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Le syndrome de la fragilité : définition et intérêts

CHAPITRE 1. ÉTAT DE L’ART ET CHOIX TECHNOLOGIQUES : SYSTÈMES EMBARQUÉS POUR LE SUIVI

3. Définition des applications cliniques envisagées

3.1. Le syndrome de la fragilité : définition et intérêts

3.1.1. Le suivi de personnes fragiles pour la prévention de la dépendance

Des études récentes sur les causes de la perte d’autonomie ont mis en évidence le rôle du syndrome de la fragilité comme précurseur spécifique de la perte d’autonomie [6]. La fragilité est définie comme un état de vulnérabilité consécutif à une diminution des réserves fonctionnelles des multiples systèmes physiologiques composant l’organisme [6, 7]. Elle se manifeste par une baisse des capacités sensorielles et motrices de la personne qui entraîne un risque élevé de chutes, de perte

d’autonomie, d’hospitalisations et de décès [27, 28, 29]. Plusieurs modèles de la fragilité ont été

proposés dans la littérature médicale, les modèles de Rockwood [30] et Fried [31] étant les plus couramment utilisés. Le modèle de Rockwood prend en compte deux types de critères : physiologiques et cognitifs. Le modèle proposé par Fried repose uniquement sur l’analyse de critères physiologiques. L’approche de la fragilité adoptée par Fried est souvent préférée dans les études cliniques parce qu’elle permet au praticien d’intervenir sur des critères uniquement physiologiques, donc plus facilement mesurables. Les critères de Fried permettant d’identifier le syndrome de la fragilité chez une personne âgée sont :

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faible vitesse de marche ;

faible activité physique (diminution de l’activité physique) ;

perte de poids involontaire ;

l’épuisement qui correspond à une faible endurance ou à un manque d’énergie (baisse de la

dépense calorique hebdomadaire) ;

faible force de préhension (diminution de la force musculaire).

Fried identifie trois états de la personne à partir de ces critères [31] : robuste (pas de critères), pré-fragile ou intermédiaire (1 à 2 critères) et pré-fragile (3 critères ou plus). Avec cette classification, on remarque l’hétérogénéité de la population âgée : des sujets âgés robustes sans risque de dépendance, des sujets âgés fragiles et pré-fragiles à haut risque de dépendance et enfin des personnes dépendantes. Près de 15 % de la population française âgée de plus de 65 ans serait fragile et environ la moitié des plus de 65 ans serait pré-fragile [32].

Parmi les indicateurs de la fragilité, la mesure de la vitesse de marche semble être le critère le plus pertinent et accessible à l’évaluation clinique. En effet, plusieurs études soulignent que la baisse de la vitesse de marche serait un champ à investir en priorité dans la prévention de la dépendance [33, 34]. La Figure 7 présente une étude de la littérature médicale [4] et montre que de manière générale (hors maladie ou handicap particulier), la vitesse de marche est liée à l’état de santé d’une personne âgée. On observe que pour une vitesse de marche inférieure à 1 m/s des problèmes de santé sont prévisibles. On note également un lien avec le syndrome de la fragilité pour une vitesse inférieure à 0,8 m/s avec un risque élevé de chutes, de perte d’autonomie, d’hospitalisations et de décès.

28 Figure 7. État de santé des personnes âgées en fonction de la vitesse de marche [4]

L’intérêt majeur de la fragilité est lié à son caractère réversible [35], et à l’existence de méthodes d’intervention efficaces notamment au niveau de l’hygiène de vie, telles que la pratique de la marche et une alimentation plus équilibrée [35, 36, 37]. En effet dans [36], 76 personnes fragiles ont suivi un programme supervisé d'exercice physique à domicile, pendant 6 semaines. La condition physique de chaque sujet est mesurée avant et après le programme avec des tests standards, dont la mesure de la vitesse de marche sur 4 mètres. Les résultats montrent une amélioration significative de la condition physique pour la majorité des sujets. Une étude similaire [35], avec un programme basé sur la pratique d’exercices physiques régulière sur une longue période (1 à 2 ans) avec une cohorte de 424 patients à risque de dépendance montre également une amélioration significative pour la majorité des personnes suivies.

29 Ainsi, un suivi personnalisé devrait permettre, par une prise en charge plus précoce en amont de la dépendance, de prévenir la perte d’autonomie par la promotion de la santé et ainsi d’apporter une meilleure qualité de vie aux personnes âgées et à leurs aidants.

3.1.2. Définition des critères à mesurer pour l’outil de suivi des personnes fragiles

Le suivi des patients fragiles se fait actuellement lors de consultations gériatriques hospitalières de manière discontinue (tous les 3 mois ou 6 mois), et donc hors du contexte de vie. Entre ces consultations, les médecins gériatres ne disposent pas d’informations. Ainsi, un suivi continu et personnalisé sur le lieu de vie, en contexte réel apporterait un véritable complément au suivi classique, notamment :

en répétant les mesures dans des conditions comparables et écologiques et ainsi réaliser un suivi longitudinal sur le moyen et le long terme ;

en impliquant le patient dans la prise en charge pour obtenir son adhésion (feed-back motivationnel) ;

en mettant à disposition les données clefs au praticien pour rendre le suivi plus dynamique afin de connaître la cinétique d’évolution, notamment en zones sous médicalisées ;

en détectant des variations significatives « au plus tôt » permettant d’adapter la prise en charge.

Le choix des indicateurs à mesurer est basé sur la définition des critères de Fried. Parmi les critères objectifs mesurables de la fragilité, si le poids et l’activité quotidienne sont des indicateurs relativement simples à mesurer (balance connectée, podomètre), les principaux verrous technologiques concernent la force de préhension et surtout la vitesse de marche. Or, celle-ci semble être le paramètre clef de la fragilité. Pour être pertinent sur le plan médical, l’outil devra permettre de renseigner sur les 3 mois de suivi ambulatoire :

les périodes d’activité et leur durée ;

la distance parcourue et le nombre de pas journalier ;

la vitesse moyenne lors des périodes d’activité (course et marche différenciées).

La mesure précise de la vitesse de marche dans la population fragile présentant une marche altérée et une faible vitesse de marche est un verrou important. Pour que la mesure soit pertinente, la précision devra être supérieure à 95 % en condition de marche naturelle et reproductible sur la durée pour un même utilisateur. Pour augmenter la précision, nous proposons de mettre en place une étape d’apprentissage pour calibrer l’appareil sur la marche réelle de la personne.

En résumé, l’outil de mesure technologique permettra de suivre les indicateurs clefs de la fragilité, en particulier la vitesse de marche de manière précise, écologique, continue (3 mois minimum), et transparente. L’outil devra donc être porté par la personne de la manière la plus discrète possible. L’association du système avec un vêtement ou un bijou pourrait être une solution à envisager pour rendre l’outil acceptable.