l’absence de telles marques, l’énumération suffira, dans certaines conditions, à ce que le segment concerné soit interprété comme une relation d’élaboration. On voit que signalisation de segment et signalisation de relation peuvent être envisagées comme intimement liés, ce qui accroît la pertinence de la mise en relation des modèles.