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Partie Introduction Théorique

1.2. Présentation clinique

1.1.1 Symptômes cliniques de la schizophrénie

La schizophrénie se caractérise par la richesse et la pluralité de l’expression symptomatique. Comme nous l’avons évoqué en introduction, Bleuler (1911), distingue trois caractéristiques de la schizophrénie : la fragmentation (spaltung) des fonctions psychiques détériorant l’unité de la personnalité, les troubles associatifs s’exprimant par l’incohérence de la pensée, et les troubles affectifs aboutissant à l’ambivalence ou à l’indifférence affective. Distinguant les symptômes fondamentaux des phénomènes plus accessoires, il divise la schizophrénie en quatre sous-formes : paranoïde (ancienne paranoïa de Kraepelin), catatonique (stupeur motrice), hébéphrénique (détérioration intellectuelle) et simple (présence uniquement des symptômes fondamentaux). Bleuler propose ainsi la première organisation symptomatique de la schizophrénie.

Dans le but de créer des critères cliniques distinctifs de la schizophrénie la différenciant de celle de la cyclothymie, Schneider (1950) ordonne les symptômes en fonction de leur contribution au diagnostic. Il définit les symptômes du premier rang, pathognomoniques de la schizophrénie, et ceux du second rang. Les symptômes pathognomoniques, selon Schneider, se différencient des symptômes fondamentaux de la conception bleulérienne par leur valeur purement diagnostique écartant toute signification pour la compréhension de cette maladie. Parmi les symptômes de premier rang, nous dénombrons l’énonciation, le vol ou la divulgation de la pensée, les hallucinations auditivo- verbales, la perception délirante et le contrôle des sentiments, des impulsions et de la volonté. Les symptômes du second rang peuvent être caractérisés par des troubles de la perception, des variations thymiques ou de l’appauvrissement affectif. Concernant le diagnostic de schizophrénie, la présence d’un seul symptôme du premier rang pourrait être suffisante, bien que les symptômes de second rang soient considérés le plus souvent indispensables au diagnostic clinique. La conception de Schneider marque une rupture avec celle de Bleuler

dans la manière de poser le diagnostic de schizophrénie en mettant l’accent sur l’état clinique au détriment du caractère évolutif de la maladie.

Les différentes manifestations que recouvre le terme de schizophrénie ont ainsi été mises à jour par les contributions essentielles de trois psychiatres : Kraepelin, Bleuler et Schneider, dont les conceptions des manifestations symptomatiques ont été décrites précédemment. Ces grands cliniciens ont permis de mettre au jour des critères de classifications cliniques des maladies mentales qui peuvent être regroupés sous le terme de classification critériologique. Leurs apports théoriques influencent toujours les modèles actuels de cette pathologie.

Le diagnostic clinique de la schizophrénie prend une nouvelle tournure avec la démarche de Rümke (1941) fondée, non plus sur le regroupement symptomatique, mais davantage sur l’incapacité du patient à former un contact authentique avec son interlocuteur. Il nomme praecoxfeeling le sentiment d’impuissance et de détresse ressenti par le clinicien en réponse à cette absence de réciprocité, où la tentative même d’établir un contact avec le patient est anéantie. Un ensemble de phénomènes au cours de l’entretien clinique peut contribuer au praecoxfeeling, notamment la tonalité de la voix, la posture, l’expression faciale ou encore la spécificité motrice du patient. Bien que basée sur un principe fondamental de la psychologie clinique, à savoir la mise en œuvre dans un premier temps d’un outil essentiel, la personne même du clinicien (son ressenti, sa sensibilité et sa pertinence clinique) cette démarche ne prend pas en compte les critères symptomatiques ni les bases organiques de la schizophrénie qui émergent progressivement à cette époque.

Kleist (1928 ; 1930) propose de rattacher la schizophrénie à des bases organiques cérébrales. Les troubles du langage et de la pensée observés dans cette maladie ont été étudiés à la lumière des troubles similaires présents chez des patients souffrant de lésions cérébrales. Kleist observe des troubles du langage comparables dans les deux types de pathologie et

conclut à une cause neuronale située dans les régions du cortex qui traitent la réception et la production du langage. Cette démarche scientifique ouvre de nouvelles voies étiologiques et replace l’appréhension de la schizophrénie dans une lecture complexe reliant la spécificité de l’expression symptomatique à une cause localisée et organique.

Au début des années 1980, le développement de la recherche dans le domaine de la schizophrénie et la difficulté des chercheurs face à l’hétérogénéité de certains diagnostics ont nécessité la mise en place de critères diagnostics quantifiables et mesurés par l’intermédiaire d’outils psychométriques. L’avènement de cette démarche se produit avec l’élaboration du modèle bi-syndromique de Crow (1980a ; 1980b ; Andreasen, 1982), distinguant les symptômes positifs des symptômes négatifs. Les deux regroupements symptomatiques se distinguent selon six critères cliniques, cognitifs ou encore physiopathologiques et se caractérisent par l’intensité de leur expression symptomatique et de leur évolution spécifique. La symptomatologie positive englobant les délires, les hallucinations et les troubles de la pensée, est plus proche des expressions aiguës de la maladie, promet une meilleure évolution, et répond bien aux traitements médicamenteux. La symptomatologie négative regroupant l’émoussement affectif, l’avolition et la pauvreté de la parole, est présente dans les formes chroniques de la maladie, avec une évolution considérée comme irréversible et une réponse faible aux psychotropes. Le modèle bi-syndromique a été rapidement complété par l’émergence d’un troisième syndrome, la désorganisation. L’apport d’un nombre de travaux considérables souligne les contours d’un nouveau modèle tri-syndromique (Liddle, 1987; Liddle & Barnes, 1990) regroupant la pauvreté psychomotrice, la distorsion de la réalité et la désorganisation. Chacune des trois expressions symptomatiques correspond à un ensemble de signes cliniques, à une manifestation cognitive et à une atteinte des régions et des connexions cérébrales spécifiques et localisées. Ce modèle reste actuellement le modèle le plus influent ayant pris place intégrante dans les classifications actuelles de la schizophrénie.

Face à cette pluralité symptomatique et en vue de répondre aux exigences de la prise en charge clinique et d’homogénéiser les critères diagnostiques dans la recherche scientifique, des classifications internationales ont été élaborées. Les deux classifications internationales ont été établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et par l’Association Américaine de Psychologie (APA, 2000). Nous présenterons ici uniquement les critères du Diagnostic and Statistical Manual (DSM-IV-TR, 2002).

A. Symptômes caractéristiques : deux (ou plus), chacun présent pendant une partie significative du temps et ce durant un mois (ou moins, si traités avec succès) :

1) idées délirantes ; 2) hallucinations ;

3) discours désorganisé (incohérence ou déraillement fréquent) ; 4) comportement catatonique ou grossièrement désorganisé ;

5) symptômes négatifs (émoussement des affects, alogie ou avolition).

Note : un seul critère A est requis si les idées délirantes sont bizarres ou si les hallucinations consistent en une voix qui commente en permanence les comportements ou les pensées de la personne, ou si deux voix ou plus parlent entre elles.

B. Dysfonction sociale ou dans les activités : pendant une partie significative du temps depuis la survenue du trouble, un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations interpersonnelles ou les soins personnels sont nettement inférieurs au niveau atteint avant la survenue de la perturbation.

C. Durée des signes permanents de la perturbation persistant pendant au moins six mois. D. Exclusion des troubles de l’humeur et schizo-affectif

E. Exclusion d’une toxicomanie ou d’un état médical F. Exclusion d’un trouble envahissant du développement